24 juillet : M. Robert Mueller témoigne devant le Congrès, le 23 juillet 2019 – Retranscription

Retranscription de 24 juillet : M. Robert Mueller témoigne devant le Congrès, le 23 juillet 2019. Cela s’est passé il y a un moment. Le jour même, le 24, je vous ai commenté cela en direct, et le lendemain, le 25, j’en ai fait un récapitulatif. Ma satisfaction personnelle, en relisant cela quinze jours plus tard, c’est d’avoir correctement balisé le terrain : rien n’aura eu lieu qui n’était couvert par les quelques options que je vous décrivais.

Bonjour, nous sommes le mardi 23 juillet 2019 et ma vidéo d’aujourd’hui sera intitulée « 24 juillet : M. Robert Mueller témoigne devant le Congrès ».

Si YouTube me permettait de mettre un sous-titre, je mettrais celui-ci : « Non-évènement ou tournant dans la présidence de M. Trump » car rarement, je vais faire un peu de poésie, de rhétorique, il a été aussi difficile de savoir si un évènement organisé sera quelque chose qui ne fera pas la moindre ride ou sera, au contraire, un tournant décisif. Et pourquoi ? Parce que tout dépend du caractère de M. Robert Mueller. Tout dépend du tempérament d’une personne particulière qui sera interrogée. Il serait bien possible, il est bien possible, que ce double témoignage de M. Robert Mueller – car il témoignera à la fois devant le comité judiciaire du Congrès, c’est-à-dire de l’assemblée nationale américaine, et devant la commission pour le renseignement. Ça correspond, ces deux témoignages, ces deux auditions correspondent aux deux parties du rapport qu’il a fait : 1ère partie du rapport Mueller sur les interférences, les ingérences russes, dans la campagne présidentielle américaine et, 2ème partie, celle qui dépend des affaires judiciaires : M. Trump a-t-il commis une ou plusieurs entraves / obstructions à la justice durant l’enquête de M. Mueller ?

Comme vous le savez, M. Mueller a déjà publié son rapport, un gros rapport qui fait 448 pages si j’ai bon souvenir dans la version officielle, 700 pages dans la version dont je dispose avec quelques commentaires et de nombreuses annexes.

Pourquoi est-ce si difficile de dire s’il va se passer quelque chose ou pas ? Je vous l’ai dit, parce que nous savons de quelle manière les parlementaires du Parti démocrate et du Parti républicain considèrent l’évènement en soi et vont essayer de le gérer mais ce que nous ne savons pas, c’est à quel point les représentants de ces deux partis vont énerver M. Robert Mueller et peut-être le faire sortir de ses gonds.

Alors, les parlementaires, nous le savons parce qu’il y a eu des indiscrétions, ont répété abondamment leurs interventions. Ils ont, dans des sessions organisées par des professionnels, chaque parlementaire a répété ses questions devant une personne qui interprétait le rôle de M. Mueller avec des conseillers, des coachs autour pour dire : « Non, il ne fallait pas dire ça. Il ne faut pas le faire comme ça. Il ne faut pas le pousser dans telle ou telle direction ».

Donc, chacun se prépare, c’est-à-dire que chacun sait que l’évènement peut être décisif ou ne pas l’être du tout et que tout dépendra de la manière non pas tellement que M. Mueller répondra aux questions mais dont il décidera de gérer lui, de son côté. De ce point de vue-là, il faut bien dire que les Démocrates ont un jeu plus simple à jouer que les Républicains. Pourquoi ? Parce que, on le sait, tout ce que les Démocrates voudraient que M. Mueller dise est déjà dans le rapport. Le problème des Démocrates est simplement que c’est dans une gangue de langage juridique qui fait que le public n’a pas encore bien compris exactement tout ce qui est dit. Et ce que les Démocrates vont essayer de faire, c’est de dire – et ça, je vous l’ai déjà expliqué quand on parlait de ce témoignage – « M. Robert Mueller, quand vous dites que si M. Trump avait été innocent, vous l’auriez dit, est-ce que cela veut dire d’une certaine manière qu’il est coupable ? ». M. Robert Mueller dira « Oui, c’est vrai, en langage juridique, le fait de dire que s’il avait été innocent, je l’aurai sdit, c’est une manière dont les juristes disent que quelqu’un est coupable ».

