Le temps qu’il fait le 21 juin 2019 – Retranscription

Retranscription de Le temps qu’il fait le 21 juin 2019.

Bonjour, nous sommes le vendredi 21 juin 2019. C’est l’été. Il y a une époque où je faisais une vidéo par semaine pendant de très nombreuses années. J’appelais cela « Le temps qu’il fait » et puis je vous donnais la date. Ma raison de procéder était la suivante : d’abord, il y avait énormément d’actualité. Je parlais essentiellement de la crise des subprimes quand j’ai commencé à faire ces vidéos et, s’il l’avait fallu, pour être logique, il fallait faire une vidéo par jour ou plusieurs par jour alors j’avais trouvé la formule d’en faire une par semaine. C’était plus difficile aussi de faire des vidéos. La technique que vous proposait YouTube était moins sophistiquée. Ça allait beaucoup moins vite aussi sur les machines. Il fallait des heures et des heures pour que ça télécharge. Ce n’était pas très facile.

Récemment, j’ai pris la formule de vous parler quand j’avais envie de vous parler, ce qui faisait parfois, effectivement, des vidéos une fois tous les deux jours et puis nous sommes entrés de nouveau dans une période où il faudrait en faire tous les jours. Là, mon premier réflexe a été de freiner, de ne plus en faire depuis une dizaine de jours, ce qui était très rare ces jours derniers.

Là, qu’est-ce que je vais faire ? Je vais vous faire une vidéo du type du « temps qu’il fait » le 21 juin 2019 parce qu’il y a tellement de choses à raconter. J’essaye de ne pas trop en dire parce que, vous le voyez, je suis encore dans une chambre d’hôtel et, là, il n’y a pas la connexion qui permette justement de télécharger rapidement. J’espère que ce que je vous dis là, j’arriverai à le télécharger avant de prendre le train vers midi moins quart. Sinon, vous le verrez plus tard.

Nous sommes dans un monde au bord de la guerre généralisée. Les signes d’effondrement se manifestent un peu partout. Nous avions déjà à la tête des Etats-Unis un personnage dont vous avez vu qu’avec une certaine militance, j’espérais qu’il allait disparaître rapidement. Il est toujours là malheureusement. J’avais confiance en les institutions américaines. J’avais confiance en M. Robert Mueller pour nous faire un rapport qui serait à ce point dévastateur que M. Trump doive disparaître assez rapidement. M. Robert Mueller a fait ce rapport tout à fait dévastateur mais il l’a fait avec tant de précautions et tant de politesse qu’il a permis au ministre de la Justice, tout à fait acquis aux thèses de M. Trump, de torpiller d’une certaine manière la sortie du rapport en en faisant un résumé fallacieux et, par la suite, les Démocrates ont peur de lancer la procédure d’impeachment, de destitution du président alors que M. Robert Mueller leur a quand même offert de l’ordre de 700 pages de raisons de le faire.

Mais le danger en ce moment, aujourd’hui, à l’heure où je vous parle, est de voir apparaître un personnage du même genre à la tête du Royaume-Uni. Avec un déjà à la tête des Etats-Unis, ce n’était pas terrible. Avec un second du même style à la tête de la Grande-Bretagne, le Royaume-Uni, ce serait encore beaucoup plus grave. C’est Boris Johnson qui risque de devenir premier ministre rapidement. C’est un populiste aussi, populiste de droite, du même genre que Trump, mais ce n’est pas la même chose. Je dirais, à la limite, c’est encore plus dangereux.

La faiblesse, bien entendu, de M. Trump est de ne pas être sûr de lui. Il doit se rassurer toutes les 10 minutes sur le fait qu’il n’est pas l’andouille qu’il imagine être à ses propres yeux. Malgré ses grands discours sur le fait qu’il est un génie, c’est quelqu’un de très mal assuré. Pourquoi il est très mal assuré ? Pour les raisons qui lui ont permis de constituer sa fortune. Il a une famille, des migrants, avec un grand-père, le premier Trump, arrivé aux Etats-Unis, il le fait dans des conditions qui le mettent en délicatesse avec la loi dans le pays qu’il quitte, l’Allemagne, et c’est essentiellement – tout le monde en a parlé, les preuves sont là, les publicités même – c’est un tenancier d’hôtel borgne comme on dit, ou de bordel si vous voulez, avec « conditions spéciales accordées aux dames seules ».

Le père est, pour aller vite, vous l’avez compris aussi, on en a parlé beaucoup, un raciste proche du Ku Klux Klan, un marchand de sommeil. Le petit-fils constitue sa fortune à grands coups de bluff et de trafics extrêmement louches dont on connaîtra sans doute un jour les détails. Tout ça ne fait pas une personnalité très sûre d’elle bien entendu. Il n’y a pas d’ancêtre à évoquer. Il n’y a pas d’arrière-grand-père à copier dans ses comportements ou à évoquer la mémoire. Tout cela est bien compliqué. Donc on un populiste qui vient véritablement, je dirais, d’un secteur possible du « peuple » : les gens qui rament mais qui ont trouvé des combines pour essayer de s’en sortir, au point de devenir Président de la République.

