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M. Robert Mueller est un vieux monsieur. Il va avoir 75 ans dans quelques jours (le 7 août), et plusieurs commentateurs américains s’en sont plaints, qui espéraient hier quelqu’un avec davantage de punch, avec une voix moins fluette. Ils disaient qu’aujourd’hui à 74 ans, on a davantage d’assurance, on ne cherche pas parfois ses mots, comme ce fut quelquefois le cas hier.
Je suppose qu’à la différence de Robert Mueller et, entre autres, Paul Jorion, ils n’ont pas assisté pour la plupart aux 7 heures d’audition, et n’ont donc pas souffert d’un coup de fatigue.
Je vous ai rendu compte des 7 heures en direct. Je suis allé voir ce matin ce que les autres avaient observé. En gros, nous avons noté la même chose : Mueller disant qu’il n’avait pas exonéré Trump, que son enquête n’était ni une chasse-aux-sorcières, ni un canular (hoax), que Trump pourrait être inculpé à la fin de son mandat, qu’il restait la partie cachée de l’iceberg : les choses dont s’occupe en ce moment le contre-espionnage.
Qu’est-ce que je n’ai pas relevé hier et que j’aurais sans doute dû ? En raison sans doute d’une vieille sympathie pour Julian Assange, qu’appelé à qualifier les commentaires dithyrambiques de Trump à la gloire de WikiLeaks (qu’un député a lus in extenso), Mueller a dit : « Ils sont problématiques… c’est le moins qu’on puisse dire. » Je vous rappelle que si le premier volume de ma trilogie sur le Président américain s’appellera « Un objet populiste mal identifié », le second s’intitulera « Haute trahison ». Aussi, que Mueller a précisé qu’en rapport avec WikiLeaks précisément, Donald Trump Jr. fait l’objet d’une enquête en ce moment même, en lien avec des propos tenus par lui qui peuvent être interprétés comme une collaboration active avec WikiLeaks.
Qu’ai-je noté qui ait échappé aux autres ? Peut-être la larme furtive au moment où Adam Schiff, président de la commission Renseignement du Congrès, pose la question si le plus navrant dans toute cette affaire n’est pas le degré de déloyauté manifesté par Trump envers la nation tout entière. (Tout le monde n’a peut-être pas eu l’oeil rivé à son écran comme votre serviteur 😉 .)
Des Démocrates et des Républicains, qui l’a emporté hier ? Les Démocrates qui imaginaient que Mueller se révélerait l’égal de l’Homme-chauve-souris remettant de l’ordre dans Gotham City, ont dû être bien déçus devant le vieux monsieur qui n’était plus que l’ombre du sous-lieutenant des Marines continuant de diriger sa section en dépit d’une balle dans la cuisse. Les Républicains qui s’apprêtaient à pulvériser en la personne de Mueller le sous-marin Démocrate qu’ils dénonçaient, ont fait machine arrière, les Démocrates ayant habilement souligné le parcours sans faute d’un American Hero, chouchou de tous les présidents Républicains avant Trump : de Reagan au fils Bush, en passant par Bush le père.
Les Républicains ont par ailleurs commis une erreur stratégique majeure, dont ils ne mesureront l’importance que plus tard. Ils sont sans cesse revenus à la charge à propos du rapport Steele, insistant sur le fait que c’est ce rapport, une manoeuvre de désinformation selon eux, qui a été à l’origine de la commission Mueller, et qu’une enquête doit maintenant être diligentée quant aux personnes qui ont fait circuler ce rapport. « Pourquoi untel et untel n’ont-ils pas été inquiétés, maintenant que la fausseté est avérée ? ». Or la fausseté n’a jamais été démontrée et Mueller a laissé entendre hier à plusieurs reprises que l’enquête était toujours en cours. Une réponse indirecte aux Républicains a été apportée par Schiff et Mueller conjointement, dans un très beau petit dialogue, qui s’adressait à l’Histoire qui leur donnera raison, plutôt qu’à ces députés Républicains d’ores et déjà sur la touche pour ne pas être dans le secret des dieux :
Schiff : « Si le candidat Trump disait : ‘Je n’ai pas de relations avec les Russes’, mais que les Russes avaient un enregistrement, ils pourraient en faire usage, n’est-ce pas ? »
Mueller : « Oui. »
Schiff : « C’est le genre de choses dont sont faits les cauchemars du contre-espionnage, n’est-ce pas ? »
Mueller : « Cela relève du contre-espionnage et de la nécessité d’une structure du contre-espionnage forte ».
Que va-t-il se passer maintenant ? Les rangs des parlementaires en faveur de la destitution du Président (impeachment) vont continuer de grossir lentement mais sûrement [Mise à jour 27 juillet : 8 de plus]. Et Mme Pelosi, à la tête de la majorité Démocrate au Congrès, va continuer de répéter de son côté : « Laissons la justice avancer de son pas ! » Elle n’ajoutera pas « … ainsi que le contre-espionnage en parallèle », mais le petit pas-de-deux de MM. Schiff et Mueller hier fera peut-être que davantage de parlementaires auront compris son jeu subtil.
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