Un génocide demande concertation, décisions délibérées ; en particulier s’il est organisé d’emblée à l’échelle industrielle.
Ce que notre jurisprudence a qualifié de « crime passionnel » relève d’une autre catégorie : il s’agit de tragédies qui ont lieu sans planification préalable.
La délibération implique un calcul par la conscience. La passion au contraire met en jeu ce que la, ou le psychanalyste, appelle l’inconscient, ce que Paul de Tarse appelait la chair, et que l’on peut tout aussi bien appeler le corps. Or, la chose est établie, la conscience n’est informée de ce que le corps a décidé d’entreprendre qu’avec un délai considérable (d’une demi- à 10 secondes).
Aussi, parler de féminicide, par analogie avec génocide, c’est renvoyer automatiquement à la décision délibérée, à la planification. Alors que parler de crime passionnel, c’était renvoyer aux effets de l’inconscient, aux improvisations intempestives et parfois tragiques, des corps.
Assimiler en bloc le « crime passionnel » au « féminicide », c’est nier la nature animale de l’être humain, fait de chair et de sang. C’est le fruit d’un idéalisme, animé sans doute des meilleures intentions du monde (je n’en doute pas un seul instant), mais à propos duquel le psychanalyste que je suis (entre autres), est obligé de crier casse-cou : nous ne sommes pas aussi déterminés dans nos comportements par le sens du devoir que nous aimerions l’être. Les illusions qui accompagnent une représentation idéalisée de la nature humaine ont déjà fait un tort considérable. N’y ajoutons pas, par souci de bien faire.
La notion de crime passionnel contient en elle des millénaires de savoir empirique accumulé sur qui nous, êtres humains, sommes véritablement. Ne la jetons pas aux orties : elle est réaliste plutôt qu’idéaliste. C’est un avantage considérable.
P.S. La question est primordiale : j’y reviendrai.
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