Retranscription de « On nous cache tout ! On nous dit rien ! », le 26 juillet 2019. Ouvert aux commentaires. La discussion est tout naturellement consacrée en ce moment au suicide [apparent] de Jeffrey Epstein.
Bonjour, nous sommes le vendredi 26 juillet 2019 et, dans cette petite vidéo qui s’appellera « On nous cache tout ! On nous dit rien ! », je vais, comme le titre l’indique, d’une certaine manière, justifier le conspirationnisme et le complotisme.
En 11 ans de vidéos que vous avez pu voir ici, je n’ai jamais fait ça. Je n’ai jamais rien dit de ce type-là. Je n’ai jamais rien écrit non plus de cette manière-là mais je suis obligé de le faire en raison d’un petit texte que j’ai trouvé hier. J’ai réagi aussitôt. J’ai eu un coup de sang. J’ai pas mal de coups de sang ces jours-ci. Ça devait être lié au climat ou bien à des choses particulièrement révoltantes que l’on voit dans l’actualité. J’ai fait un petit texte à propos de l’AFP demandant si leurs journalistes étaient tous en vacances ou s’ils étaient rentrés à la maison en raison de la canicule. Je vais vous expliquer.
J’ai regardé d’un bout à l’autre – je ne me suis levé que pendant les entractes – j’ai regardé les 7 h d’audition de M. Robert Mueller devant 2 commissions du Congrès américain. Je vous en ai rendu compte en direct dans un petit texte, c’était avant-hier. Et dans un petit texte hier – quand je dis un petit texte, ce n’est pas un petit texte, ce sont de longs textes – j’ai fait un bilan. J’ai ajouté des informations supplémentaires. J’ai tiré des conclusions.
Je viens de regarder, en mettant les deux textes ensemble, il n’y a pratiquement pas de redites de l’un à l’autre. Il y a un tout petit sommaire qui fait que l’on pourrait enlever 200 signes. Dans l’ensemble, cela fait 8 000 signes. 8 000 signes, c’est une demi-page dans le journal Le Monde. Une demi-page, sans publicité, etc. C’est du texte. Une demi-page dans Le Monde, c’est 8 000 signes. Je n’ai pas simplement aligné les mots les uns derrière les autres. Je vous ai donné beaucoup d’informations au moment même, quelques informations supplémentaires, tiré des conclusions, etc. Il y a donc, de mon point de vue, de l’information dans ce qui s’est passé pendant 7 h qui mérite au moins une demi-page du journal Le Monde. Et alors là, vous l’avez vu, je tombe, parce que l’on m’envoie un article et de fil en aiguille, je vais aller regarder. On m’envoie un texte, je tombe sur un texte de l’agence France Presse qui dit la chose suivante : « Robert Mueller, l’ex-Procureur spécial en charge de l’enquête russe, a campé sur ses positions mercredi lors d’une audition marathon au Congrès où il n’a offert aucune munition à ceux qui, dans les rangs Démocrates, réclament l’ouverture d’une procédure de destitution contre Donald Trump. Interrogé pendant 7 heures par deux commissions de la chambre des représentants, l’ancien chef de la police fédérale FBI, 74 ans, s’est contenté de répéter qu’il n’avait pas disculpé le président américain des soupçons d’entrave à la justice ».
Si vous lisez, si vous avez lu les deux, si vous avez vu le texte de l’agence France Presse et si vous avez lu ce que moi j’ai écrit, vous ne pouvez pas vous empêcher de penser que l’agence France Presse nous cache quelque chose. On peut se dire que c’est délibéré.
On peut se dire qu’il y a une politique de ne pas dire ce que l’on voit chez Jorion. C’est une possibilité. Pour avoir travaillé, pour avoir été chroniqueur au journal Le Monde pendant 10 ans, un peu plus, je peux vous dire que je ne crois pas que ce soit le cas. Je ne crois pas qu’il y ait une politique qui soit une politique du gouvernement, qu’on dise à l’agence France Presse : « Il faut surtout dire qu’il ne s’est rien passé dans l’audition de Robert Mueller. » Je ne crois pas que ce soit ça. Il y a d’autres possibilités. Qu’il y ait une censure au niveau de l’agence France Presse, c’est-à-dire que les gens fassent leur texte et qu’on leur dise : « Non, ça, il ne vaut mieux pas le dire, etc. », c’est possible. Ça ne doit pas jouer, en tout cas, sur toutes les dépêches. Ça peut arriver peut-être à l’occasion d’une manière ou d’une autre.
