Retranscription de États-Unis, Royaume-Uni : dernières nouvelles, le 11 septembre 2019
Bonjour, nous sommes le mercredi 11 septembre 2019. Aujourd’hui, je vais vous parler de deux évènements : la démission/limogeage de M. John Bolton aux États-Unis et les aventures de M. Boris Johnson, où on en est.
Les États-Unis. Quand la nouvelle est tombée, c’était dans la soirée, pour nous, hier, de la démission, disparition en tous cas, de M. John Bolton comme conseiller à la défense de M. Trump, j’ai immédiatement réagi par l’ironie. J’ai dit « M. Trump a choisi entre ses deux conseillers en matière de défense, entre M. John Bolton et M. Vladimir Poutine, et il a choisi M. Vladimir Poutine ». C’était de l’ironie mais je n’étais pas loin de bien décrire quand même la situation.
Qui était M. John Bolton ? C’est quelqu’un qui est connu depuis pas mal de temps. C’est quelqu’un qui a prôné l’invasion de l’Irak à l’époque. C’était en 2003 si j’ai bon souvenir [le 20 mars 2003]. C’est quelqu’un qui appartient au camp qu’on appelle les néoconservateurs. Qu’est-ce que c’est les néoconservateurs ? C’est une partie du Parti républicain américain (GOP). C’est un courant qui existe depuis les années 60. C’est un courant qui est dans la doctrine de Monroe, c’est-à-dire de l’interventionnisme américain [pour tout ce qui touche au « Nouveau-Monde » dans son ensemble]. Les États-Unis vont intervenir dans le monde pour défendre une certaine représentation de la « vision démocratique » telle que les américains, les États-Uniens, la conçoivent. Interventionnistes, guerres préventives, etc.
M. Bolton a eu l’occasion, en tant que conseiller, de recommander des frappes stratégiques sur la Corée du Nord et sur l’Iran. M. Trump ne l’a pas fait parce que vous savez que M. Trump, 2 choses. D’abord, il est aligné sur la politique russe, enfin, je ne vous apprends rien : c’est lui-même qui le dit, qu’il écoute les conseils de son ami Vladimir Poutine sur la plupart des affaires, mais à l’époque déjà de sa campagne électorale et bien avant déjà, il était aligné sur une politique pro-russe de retrait, d’isolationnisme américain, et de non-intervention et de laisser les [autres pays] faire un peu ce qu’ils veulent s’ils ne menacent pas les États-Unis ou s’ils ne représentent pas des intérêts économiques concurrents, divergents et dangereux pour le pays.
La position de Trump, c’est une position défensive, ce qui arrange bien, bien entendu, la Russie, et c’est une position qui est, de fait, « pacifiste » si l’on veut par rapport à celle de Bolton. Récemment, Bolton avait à la fois marqué des points en conseillant des actions assez dures mais il se trouvait, je dirais, tout à fait en retrait par rapport à cette proposition de Trump de faire venir des représentants des Talibans à Camp David pour des négociations de paix en Afghanistan. Ce n’est pas du tout, bien entendu, la position de Bolton. Alors, Bolton a fini par se retirer, qu’il ait démissionné, ait été limogé, ou qu’il se soit retiré de lui-même.
Comme je le faisais remarquer hier, c’est mieux pour tout le monde de toute manière qu’un type comme Bolton, un faucon en matière militaire, ne soit pas davantage écouté par Trump mais, comme les commentateurs de gauche l’ont répété aux États-Unis, ce sont des querelles à l’intérieur du même camp : ce sont des positions de droite, voire même d’extrême-droite, qui se disputent entre elles.
Les néoconservateurs sont en retrait depuis un certain temps, leurs grandes vedettes comme M. Irving Kristol, qui écrivait dans les années 70, Daniel Bell aussi. Ensuite, les grandes vedettes ont été M. Paul Wolfowitz et, j’ai oublié le nom… Richard Perle, bien entendu. Et des gens comme Rumsfeld, comme Cheney sous Bush le fils, ont été des personnes qui ont représenté, à l’intérieur même du gouvernement, des positions de ce type-là.
Avec Trump, on a affaire davantage à une position de repli, non seulement isolationniste mais qui coupe de manière systématique les bonnes relations entre Trump et les nations alliées des États-Unis depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, ce qui correspond, bien entendu, à l’affaiblissement recherché par la Russie des nations qu’on appelait autrement le « Monde libre », et ça ne faisait pas rire, mais qu’on appelait aussi les nations autour de l’organisation militaire de l’OTAN, bien entendu. Voilà pour les États-Unis. On ne sait pas ce que ça va donner.
