La grenouille dans la marmite, le 24 juin 2019 – Retranscription

Retranscription de La grenouille dans la marmite, le 24 juin 2019. Ouvert aux commentaires.

Bonjour, Nous sommes le lundi 24 juin 2019 et, aujourd’hui, ma petite conférence, mon exposé, s’appellera « La grenouille dans la marmite ». Vous connaissez cette histoire que l’on raconte, je ne sais pas si c’est plausible ou non mais on la raconte et, en tous cas, tout le monde comprend bien de quoi ça parle. On met une grenouille dans une casserole, dans une marmite, et on allume le feu en-dessous. Comme la température ne monte que progressivement, elle ne se rend pas compte que l’eau est trop chaude alors que, si on la plongeait dans une casserole d’eau bouillante, elle pourrait peut-être encore sauter. 

Je ne sais pas si tout cela est plausible d’un point de vue physiologique mais chacun comprend bien l’histoire, ce que cela veut dire. Il y a une autre version qui circule de la même histoire et c’est un fameux poème d’un pasteur allemand qui s’appelait Niemöller. Différentes versions ont été produites au fil des années. Je viens de regarder quelle était la version originale et ça dit, vous connaissez ça : Quand ils sont venus chercher les communistes, je ne me suis pas inquiété parce que je n’étais pas communiste. Quand ils sont venus chercher les socialistes, je ne me suis pas inquiété parce que je n’étais pas socialiste. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je ne me suis pas inquiété parce que je n’étais pas syndicaliste et maintenant, ils viennent me chercher et plus personne ne s’en préoccupe. 

C’est là qu’on en est. J’ai envie, au début de chacune des petites vidéos que je fais, de dire : « L’heure est grave ». Il y aurait un effet d’émoussement. On s’habitue au fait que les choses vont mal. On s’habitude au fait qu’on nous dit qu’il y aura peut-être des températures qui dépasseront 40°C la semaine prochaine dans certaines parties de la France. Elles ne tomberont pas en-dessous de 24°C la nuit et que c’est extraordinaire qu’il y ait une canicule si tôt dans l’année. 

Le Monde nous montrait hier la moyenne des températures dans les villes françaises et cela commence avec du bleu autour de 1900 et on arrive à du rouge et du rouge foncé, du grenat, du bordeaux, etc. quand on arrive aux années récentes. Je viens de lire un article en une du Monde sur le fait qu’il y a des tas d’endroits, en ce moment, en Inde où il n’y a pas d’eau pour boire. On cherche de l’eau pour boire parce qu’il n’y en a pas, parce que la mousson est arrivée très tard et que ça a sans doute un rapport avec le changement climatique. 

Qu’est-ce que cela va produire ? Cela va produire des déplacements de populations. Il y en a déjà. On peut déjà faire la carte des migrations, des gens qui partent de leur pays parce que leur pays se dessèche : le pays devient invivable par la température. 

Vous avez dû le voir, c’était l’année dernière, ou non, c’était il y a 6 mois, la carte de l’Australie où, là aussi, on avait utilisé des couleurs dans le violet, dans le rouge foncé pour décrire la température sur la carte qui valait à ce moment, en Australie. Si cette tendance que l’on voyait sur cette carte en Australie se poursuit, le continent va être simplement invivable et les gens ne vont pas pouvoir rester là. 

Alors, comment fait-on ? Progressivement, on ajoute de la clim mais la clim pompe encore de l’énergie sur la terre par rapport à celle qu’on a, énergie que l’on produit avec du charbon, avec du pétrole, etc. Cela ne va pas arranger les choses. 

Il y a des gens qui ont des schémas plus ou moins alarmistes de ce qui va se passer. Celui-ci, je vous en parle souvent. Je regardais, c’est un livre que j’ai acheté en 2017, au moment où c’est sorti : Four Futures, les 4 scénarios pour l’avenir. La petite tête de mort, c’est pour l’exterminisme. C’est quand les riches, ceux qui auront encore accès aux ressources, en auront marre de voir la contestation dans les rues de ceux qui ne sont pas contents parce qu’ils n’ont plus accès aux moyens. Cela peut être des immigrés qui viennent d’ailleurs mais cela peut être aussi des gens qui se battront dans une perspective de xénophobie pour les dernières miettes contre ces immigrants : les pauvres de nos propres pays que l’on intoxique bien entendu par la propagande, que l’on encourage à penser que ce sont les Juifs, les Arabes, les Musulmans, les ceci, les cela, les Tziganes, que sais-je encore, qui sont responsables de nos problèmes. Pourquoi ? Bien entendu parce que, qui est responsable de ce qui se passe en ce moment ? C’est notre système et en particulier notre système capitaliste, lié à la politique qui lui est liée, et que, comme les gens qui dirigent cela sont cachés quelque part, dans des chiffres, dans des paradis fiscaux, ils sont moins faciles à coincer au coin d’une rue que ceux qui habitent à côté de chez vous et qui vous énervent pour une raison ou pour une autre. 

