Retranscription de Fin du capitalisme : bonnes nouvelles !, le 19 août 2019. (Je suis en train de rédiger un post-scriptum). Ouvert aux commentaires.
Bonjour, nous sommes le lundi 19 août 2019 et ceci, c’est une première parce que c’est la première fois que je fais deux vidéos le même jour. J’en ai fait une tout à l’heure qui était consacrée à l’intelligence artificielle et celle que j’ai envie de faire maintenant n’a aucun rapport avec ça. Il s’agit de… Je vais donner le titre suivant : « Fin du capitalisme : bonnes nouvelles ! »
Vous le savez, si on parle un petit peu de moi, ce n’est pas tellement en raison de mes travaux universitaires, c’est en raison de cette prévision que j’ai faite en 2005-2006 à propos d’une grande crise qui viendrait en raison des titres subprimes.
Je travaillais dans un secteur pas très éloigné [le Alt-A puis le prime] et j’ai prévu ça. J’ai écrit un livre de 250 pages en disant que ça allait se passer et ça s’est passé. Depuis, on me demande souvent : « Est-ce qu’il va y avoir une grande crise financière ? » etc., et je réponds de manière systématique : « Je n’en sais rien ! ».
Pourquoi est-ce que je fais ça ? Pourquoi est-ce que j’étais si malin en 2005-2006 et pourquoi si stupide en 2019 ? C’est parce qu’en 2005-2006, il y avait une ligne très clairement tracée entre les titres adossés à des prêts au logement subprimes et une destruction systématique d’une grande partie de la finance telle qu’elle existait à l’époque. Ce n’est pas le cas en ce moment. Le système s’est fragilisé davantage parce qu’on n’a pas pris les mesures qui devaient être prises mais il n’y a plus de ligne nettement tracée entre un secteur particulier et une grande crise. Il y a de multiples facteurs qui pourraient effectivement produire une crise. C’est pour ça que je ne m’oppose pas aux gens qui disent : « Il va y avoir une crise à cause de ceci ou à cause de cela ». Ils ont peut-être raison mais ce n’est pas du même ordre que ce qu’on voyait s’annoncer en 2005-2006.
Depuis, j’ai fait deux grandes prévisions de l’ordre de celle que j’avais faite à propos des subprimes. Je parle souvent de celle relative au Brexit. Au moment où les Britanniques ont voté par 51 % quelque chose [51,9%] pour sortir de l’Union Européenne, j’ai dit : « C’est impossible ! C’est impossible pour des raisons économiques. Ça va provoquer un effondrement économique considérable et c’est impossible en raison des accords du Vendredi Saint 1998 qui ont modifié, qui ont permis à la situation en Irlande du Nord de se stabiliser et que l’on sorte d’une guerre civile atroce dans le nord de cette île », où se trouvait une population, à l’époque, essentiellement protestante (ce n’est plus le cas maintenant en raison de l’évolution de la démographie) et le reste du pays, catholique, qui a une autre représentation des choses : des populations aussi, d’une composition ethnique légèrement différente à l’intérieur du Royaume-Uni.
Ma 3ème prévision, c’est la fin du capitalisme. Là, pour celle-là… Pour le Brexit, j’ai l’impression que mes chances sont encore très grandes que ma prévision se réalise, malgré tout ce qu’on entend dire, malgré le fait qu’on dise que le Brexit aura lieu de toute manière en octobre de cette année-ci. Je ne suis pas convaincu que ce sera le cas. Je crois que, d’une certaine manière, sinon la raison, du moins les faits vont prévaloir.
Troisième grande prévision que je fais : fin du capitalisme. Là, il est plus difficile de rassembler des éléments disant : « Ceci prouve qu’on va dans cette direction-là et pas dans une autre ». Sauf, de temps en temps, des évènements – et c’est ça qui me conduit à faire une seconde vidéo le même jour – un évènement important.
La Business Roundtable, qui est une organisation patronale américaine, vient de dire qu’elle modifiait sa position par rapport aux intérêts liés aux entreprises en disant que, selon elle, l’intérêt des actionnaires ne doit plus prévaloir sur celui d’autres parties intéressées comme les clients de l’entreprise, comme les employés de l’entreprise, [les approvisionneurs] et la communauté tout autour. Le vote a eu lieu : 181 représentants [de très grosses] entreprises américaines sur 192 ont voté en faveur de cette reformulation.
C’est un tournant, je dirais, considérable dans les représentations. Considérable !