Du côté américain encore, un évènement. C’est demain, jeudi, que débute véritablement la procédure d’impeachment contre M. Trump, ce qui va permettre de faire revenir devant des commissions des personnes qui ont déjà parlé mais qui ne peuvent plus se retrancher dans le refus simplement de parler, qui vont devoir répéter ce qu’on sait déjà, et vous le savez, le dossier qui permettrait une procédure d’impeachment, de destitution de Trump, je l’ai déjà dit : il y a 50 fois plus que ce qu’on a pu utiliser contre Nixon. Donc ce ne sont pas les munitions qui manquent.
Ce qui manque, c’est le soutien de Mme Pelosi qui reste convaincue – c’est une position que j’ai défendue sur le blog depuis des années – qu’on ne pourra rien faire contre Trump tant qu’il reste encore de l’ordre de 35 à 45 % de la population qui considère que c’est un bon président. Ça fluctue. On est plutôt, je dirais, dans le bas en ce moment. Le dernier sondage parle de 38 % de personnes favorables à la gestion de Trump. C’est monté jusqu’à 45 % à une certaine époque et ça a toujours fluctué depuis sa nomination, autour des 40 %, mais ça n’a pas bougé. Il n’a pas perdu encore de manière considérable. Si vous regardez depuis son élection – je pourrais le remettre mais ça ne sert à rien – le pourcentage d’opinions favorables et défavorables, c’est une bande pratiquement parallèle depuis son élection. Comme le disent les partisans de l’impeachment, le fait qu’on fasse venir maintenant les personnes pour leur faire répéter des choses que l’on sait déjà mais dans un cadre législatif et dans une procédure de type judiciaire, ils espèrent que ça va faire évoluer l’opinion des gens de manière défavorable par rapport à la position de Trump, en mettant en évidence, une fois de plus, ses turpitudes mais, comme on le sait, ça n’a pas encore influencé énormément les gens. La seule chose, c’est au moment du procès de Manafort où des gens qui étaient Make America Great Again ont condamné dans un tribunal, par un jury populaire, Manafort, bien qu’il soit l’homme de main de Trump et, en particulier, dans ses relations avec différents types d’oligarques russes.
Pour ce qui est de M. Johnson, on s’interroge sur ce qui va se passer maintenant. Vous l’avez peut-être vu dans une vidéo que j’ai mise en ligne mais qui n’a pas montré les affrontements les plus durs qui ont eu lieu au Parlement britannique, des choses qu’on n’a pas vues depuis très très très longtemps en Angleterre : une polarisation tout à fait extraordinaire et qui, dans le cas de la Grande-Bretagne, se polarise sur ce vote de sortie de l’Union européenne.
Vous êtes certains à m’écrire en disant, à propos de Johnson, que j’attaque essentiellement en tant que démagogue : « Oui, mais il défend la volonté du peuple qui a voté pour le Brexit ! ». Si vous me dites ça, c’est ou bien que vous ignorez ce que je dis depuis le vote, depuis le referendum ; c’est possible, tout le monde n’est pas obligé de suivre ce qui se passe sur mon blog ou de connaître mes opinions. Ou bien, c’est pour le plaisir de dire le contraire de ce que je dis [rires].
Qu’est-ce que j’ai dit ? J’ai dit qu’on a mis au referendum, un vote sur quelque chose d’impossible. Alors, qu’on ait voté à 65 %, 70 % ou même 90 % pour quelque chose d’impossible, ça ne rend pas la chose moins impossible. La volonté du peuple à faire des choses impossibles se heurte à l’impossibilité. L’impossibilité, c’est quelque chose qui n’aura pas lieu.
Je vous ai rappelé que c’est un certain philosophe qui s’appelle Aristote qui a dit qu’on ne pouvait dire que 2 choses sur l’avenir avec certitude : que le nécessaire aura lieu et que l’impossible n’aura pas lieu. Donc, la question n’est pas une question de « volonté du peuple » quand on pose une question idiote qui était déjà un match entre M. David Cameron qui n’était pas, lui, en faveur d’une sortie de l’Union européenne. C’était une provocation qu’il a faite à Boris Johnson et Boris Johnson l’a emporté parce que des gens – et c’est ce qu’on voit dans d’autres pays – il y a des gens qui votent systématiquement contre ce que le gouvernement voudrait par irritation, comme je le disais l’autre jour dans l’article du journal L’Écho, parce qu’une certaine partie importante, sans doute majoritaire de la population, a le sentiment que nos gouvernements s’occupent des petits soucis des nantis et ne s’occupe pas des gros soucis des autres qui constituent la majorité de la population (voir évènements de type Gilets jaunes, etc.).