Une autre possibilité, et c’est l’expérience du Monde qui m’y fait penser, je peux en parler librement maintenant parce qu’on ne risque plus de me virer, c’est l’autocensure. C’est se dire : « Si je mets ça comme ça, ils vont me chercher des poux. Ils vont me dire comme ils m’ont dit à l’occasion que « c’est trop trotskiste pour qu’on puisse le mettre » ou alors « vous êtes retombé dans votre trotskisme habituel », et ainsi de suite ». C’était la phrase qui était utilisée pour dire que je disais des choses qui dérangeaient un petit peu.
Il n’est arrivé qu’une seule fois que l’on m’ait carrément censuré, qu’on n’ait pas pris mon papier en me disant : « Il faudrait enlever la moitié, remplacer ça par autre chose » parce qu’on disait que je dénonçais, que je révélais les sources, une source importante sur laquelle Le Monde compte pour de l’information à tel ou tel sujet. Et là, je n’ai pas voulu faire machine-arrière comme c’était un texte qui paraissait en même temps dans le journal L’Écho, et il est paru dans le journal L’Écho. Si vous voulez le voir, ce n’était pas dans Le Monde, c’était dans L’Écho.
Mais le reste du temps, je me suis dit – pas à chaque fois – mais je me suis souvent dit : « pour ne pas les énerver, je vais mettre la phrase comme ceci et pas autrement, je vais la modifier. Je ne vais pas la laisser comme elle était là. Je vais la mettre autrement. Ça dit la même chose », etc. Et là, il est possible que dans mon autojustification : « Ça dt la même chose ! », que ça ne disait peut-être pas exactement la même chose sinon je n’aurais pas pensé une seconde que ça les énerverait éventuellement si ça disait exactement la même chose, que c’était uniquement une question de forme et, là, je crois que ça doit jouer sur à peu près tout le monde : tous les gens qui écrivent dans des journaux qui ont pignon sur rue, etc., doivent procéder. Il doit y avoir une certaine réflexion de ce type-là où il y a un certain nombre de choses qui ne passent pas, qui auraient pu passer et, là, il y a effectivement des choses que l’on perd. Il y a des choses que l’on commence à cacher involontairement en le faisant. C’est une possibilité mais ça n’explique pas la différence entre la demi- page , les 8 000 signes que moi j’ai écrit sur ce qui s’est passé dans cette audition et le paragraphe de l’agence France Presse qui dit qu’il n’y avait rien. Le contraste suggère évidemment qu’il y a une tentative de dire : « Circulez, il n’y a rien à voir » et si maintenant j’avais écrit mes textes en réaction à ce que je vois dans la dépêche de l’agence France Presse, j’aurais pu commencer mes textes en disant : « Ecoutez, je ne sais pas pourquoi mais on vous cache qu’il s’est passé les choses suivantes » et produire mes 8 000 signes, ce qui irait dans le sens de l’idée qu’on refuse de nous montrer un certain nombre de choses.
Alors, essayons de comprendre maintenant pourquoi l’agence France Presse a écrit ce texte-là. Il est possible que la personne qui a rédigé ça – parce que c’est rédigé par quelqu’un, même si anonyme – se soit contentée de tomber par hasard sur d’autres articles qui n’étaient pas dans le Washington Post certainement, qui n’étaient pas dans le New York Times certainement, qui n’étaient pas sur la chaîne MSNBC : ce n’est pas là que l’on vous aurait dit qu’il ne s’était rien passé mais peut-être sur d’autres journaux, qu’on a mis tout cela ensemble et que c’est venu de cette manière-là.
Ou alors, continuons de chercher. Pourquoi ce malentendu ? Pourquoi cette différence ? Et là, je suis allé regarder tout ce que j’ai écrit. Et là, il faut bien dire que pour dire au moins la moitié ou les deux-tiers de ce que j’ai dit, il fallait être extrêmement attentif.