Cette idée que l’intérêt des actionnaires devait prévaloir sur tout le reste, c’est une idée typiquement ultralibérale. C’est une idée qui a été avancée par M. Milton Friedman à partir d’un raisonnement complètement faux du début à la fin. En particulier, ce raisonnement est fondé sur l’idée que les actionnaires sont propriétaires de la firme. C’est absolument faux ! Les actionnaires sont des gens qui apportent une contribution, qui font des avances, à la firme : ce sont donc des créanciers par rapport aux montants qu’ils apportent en achetant les actions de la société. Le fait que, si la compagnie fait faillite ou doit se terminer d’une manière ou d’une autre, que les actionnaires ont droit à une partie de l’argent qui sera dégagé à la casse, au moment de la liquidation de l’entreprise n’est absolument pas la preuve qu’ils sont les propriétaires, au contraire, c’est une preuve du fait qu’ils sont des créanciers.
C’est au nom de ce raisonnement entièrement faux de M. Milton Friedman qu’il a, bien entendu, été récompensé par un prix Nobel d’économie : pour cette erreur majeure d’évaluation.
Les choses sont en train de changer. La déclaration faite par l’ensemble de ces dirigeants d’entreprises est justifiée par eux par le fait que ce faux raisonnement a produit une concentration de la richesse tout à fait dommageable à l’ensemble de la population du pays. Un chiffre donné par la presse cet après-midi : depuis 1978, la rémunération des dirigeants d’entreprise aux États-Unis a été augmentée de 940 %, celle des employés de 12 % sur la même période.
Il s’agit d’un revirement tout à fait considérable : c’est très très important.
On peut vous dire : « Oui, mais on réfléchissait comme ça avant ! ». Ce n’était pas à partir d’une représentation comme celle offerte maintenant dans cette déclaration des dirigeants d’entreprise, qui parle de toutes les parties intéressées qui doivent bénéficier, dans une perspective sociale, sociétale, de l’avancement du progrès économique fait par les entreprises. C’est un revirement majeur. C’est une défaite considérable en rase campagne pour l’ultralibéralisme. C’est un reniement par les dirigeants d’entreprises de tout ce qui fait le fondement de la doctrine ultralibérale. C’est très très important.
Ça ne veut pas dire, bien entendu, automatiquement la fin du capitalisme mais c’est une défaite considérable pour la représentation qui était devenue dominante depuis les années 1970 – les années 1980. Toute la doctrine Reagan, toute la doctrine Thatcher subit avec cette déclaration un camouflet considérable.
C’est très très important. C’est une première défaite de leur côté.
C’est une première défaite. Elle est saluée par Mme Elizabeth Warren à très juste titre. M. Bernie Sanders, malheureusement, est quelqu’un qui ne comprend pas aussi bien l’économie. C’est quelqu’un qui se bat, en particulier, sur la question de savoir si les entreprises peuvent ou non racheter leurs actions. Une compagnie qui rachète ses propres actions avec de la liquidité, avec l’argent liquide dont elle dispose, c’est tout à fait normal : c’est rembourser des créanciers de l’entreprise.
Pourquoi est-ce que M. Sanders s’oppose à ça ? À partir d’une conception qui est très répandue dans la gauche, qui est le fait que ça fait monter le prix des actions. Effectivement, il y a moins d’actionnaires donc le prix des actions augmente [les dividendes seront partagés entre moins d’actionnaires, et le cours de l’action reflétera l’anticipation de ces dividendes plus élevés]. Le problème, là, n’est absolument pas lié à cela. Le problème est lié au fait que les entreprises qui rachètent leurs propres actions utilisent ça comme un moyen de gérer les stock-options. « M. Sanders ! le problème n’est pas lié au fait que les entreprises rachètent leurs actions ! Elles remboursent par là leurs créanciers, ce qui est tout à fait normal et justifié. Il est lié à la logique des stock-options qui [déterminent] cela ! M. Sanders, opposez-vous aux stock-options et pas au fait que les entreprises remboursent leurs créanciers ! » Je dis ça comme un petit aparté.
Quoi qu’il en soit, cette chose qui s’est passée aujourd’hui, c’est un évènement considérable et qui s’inscrit dans le cadre de ma prévision d’une fin du capitalisme. C’est un revers considérable pour la position défendue par les ultralibéraux, par les capitalistes de choc, par les gens qui défendent une conception du capitalisme, je dirais, « sauvage », celui qui produit la concentration de la richesse. Il faut la saluer.
Je ne sais pas ce que ça va donner par la suite mais c’est un évènement considérable, ce vote de 181 sur 192 chefs des grandes entreprises américaines qui font machine-arrière sur ce qui a été absolument leur slogan de campagne, leur mot d’ordre, depuis les années 1970 jusqu’à maintenant. Voilà, je tenais à vous signaler ça. A tout à l’heure ou à un autre jour. Je ne crois pas que je vais faire une 3ème vidéo pour aujourd’hui [rires] !
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