Une autre approche, vous avez entendu parler de ça aussi. Pierre-Henri Castel, Le mal qui vient. Je vous lis rapidement ce qui est dit en 4ème de couverture : « Ceci d’également insupportable à concevoir : jouir en hâte de tout détruire va devenir non seulement de plus en plus tentant (que reste-t-il d’autre si tout est perdu ?), mais même de plus en plus raisonnable ». Et il insiste, bien entendu, Castel, sur le fait que ce sont ceux qui ont les moyens, qui vont pouvoir se débarrasser des autres ou alors se cacher dans des stratégies de type survivaliste à petite échelle comme le font certaines personnes autour de moi, ou à grande échelle comme mon ancien patron de hedge fund qui le fait, lui, sur des îles de Polynésie ou de Micronésie, je ne sais plus. 

Quand on regarde l’actualité, quand on regarde qui nous sommes en train de mettre à la tête de pays, comme on a M. Trump depuis plus de 2 ans qui tire dans toutes les directions, n’importe comment, et l’on s’apprête en Grande-Bretagne, au Royaume-Uni, à élire au poste de Premier ministre M. Boris Johnson, dont non seulement il bat sa femme la nuit au point que les voisins doivent appeler la police mais qui, par ailleurs, propose un programme politique dont le Financial Times, dont je viens de lire la dernière newsletter, nous explique que, sur les 4 points qu’il met en avant pour sa politique, aucun des 4 n’est techniquement réalisable ou a déjà été démenti par les faits, ou ne correspond pas à ce que l’on peut obtenir dans des négociations d’une manière ou d’une autre. 

La grenouille est dans sa marmite. La température monte autour d’elle et j’ai le sentiment que l’on est à la limite du moment où elle pourrait encore sortir de là. L’histoire est évidemment peu rassurante puisqu’on sait qu’elle ne le fait pas. Elle n’a pas vu venir ou alors elle fait comme nous, : elle se fatigue quand on lui dit que l’heure est grave. Elle dit « Oh ! On a déjà entendu ça ». Vous le savez, c’est un bon côté du genre humain : la résilience, le fait que nous survivons à n’importe quoi, qu’il y a des gens qui s’en sont sortis et dont leurs petits camarades disaient que dans le camp de concentration, ils étaient toujours de bonne humeur. Tant mieux pour eux, c’est comme ça qu’ils ont survécu mais il y a un aspect négatif à cela, c’est que nous ne nous rendons pas compte du fait que les choses s’aggravent, qu’elles s’aggravent de manière majeure. Ce n’est qu’au moment où les catastrophes seront là que nous dirons véritablement que les catastrophes sont là, mais ce sera des catastrophes pour nous au jour le jour. Comme dans le poème de Niemöller, quand les communistes auront disparu d’abord, les socialistes ensuite et les syndicalistes enfin, nous dirons toujours « Les choses ne sont pas aussi graves qu’on l’imagine. Qui sont ces pessimistes autour de nous ? », etc. Ce n’est pas comme ça que l’on s’en sortira. 

Alors, voilà, je termine, je le dis quand même : « L’heure est grave ! ».

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6 réponses à “La grenouille dans la marmite, le 24 juin 2019 – Retranscription”

  1. Avatar de Hervey

    Oui, ben… j’ai repris en commentaire à cette occasion dans la chaleur poisseuse et continentale de Bourgogne.
    https://hervey-noel.com/bestiaire-imaginaire-a-la-closerie/

    1. Avatar de arkao
      arkao

      @Hervey
      Excellent !
      J’espère que vous ne serez pas vexé si je vous dit que j’ai éclaté de rire.
      Ça fait du bien!
      Le numérique, quel formidable outil quand même.

      1. Avatar de Hervey

        Pas le moins du monde, arkao.
        Mais j’ai pu noter que le rire pouvait avoir des couleurs différentes. Certaines personnes ont pu penser que je me moquais des animaux. C’est dire le cheminement des perceptions, faisant un contre-sens parfait en riant de voir des animaux s’adonner à des déguisements, comme font les enfants jouant les grandes personnes.
        Erreur significative, hein.
        Un commentaire sur le sujet ?
        D’un spécialiste ?

      2. Avatar de arkao
        arkao

        @Hervey
        En ce qui concerne nos relations avec les animaux, je pense que nous sommes en train de vivre une révolution anthropologique de grande ampleur dont on saisit mal le sens, le véganisme et l’animalisme constituant la partie émergée et médiatique d’un iceberg aux profondeurs inaccessibles pour l’instant à notre regard.

      3. Avatar de arkao
        arkao

        Révolution que je crois d’une ampleur aussi importante que celle de l’émergence du Protestantisme au XVIe siècle avec les conséquences que l’on connait.
        Voila que je me fais prophète comme Paul Jorion 😉
        Qu’aurait pensé Descartes d’une peine de prison ferme pour un bourreau d’animal domestique:
        https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/3749-13-mois-ferme-pour-le-bourreau-dun-chien/

  2. Avatar de Michel
    Michel

    Paul n’a pas ouvert son dernier billet aux commentaires.
    Je me permets néanmoins.
    (Et s’il juge ma démarche déplacée ce n’est pas grave!)
    Merci!
    Pour marquer un peu plus où nous en sommes.
    Au moins n’ont-ils aucune honte.
    Quant « aux autres », ils ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas.
    (Tout ça ne prête pas à l’humour mais j’ai d’abord lu « Le Salon belge »…).

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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