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Bonsoir,
Je dirige actuellement un chantier en extérieur (et pas en Bretagne 😀 ).
Il fait effectivement très chaud, malgré une petite brise. Il ne m’est pas possible d’évaluer la température ressentie en plein soleil, mais nom de dieu ça cogne dur. Jusqu’à ce soir, l’équipe a survécu. Nous bénéficions quand même d’un local de chantier climatisé (dont l’électricité provient d’un groupe électrogène fonctionnant au fioul tournant 7 h par jour, accentuant de fait l’effet de serre) où nous pouvons faire (légalement) une pause fraicheur de 20 minutes par demi-journée. Comme je suis un chef de chantier « cool » (d’après ce que j’entends dire par la rumeur – je n’oserais me juger moi-même), l’ambiance est bonne et on essaye de prendre avec bonne humeur et détachement cet épisode climatique particulier. Faut dire que dans le milieu, il y a (en tout cas chez les plus anciens) une espèce d’orgueil à tenir tête aux rigueurs du climat, à ne pas se montrer chochotte (et ce n’est pas une question de genre, les femmes sont sacrément tenaces dans ces circonstances).
Au sujet de la réglementation (obsolète) en vigueur, nous sommes censés être vêtus d’un équipement de protection individuel fourni par l’employeur (EPI dans le jargon) comportant un pantalon long, un tee-shirt à manches longues, un gilet de signalisation orange et un casque en plastique sur la caboche. Équipements peu adapté aux épisodes caniculaires. C’est là où ça devient anthropologiquement intéressant. Ce monde se divise alors en deux catégories principales, ceux qui respectent strictement la réglementation et souffrent le martyre et ceux qui en font fi et s’habillent à leur gré en fonction de leurs habitudes personnelles vis-à-vis de la chaleur. En tant que chef, je leur laisse entière liberté et je ne montre pas non plus l’exemple en ayant jeté aux orties mon EPI de dotation pour m’habiller (à mes frais) de façon plus adaptée aux conditions climatiques, au mépris des règles de sécurités (établies pour mon bien, cela va sans dire, par des gens qui ont le cul au frais dans des bureaux, qui passent une fois par an sur les chantiers, mais qui savent bien mieux que nous).
Au sujet des événements climatiques extrêmes: J’ai choisi un métier d’extérieur parce que j’aime ce rapport du corps avec les éléments naturels. Le froid, la pluie, la boue, le vent, la sécheresse, la poussière, les orages, oui c’est comme une agression, ça peut être très douloureux, mais je ne me sens jamais autant vivant que dans ces moments là. J’imagine qu’avec votre expérience de marin-pêcheur vous devez comprendre cela 😀 .
Ce soir, j’ai la peau grillée par le soleil, les cheveux collés de sueur, un goût de sel dans la bouche, les yeux explosés par la lumière et la poussière, mais je me sens heureux.
La tiédeur climatisée des bureaux, non merci !
Épilogue: j’ai finalement pris la décision de fermer mon chantier pour les deux derniers jours caniculaires de la semaine. Sur la demande de mon équipe qui n’en pouvait plus ? Que nenni 😀 .
Cela a commencé par une mise sous pression. De nos jours, tout le monde est connecté via les téléphones portables. Les messages d’alerte se sont accumulés (Météo-France, mutuelles santé, etc.) créant une « psychose collective pré-apocalyptique ». Et puis mon supérieur hiérarchique direct m’a informé par écrit que j’avais la possibilité légale de fermer le chantier. Par ce courrier, il s’est en fait déchargé de sa responsabilité sur l’échelon inférieur, c’est à dire moi. Mécaniquement, par effet de cascade, je n’ai ainsi pas eu d’autre recours.
Bien cordialement,
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