Ça ne va pas être trop compliqué. Le jeu, pour les Démocrates, va être simplement d’essayer d’obtenir des traductions de ce type-là. Est-ce qu’ils énerveront Mueller ? Probablement un peu puisqu’il avait dit qu’il ne viendrait pas, qu’il avait déjà tout dit dans son rapport et qu’il ne voulait pas témoigner de cette manière-là. Donc, c’est un peu en traînant les pieds qu’il vient mais on voit mal comment quelqu’un pourrait sortir de ses gonds si on lui demande de traduire simplement quelque chose. Il pourrait dire « Non, je ne fais pas la traduction. Je ne suis pas là pour traduire du langage juridique en langage de tous les jours » mais ça, je ne crois pas qu’il puisse le faire puisqu’il est devant des Représentants du peuple et que les Représentants du peuple, c’est absolument justifié de leur part qu’ils demandent ce genre de choses, que les constituants, les gens qui les ont élus, leurs électeurs, puissent comprendre de quoi il s’agit dans cette affaire.

Qu’ont préparé les Républicains ? Ils ont préparé quelque chose de beaucoup plus dur à jouer. C’est-à-dire que, maintenant, ils ont très peur de cet exercice de traduction et aussi que M. Mueller puisse dire des choses supplémentaires par rapport à ce qu’il a déjà dit dans son rapport. Il vient d’ailleurs de recevoir hier un rapport du Ministère de la Justice. Le Ministère de la Justice, comme vous le savez, sous la direction de M. William Barr, est totalement aligné sur M. Trump. Les instructions lui disent de ne surtout pas dire de choses supplémentaires par rapport à ce qu’il a dit. Mais les Républicains ont très très peur du double exercice, que peut-être M. Mueller dira quand même des choses en plus et, surtout, que les traductions qu’il va faire à l’intention du public soient dangereuses, non pas qu’il y ait de nouvelle information mais que, sous la forme qui est utilisée, elles apparaissent aux yeux du public comme une nouvelle information.

Que se préparent à faire les Républicains ? À essayer de ternir la réputation de M. Mueller. C’est ce qu’ils ont fait systématiquement dans des auditions précédentes. Quand M. John Dean, qui a donc été la personne qui a provoqué, lui, le tournant dans la destitution de M. Nixon, destitution qui a été lancée mais qui n’a pas abouti parce que M. Nixon a démissionné de son poste, quand M. Dean est venu, les Républicains n’ont pas arrêté de dire une chose « Vous êtes un menteur, oui mais c’est un menteur… » ce qui n’était pas brillant comme défense. C’est exactement la même chose qu’ils ont fait quand M. Michaël Cohen, ancien avocat de M. Trump, est venu. « Oui, mais c’est un menteur. Oui, mais c’est un menteur… ». Ces deux témoignages n’ont pas eu le rôle décisif qu’ils auraient pu avoir. M. Michaël Cohen défendait sa peau et vous vous souvenez que j’ai dit que c’était quelqu’un qui défend sa peau. Il a très bien fait parce qu’il a un avocat, M. Lanny Davis, qui a fait un très très beau petit discours de clôture sur l’intérêt général par rapport aux intérêts particuliers. M. John Dean avait fait un témoignage dont j’avais considéré, moi, qu’il pouvait avoir un rôle important mais ça a été un trou dans l’eau. Ça n’a pas donné grand-chose. Moi, ce M. Dean m’a impressionné moi, en faisant revivre sous nos yeux un tournant de la destitution et de la disparition en tout cas de M. Nixon par démission.

Alors, demain, les Républicains vont essayer, parce qu’ils ont très très peur, de discréditer M. Mueller, de dire : « Vous rouliez pour les Démocrates ! », reprendre l’affirmation de Trump : « Ce n’est qu’une bande de Démocrates, etc. ». Alors que, comme je l’ai toujours souligné, tous les personnages clé dans cette affaire, qu’il s’agisse de M. James Comey, l’ancien directeur du FBI, démissionné par M. Trump, qu’il s’agisse de M. Rod Rosenstein, qu’il s’agisse de M. Robert Mueller lui-même, ce sont tous des Républicains et des Républicains véritablement dans la ligne du parti. Il n’y a pas beaucoup de « Démocrates fous », dont parle M. Trump.