Pour voir la larme de M. Mueller au moment où M. Schiff, avec une énorme solennité, dit : « Est-ce que ce qui est le plus triste dans cette affaire, ce n’est pas ce manque de loyauté flagrant de notre Président envers nos institutions ? » et qu’à ce moment-là, M. Mueller essuie très rapidement, subrepticement, une larme, il faut effectivement être vissé devant son écran. Il faut l’avoir vu parce que ça se passe, un peu comme un clignement d’œil. Il faut être là, voir quelque chose qui se passe vite. Si vous avez, à ce moment-là, pris votre tasse de café à côté, vous ne l’avez pas vu. Personne n’a attiré l’attention là-dessus. D’abord, il faut être extrêmement attentif.
Et puis, quand on regarde the meat, la viande rouge, c’est beaucoup lié à des choses allusives. Il faut connaître le contexte pour les comprendre. Il y a des choses qui sont dites entre les lignes et il faut pouvoir lire entre les lignes pour comprendre de quoi il s’agit, c’est-à-dire qu’il faut être très très informé et très très attentif pour voir ce qu’il s’est passé réellement. Je vous donne un exemple. Si on disait à la personne qui a rédigé la dépêche de l’agence France Presse qu’il a été longuement question de questions de contre-espionnage, je suis sûr que cette personne dirait : « M. Jorion, vous mentez, il n’a pas été question de contre-espionnage du tout dans cette affaire ».
Je vous le dis : il faut des gens très pointus comme du Washington Post, du New York Times, le New Yorker, le Washington Examiner, Buzzfeed, etc., il faut des gens qui fassent très attention pour relever tout ce qui était écrit, tout ce qui est dit entre les lignes. Ces personnes de bonne foi qui diraient – et là, je suis sûr qu’il y a 90 % des gens qui diraient « Il n’a pas été question absolument de contre-espionnage dans cette affaire, vous inventez » – je l’ai cité dans un des papiers et je vous le relis. M. Adam Schiff dit – ça vient de la retranscription – « Si le candidat Trump disait : ‘Je n’ai pas de relation avec les Russes’ mais que les Russes avaient un enregistrement, ils pourraient en faire usage n’est-ce pas ? », à quoi Mueller répond oui. Et Schiff lui dit à ce moment-là : « C’est le genre de chose dont sont faits les cauchemars du contre-espionnage n’est-ce pas ? », à quoi M. Mueller répond : « Cela relève du contre-espionnage et de la nécessité d’une structure de contre-espionnage forte ».
Pourquoi est-ce que les gens ne l’entendent pas ? Peut-être parce que c’est sur un mode hypothétique, parce que M. Adam Schiff ne met pas les pieds dans le plat. Il parle de manière allusive. « Imaginons qu’il y ait vraiment, quand même, un enregistrement sur les frasques de M. Trump [frasques d’ordre sexuel, commercial, etc.], imaginons… Si le candidat Trump disait… » Mais M. Schiff sait de quoi il parle. M. Mueller sait exactement de quoi il parle aussi. Ils savent qu’ils parlent du fait que l’histoire du rapport Steele, c’est pas terminé. C’est de ça qu’on parle et que, quand les Républicains disent : « On peut mettre ce rapport Steele à la poubelle, c’était de la désinformation », ils sont en train de dire devant nous M. Schiff et M. Mueller : « C’est une affaire en cours ». Ce n’est pas dit comme ça. C’est dit de manière allusive.
Beaucoup de choses que j’ai relevées dans les 8 000 signes que j’ai écrits, sont des choses où il faut être informé, il faut faire attention à ce qui est dit, il faut connaître le contexte, etc. Et donc, j’ai l’impression, dans le cadre de l’AFP, je vais les exonérer d’une certaine manière, je ne crois pas qu’il y ait de tentative délibérée de nous cacher de quoi il s’agit. Je ne crois même pas qu’il s’agisse d’autocensure, de censure ou de quoi que ce soit. Je crois qu’il s’agit tout simplement d’un manque d’information, que la personne qui s’est intéressée à ça n’a pas regardé les 7 heures, ne s’est pas intéressée ou, si elle l’a fait, ne connaissait pas le contexte, n’a pas regardé ce qu’on allait faire passer comme message subliminal ou messages subliminaux pour essayer de faire comprendre des choses, ce qui a mis cette personne dans l’incapacité d’écrire 8 000 signes pour expliquer ce qui s’était passé en réalité.