Alors, que va-t-il se passer ? Il y a un calendrier maintenant. M. Johnson a obtenu gain de cause dans son projet d’ajournement du parlement pendant 5 semaines. C’est passé devant les cours. Ça a été confirmé. Il a le droit de le faire [P.J. je disais cela le 11 septembre dans la matinée ; on apprendrait plus tard dans la journée que la décision était renversée]. Le Parlement se réunira à nouveau le 14 octobre alors que la sortie de l’Union européenne est prévue, est fixée maintenant, au 31 octobre. Ça laisse 17 jours. Le 17 octobre, M. Johnson se rend à Bruxelles pour négocier, peut-être pour la première fois sérieusement, une sortie de l’Union européenne, par autre chose que ce qu’il avait prévu par défaut, qui était donc un no-deal, c’est-à-dire une sortie sans accord. Il va se retrouver sans doute obligé de le faire. Pourquoi ? Parce qu’il en est maintenant à son 6ème vote sur 6 perdu devant le Parlement. Comme ironisait un éditorialiste hier, il a commencé avec une majorité d’un siège et il a maintenant une majorité de -45. Cet éditorialiste continuait d’ironiser en disant que M. Johnson, selon ses partisans, va de victoire en victoire et la prochaine, disait-il, je crois que c’était dans l’Evening Standard, sa prochaine victoire va être de démissionner ou bien d’être arrêté carrément par la police pour avoir pris des mesures contre la loi, contre une loi votée par une majorité d’opposants.
C’est vrai que M. Johnson ne va pas de victoire en victoire mais que son camp continue de pavoiser en disant : « Voilà l’homme qu’il nous faut ! ». Son camp dit : « Il a encore toujours une carte dans son jeu et même la carte d’atout… dont sa démission, qui obligerait l’opposition de mettre un Travailliste et même un Marxiste au pouvoir ! ». Alors, le commentateur disait : « Si c’est ça la victoire du camp de M. Johnson, on ne sait pas trop comment se représenter une défaite de M. Johnson ? ».
C’est vrai qu’il a mal joué. Jusqu’ici, il a très très mal joué. Il n’a pas pu empêcher qu’une mesure soit votée, qui empêche, en principe, de sortir de l’Union européenne sans accord. Il a voulu placer des élections aussitôt et, pour cela, il lui fallait une majorité des deux-tiers, ce que les Travaillistes n’ont pas voulu et, par conséquent, il était dans une position extrêmement complexe. La seule chose qui est positive pour lui, ce sont les sondages qui montrent que, malgré son attitude, le Parti conservateur, dans les sondages, a des intentions de vote de 35 % contre 25 % seulement pour les Travaillistes, ce qui est un chiffre en baisse. Pourquoi est-ce qu’il a 35 % ? Parce qu’il arrive à grappiller sur le parti d’extrême-droite de M. Nigel Farage, le Brexit party. Il reprend l’électorat radical de droite au parti de Farage dans les sondages mais il y a un certain nombre de députés, et Travaillistes et Conservateurs, qui passent aux Libéraux-démocrates. Ils sont les seuls à avoir une opposition véritablement identifiée à un non-Brexit, au fait de rester à l’intérieur de l’Union européenne. En fait, ils ne sont pas les seuls puisqu’au niveau écossais, le parti nationaliste écossais (SNP) est lui aussi en faveur de rester dans l’Union européenne et pourrait phagocyter entièrement ce qui reste du Parti conservateur en Écosse, selon les sondages.
Les chiffres que j’ai vus, c’est donc : intentions de vote 35 % pour les Conservateurs, 25 % pour les Travaillistes, 17 % pour les Libéraux-démocrates et 13 % pour le parti du Brexit. Je n’ai pas vu les chiffres pour le SNP, pour le Scottish National Party, sinon, je vous les aurais dits. Je les ai cherchés, je ne les ai pas trouvés dans un sondage. Le sondage devait s’adresser essentiellement à des Anglais en tant que tels par opposition à d’autres composantes du Royaume-Uni comme l’Irlande du Nord ou l’Écosse et le Pays de Galles.
Voilà où on en est. Voilà le tableau de ce qui s’est passé hier aux États-Unis et les jours précédents, y compris hier, en Grande-Bretagne. Je continue de vous tenir au courant.
Juste une petite note du point de vue français, M. Macron perd patience vis-à-vis du Royaume-Uni et, d’après ce qu’on a entendu dire, il pousse maintenant à un Brexit sans accord pour arrêter les tergiversations. C’est aussi une façon, je dirais, de situer de manière un peu plus précise l’Union européenne vis-à-vis de la Grande-Bretagne. Voilà. J’arrête-là. Merci.
@Hervey Addiction ! Vous y allez peut-être un peu fort, non ? 😉 En fait, dans un premier temps, je…