Je vous rappelle que ce M. Robert Mueller a été directeur du FBI à l’époque des attentats de 2001, des Twin Towers, des deux gratte-ciels géants, que c’est lui qui a donc dû faire opérer un tournant important au FBI pour s’occuper d’affaires extérieures, de terrorisme venant de l’extérieur, et pas simplement des affaires intérieures des États-Unis. Il est considéré comme ayant joué un rôle remarquable. C’est un monsieur qui a été un officier des Marines donc ce n’est pas le gauchiste que les Républicains auront des facilités à abattre. C’est un héros de la guerre du Vietnam. Il s’est dévoué pour ses troupes, etc. C’est un monsieur qui, à l’intérieur d’un certain type de profil, est absolument exemplaire. En tout cas, c’est quelqu’un qui a donné des preuves d’une très très grande intégrité. Il est tout à fait hésitant à jouer un rôle politique. Il a offert aux Démocrates 440 pages de preuves qu’il y a une possibilité de destitution de M. Trump et il considère que c’est aux Démocrates de jouer. Il a défendu les institutions. Il a joué le rôle de contre-pouvoir en étant nommé Special counsel à la tête de cette commission d’enquête spéciale.

Quand les Républicains, parce que c’est leur dernière carte, vont essayer de le discréditer en disant qu’il est biaisé, qu’il roule pour l’autre camp, etc., il y a une possibilité que cet officier intègre finisse par s’énerver et que, là, il sorte des clous. C’est là l’évènement qui ferait que cette audition, qui autrement pourrait être un non-évènement, pourrait être un tournant, s’il y a un « moment Dean », je dirais, un moment… Quand M. John Dean est interrogé et qu’il est question, par le Congrès, dans les mêmes circonstances, à l’époque, [en juin 1973], et qu’il évoque une liste spéciale de personnes que M. Nixon lui avait demandé d’établir, de personnes qui allaient être visées spécialement par les services de l’État, justement pour les discréditer elles, au moment où, avec une certaine stupéfaction, une certaine perplexité, les parlementaires l’interrogent sur l’existence d’une telle liste, c’est-à-dire que M. Nixon mettait l’appareil d’État à son service comme un outil personnel – ce que M. Trump a fait depuis le premier jour où il est devenu président – et que M. Dean dit aux parlementaires qui l’interrogent : « Est-ce que ça vous intéresse de voir cette liste avec les noms qui sont mentionnés ? », il y a là un tournant. Il y a de la stupéfaction dans les rangs des parlementaires qui se regardent entre eux et qui finissent par éclater de rire en disant : « Oui, cette liste nous intéresse ! ». Là, c’est un tournant dans l’affaire du Watergate. Cela ne veut pas dire que les choses vont se régler tout de suite. Cela va encore prendre un certain temps mais, là, le processus est entré dans une phase irréversible.

Alors, demain, pendant les 4 h qui sont prévues, 2 h d’un côté, 2 h de l’autre, est-ce qu’il y aura un moment John Dean dans le témoignage de M. Mueller ? C’est possible mais il est très bien possible aussi que ça n’ait pas lieu et, donc, nous sommes devant un de ces moments de l’histoire qui n’est pas comme la crise des subprimes qui était entièrement prévisible pour quelqu’un qui avait l’attention vraiment portée là-dessus, au contraire, un de ces moments dans l’histoire où César se trouve devant le Rubicon, regarde ses troupes et dit « Alea jacta est » et les traverse ou bien Napoléon qui décide de s’évader de l’Ile d’Elbe, un de ces moments dans l’histoire où il pourrait très bien ne rien se passer qui soit digne d’être mentionné ou, au contraire, quelque chose qui va changer le cours de l’histoire.

C’est demain. Si j’y pense, je vous tiendrai au courant… [rires] Non ! vous me connaissez : je vous tiendrai au courant. Je vais d’ailleurs m’arranger pour être devant mon ordinateur pendant tout le temps que ça se déroule et prendre des notes et peut-être même, comme je vous l’ai déjà fait pas mal de fois pendant la crise des subprimes ou bien à d’autres moments, aux Etats-Unis mais au Royaume-Uni aussi, je m’en souviens, d’être là et de vous dire ce qui se passe en direct.

Voilà, allez, à bientôt. Passez une bonne journée.

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