Retranscription de Brexit et apocalypse II, le 4 septembre 2019.
Bonjour, nous sommes le mercredi 4 septembre 2019.
Hier, je vous ai fait une vidéo à propos du Brexit. Je vous ai expliqué que, de jour en jour, je retardais le moment d’en faire une parce que l’actualité n’arrêtait pas de se modifier. Je savais en faisant ma vidéo – d’ailleurs, je vous l’ai mentionné – qu’il y aurait un évènement important par rapport à ça en soirée. Cet évènement a eu lieu. Il ne modifie pas ce que j’ai dit. Je campais le décor et ça m’évite d’en reparler aujourd’hui.
En deux mots ce qu’il s’est passé hier. Un vote a eu lieu au parlement [britannique] qui a fait dérailler entièrement la stratégie de M. Boris Johnson. Il avait fait pression auprès des parlementaires Conservateurs qui refusaient sa stratégie jusqu’ici qui consistait en fait à mettre le pays au-devant d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord. Il a fait pression contre ceux qui risquaient de faire dérailler sa stratégie en les menaçant d’une exclusion du parti conservateur. Mal lui en a pris parce que 21 d’entre eux l’ont fait quand même. Il a déclaré aussitôt qu’ils étaient exclus du Parti conservateur.
Il venait de perdre dans la soirée, au moment même où il parlait, il venait de perdre la majorité des Conservateurs + les Unionistes d’Irlande du Nord [DUP] qui le soutenaient ensemble au parlement. M. Phillip Lee a annoncé à ce moment-là qu’il quittait le Parti conservateur pour rejoindre les Libéraux démocrates. A ce moment-là, M. Johnson n’avait plus de majorité mais il a encore perdu le soutien de 21 de ses parlementaires Conservateurs. Ils ont aussitôt été démis de leur [appartenance au parti].
Je vous avais déjà cité les noms, dans la journée d’hier, de certains qui menaient croisade contre Johnson à l’intérieur du Parti conservateur sans être des partisans de rester (Remain), à l’intérieur de l’Union européenne. Je vous ai mentionné le nom d’anciens ministres comme M. David Gauke, M. Phil Hammond. Ils ont effectivement voté contre mais 25 autres les ont rejoints.
C’est une perte considérable pour le Parti conservateur. Il va essayer de grappiller des voix au parti de M. Nigel Farage que vous connaissez depuis longtemps, le Brexit party, qui constitue une sorte d’extrême-droite « à la Trump ». Il va essayer de regagner des voix de ce côté-là mais il a perdu non seulement un député qui a rejoint un autre parti, M. Phillip Lee, mais il a dû exclure 21 autres de son parti. Un vote aura lieu aujourd’hui avec une nouvelle majorité de fait qui ne sera pas celle de M. Johnson : il aura perdu 28 personnes qui étaient de son côté, et une union en face du Parti travailliste, du Parti nationaliste écossais, SNP, des Libéraux démocrates et des rebelles du Parti conservateur. Ceux-ci vont faire passer aujourd’hui probablement une motion qui demandera le report de la sortie de l’Union européenne, qui votera un report de la sortie de l’Union européenne en vue de négocier avec l’Union européenne : les partenaires.
C’est-à-dire, si les choses qui se précisent pour la journée d’aujourd’hui se passent, on aura à nouveau un report qui devrait permettre de renégocier avec l’Union européenne.
Plusieurs des parlementaires qui sont intervenus hier ont demandé à M. Johnson de montrer quel était le brouillon de ce qu’il prétendait discuter en ce moment devant l’Union européenne. Ça a été refusé à plusieurs reprises. Et, d’après ce que l’on sait par des fuites, il n’y a pas eu de discussion véritable avec l’Union européenne. M. Johnson se préparait effectivement à sortir de l’Union européenne sans accord.
C’est un bouleversement du paysage politique. C’est une scission de fait qui a lieu à l’intérieur du Parti conservateur. Certains l’avaient dit au moment du référendum, au moment où le vote de sortie l’a emporté, contre l’avis d’ailleurs de M. David Cameron qui était Premier ministre à l’époque, qu’à terme, cela signalait sans doute une crise majeure pour le Parti conservateur. M. Johnson a essayé de l’éviter. Il a essayé d’étendre son parti vers l’extrême-droite. Il semble bien qu’il ait échoué hier. C’est une défaite cinglante pour lui.
M. Nicholas Soames, qui est l’un des exclus au grand dam des membres du Parti conservateur parce que ce M. Nicholas Soames, excusez-moi « Sir » Nicholas Soames, n’est autre que le petit-fils de Winston Churchill et si vous regardez les photos, vous verrez qu’il lui ressemble. Ce monsieur a eu le panache d’annoncer son ralliement au camp des sécessionnistes par le hashtag #metoo, moi aussi. C’est un monsieur qui, en plus, a de l’humour.
Le Parti conservateur est dans ses derniers dessous en raison de cette stratégie extrêmement dangereuse que M. Johnson a voulu lancer. Rien n’est réglé. Il y aura encore beaucoup de discussions. Il y aura encore beaucoup de revirements, de coups de théâtre certainement mais, dans les jours qui viennent, et en tout cas avant le 31 octobre, le Royaume-Uni est dans une situation de crise qu’il n’a pas connue depuis très très longtemps. Je pense à la question royale à une époque [1936]. Il n’y en a pas eu, je dirais, de crise de cet ordre-là, aussi importante, depuis.