Alors, est-ce qu’on nous cache quelque chose en disant : « Il ne s’est rien passé » ? Oui, on nous cache quelque chose. Est-ce que c’est délibéré ? Je ne crois pas que ce soit délibéré. C’est simplement qu’on n’est pas suffisamment conscient de ce qui est en train de se passer. On n’écoute pas. Il n’y a pas une vraie oreille. Du coup, on nous cache tout, on nous dit rien d’une certaine manière par incompétence, par désintérêt, peut-être un peu par réflexe de classe de se dire : « On va faire confiance à ces gens » sans essayer d’ergoter ou de regarder ce qui se passe dans les coulisses. On se s’intéresse pas à l’inconscient de tout ça et c’est ça qui explique, à mon avis, le contraste entre mon texte et ce petit paragraphe. Si vous lisez le paragraphe, vous êtes convaincu qu’il ne s’est rien passé pendant ces 7 h du témoignage de M. Robert Mueller devant le Congrès américain. Si vous lisez mon texte à moi, vous vous apercevez qu’il s’est passé énormément de choses et que les députés d’un bord et d’un autre vont pouvoir en tirer des conclusions importantes et que des choses importantes vont se passer en conséquence de ce qui a été dit là. Si vous lisez ensuite qu’il s’est passé ceci ou cela, que M. Untel, Républicain, se range du côté de l’impeachment, de la destitution, vous n’allez pas penser qu’il y a un rapport avec l’audition de M. Robert Mueller puisque « Il ne s’est rien passé dans l’audition de M. Robert Mueller »
Alors, je vous dis, la chose importante peut-être que je vous ai dite là, c’est la chose suivante, c’est que si vous n’aviez lu que le texte de l’agence : la dépêche, et puis que j’avais moi, ensuite, mis en ligne mon truc en disant : « Regardez ce que l’on essaye de nous cacher délibérément », je serais tombé dans le complotisme, dans le conspirationnisme en vous donnant l’information, indépendamment de savoir si mon information est juste ou si elle est fausse.
Quand j’attire l’attention là-dessus, ça n’enlève rien au fait que, dans les explications conspirationnistes et complotistes, en général, elles sont fausses. Elles sont fausses, pourquoi ? Parce que la personne qui vous dit : « Je vais vous dire ce qu’il se passe vraiment », soit est téléguidée par tel ou tel capitale, et là, on lui a donné le texte, soit elle n’a pas assez d’éléments en main et alors là, elle brode, elle remplit les blancs et, en général – ça tombe bien que je dise les blancs – parce qu’en général, l’explication c’est que ce sont des non-blancs qui sont responsables, qui tirent les ficelles ici ou là ou alors, si c’est des Blancs, c’est des blancs pas de qualité supérieure et, ainsi de suite, et ainsi de suite… Notre tendance, quand on ne connaît pas l’explication ou qu’on ne la connaît que de manière partielle, c’est de trouver des gens quelque part qui manipulent et qui sont responsables de ça. Bien entendu, ça peut être le cas mais, malheureusement, dans notre système, dans nos sociétés très compliquées, ça peut être simplement des effets de structures, c’est-à-dire que ce sont des choses qui sont là depuis un certain temps et qui font qu’automatiquement… il n’y a pas nécessairement de gens qui se réunissent tous les matins en disant « Comment est-ce que l’on va concentrer la richesse entre nos mains ? ». Non, le système des dividendes, des intérêts et des coupons sur obligations est suffisant. Ils ne doivent pas se réunir tous les matins. Ça marche comme ça, c’est la structure qui se trouve derrière. C’est la structure de la rente.
Voilà, un petit truc sur le conspirationnisme et le complotisme. Un essai de compréhension. Pourquoi, très légitimement, nous pouvons penser qu’on nous cache des choses ? Parce qu’on nous dit des choses qui ne sont pas vraies, d’essayer de voir quels sont les mécanismes derrière : censure, autocensure ou simplement manque d’informations, manque d’attention, « ne pas être là » et accidentellement produire pas de la désinformation délibérée mais une information fausse et, dans ce cas-ci, qu’il ne se serait rien passé durant l’audition de M. Robert Mueller devant 2 commissions du Congrès américain, de l’assemblée nationale américaine, celle des affaires judiciaires et celle du renseignement.
Voilà, à bientôt !
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