Que va-t-il se passer ? Je n’en sais rien. Vous avez vu, j’ai fait un petit résumé comme ça de la situation. Vous le savez, je ne m’avance pas souvent à faire des prévisions. Bien entendu, comme j’avais prévu la crise des subprimes, j’avais expliqué que ce secteur tout à fait marginal au sein de l’économie américaine – appelons-le par son nom : des prêts accordés à des gens qui n’ont pas beaucoup d’argent pour acheter de petites maisons – ça n’a jamais constitué quelque chose de significatif dans l’économie américaine. Il fallait qu’un certain nombre de personnes, je vous l’ai dit, 3 ou 4 ou 5, voient la ligne qui s’était tracée entre ce secteur minuscule et d’autres choses à l’intérieur de l’économie et de la finance américaine pour prévoir une crise de ce type-là. Dans ce cas-ci, dans le cas du Brexit, c’est autre chose si bien que, si on me posait la question : « Pourquoi dans ces deux cas-là, avez-vous fait une prévision ? ». Je ne vais pas vendre la peau de l’ours avant qu’il ne soit tué mais je peux, aujourd’hui, parce que les choses vont vraiment dans mon sens, je peux quand même dire la chose suivante.
Qu’est-ce que j’ai fait dans les deux cas ? M. le Stagirite, M. Aristote, serait content de l’élève que je suis parce que j’ai pris au sérieux – vous le savez – j’ai remis à l’ordre du jour sa théorie de la formation des prix en montrant, je l’espère, que c’est comme ça que les prix se constituent, comme il l’a dit lui au 4ème siècle avant Jésus-Christ et pas selon la « loi » de l’offre et de la demande mais ce monsieur, je l’ai bien étudié aussi pour tout ce qui est de l’ordre de son Organon. Son Organon, c’est tout ce qu’il a écrit que nous appelons aujourd’hui de la linguistique, de la logique : tout ce qui a eu un lien avec le langage. Et, il a parlé aussi d’autres choses qui allaient être développées par les Stoïciens, en particulier pour ce qui est de l’ordre de ce que l’on pourrait dire, de l’avenir. Mais, M. Aristote avait quand même dit la chose suivante. Il avait dit, à propos de l’avenir : « On ne peut dire avec certitude que deux choses : on peut dire des choses qui sont nécessaires, qu’elles vont certainement avoir lieu et on peut dire des choses impossibles, qu’elles n’auront certainement pas lieu ». Voilà. C’est vrai. Tout ça reste absolument du bon sens bien que la théorie des probabilités ait essayé de se frayer un chemin entre les deux.
Dans le cas des subprimes, comme je viens de le dire, quelque chose apparaissait de l’ordre du nécessaire. Il y avait un lien nécessaire entre les subprimes et une crise majeure à l’intérieur de l’économie et de la finance américaine, et même, en fait, de l’économie mondiale. Dans le cas du Brexit, là, on n’est pas dans l’ordre de la nécessité. On est plutôt dans l’ordre de l’impossibilité. Pourquoi est-ce que j’ai dit, au lendemain du vote positif sur le Brexit, qu’il n’aurait pas lieu ? Parce qu’il m’apparaissait, et il m’apparaît toujours, impossible pour deux types de raisons, je l’ai répété hier :
- La nécessité économique, l’impossibilité de détricoter l’intégration du Royaume-Uni à l’intérieur de l’Union européenne,
- Et peut-être encore surtout, et je vous l’ai expliqué, ça m’est venu comme ça, je n’y avais jamais pensé avant, une raison peut-être un petit peu affective de mon côté, de comprendre ce que c’est que les accords du Vendredi-Saint de 98 qui ont mis fin à la guerre civile en Irlande du Nord, guerre civile, et l’anecdote que j’ai racontée hier le prouve, qui était aussi une guerre civile à l’intérieur même du Royaume-Uni d’une certaine manière.
L’économie, la situation de l’Irlande, l’impossibilité de retour en arrière dans les deux cas m’ont fait placer ces évènements dans l’ordre de l’impossibilité et, en bon élève d’Aristote, le nécessaire aura lieu par nécessité, nécessairement, et l’impossible n’aura pas lieu également par simple [implication] logique. Voilà.
Je peux encore avoir tort. Il y aura peut-être encore le Brexit mais ce qui me permet d’en parler de cette manière-là, c’est ce qui s’est passé hier et qui retire à la possibilité même du Brexit, fait diminuer ses chances d’une manière absolument considérable. Bien entendu, je vais être de bonne foi et si les évènements devaient me donner tort, je continuerais de faire mes petits reportages, de vous expliquer ce qui se passe et pourquoi je vous présenterai éventuellement mes plates excuses en disant que, là, je me suis trompé.
Hier, les chances étaient de 50 % de m’être trompé. Aujourd’hui, je crois qu’elles sont tombées à 25 %, un quart ou 33%, un tiers, mais je crois que nous allons effectivement vers une mise sur l’étagère [P.J. : un anglicisme de plus chez Jorion, qui connait mieux l’anglais que le français : « put on the shelf », retarder indéfiniment] de ce projet qui est un projet mal conçu, dont je vous ai expliqué à l’époque que c’était des règlements de comptes entre d’anciens étudiants d’Oxford et qu’il était dommage que la nation toute entière soit entraînée dans ces plaisanteries de [potaches].
Je vous tiens au courant. Je vous tiendrai certainement au courant de ce qui se passe dans la journée. Voilà un petit point, une mise au point sur « Brexit et apocalypse ». L’apocalypse n’est pas encore évitée. Elle peut avoir lieu ou certains diraient qu’elle a déjà bien débuté. Elle est en cours !
Voilà, je vous tiens au courant. À bientôt !
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