Boris Johnson, c’est une toute autre affaire. C’est quelqu’un qui est passé par l’École européenne à Bruxelles quand il était tout jeune puis qui est allé à Eaton, le grand collège prestigieux de Eaton. Il est allé à Oxford, à Balliol College. Il a été président de l’Oxford Union qui est le club des orateurs. C’est un truc extrêmement prestigieux. Il vient d’une famille qui est une famille où se mélangent la haute bourgeoisie et des gens plus ou moins liés aux différentes aristocraties dans un ensemble de pays dont la Turquie, dont l’Allemagne, dont la Grande-Bretagne. C’est quelqu’un d’extrêmement sûr de lui. Il s’est toujours présenté comme un populiste de droite, vous avez dû voir ça. Il a passé des années sans passer un peigne dans ses cheveux. C’est quelqu’un qui peut se faire passer pour « peuple » essentiellement parce que c’est un hooligan. C’est parce qu’il a fréquenté les voyous. Ce n’est pas sa famille. Il y a même des gens extrêmement pointus dans la littérature, dans la critique littéraire. Il y a de vrais intellectuels dans ses parents proches et dans sa généalogie mais c’est quelqu’un qui, par la fréquentation des voyous, peut passer pour quelqu’un du peuple. C’est un style qu’il s’est donné. Ça ne lui est pas venu naturellement. C’est quelque chose qu’il a dû acquérir. Est-ce que ça le rend moins dangereux que Trump ? Non. C’est une autre variété du même style. Il peut être extrêmement dangereux. Il est un représentant de ce qu’on appelle en anglais le jingoism. En français, on dirait le patriotisme franchouillard. C’est l’amour de la patrie sans raison précise. Ou s’il y a une raison précise, c’est à partir de choses dont justement il ne faudrait pas être très fier, de la manière dont son pays s’est comporté.

Je viens de regarder. C’est un mot que l’on utilise beaucoup en anglais, jingoism. C’est l’amour de la patrie, le patriotisme mal placé. Cela vient d’une chanson du 19ème siècle, à l’époque où l’Angleterre était en guerre avec la Russie, imaginez-vous. Il y a une chanson absolument patriotarde, débile, où on dit au détour d’une phrase : « By Jingo ». Qu’est-ce que cela veut dire ? C’est comme « sacré nom d’une pipe » : au lieu de dire « By Jesus », ce que l’on n’a pas le droit de dire bien entendu, on dit « By Jingo » et le mot jingoism est resté. C’est l’esprit de cette chanson : c’est le patriotisme non-justifié, braillard, et ainsi de suite.

Si on avait ce type à la tête du Royaume-Uni, on serait bien barré, non pas qu’il pourrait se mettre d’accord facilement avec Trump mais, là aussi, ce serait n’importe quoi dans n’importe quelle direction. « On fait la guerre avec l’Iran aujourd’hui »… ah non, le lendemain : « Finalement, ce n’était pas une bonne idée… En fait, ces salopards d’Iraniens viennent de descendre un drone… » On rétropédale 4 jours plus tard en disant : « Ah oui ! C’était un accident, je suis d’accord ! ». Et ainsi de suite. Ça devient extrêmement dangereux.

Dans le cas de Trump, c’est probablement à la suite de conversations avec Vladimir qu’il change d’avis aussi facilement mais ce personnage est tout à fait non fiable, vous le savez. Il s’apprête à organiser des déportations massives d’Amérindiens de provenances diverses mais essentiellement du Mexique, du Guatemala, d’El Salvador et du Honduras. Les gens sont fichés et Trump annonce des déportations massives. Ça va être joli ! Les époques où les Etats-Unis ont fait des déportations massives d’immigrés sont des époques tristes dans leur histoire et nous sommes en train d’entrer là-dedans, tout ça simplement parce qu’on n’a pas pu arrêter ce bonhomme. Alors, tout ça est en train de très très mal tourner.

J’ai fait allusion, je l’ai mentionné sur le blog, qu’hier, j’étais la personne qui allait présenter, au cours d’une journée qui allait se passer à l’Université catholique de Lille, Andrew Feenberg qui est un philosophe américain, professeur en ce moment à Vancouver au Canada, un des grands penseurs, des gens qui réfléchissent sur les rapports entre la technologie et notre société. Personne qui a une belle filiation intellectuelle : il a été l’étudiant d’Herbert Marcuse dont vous avez sûrement entendu parler. C’est une des grandes figures de réflexion, un des grands penseurs de l’époque de 68 appartenant à l’école de Francfort.

J’ai fait allusion hier dans un petit mot, dans la soirée avant-hier qui a précédé la journée avec Andrew Feenberg, il me parlait d’un professeur canadien qui avait décidé que l’époque était à la désobéissance civile, que l’on n’obtiendrait rien des parlements et qu’il parlait à ses étudiants de comment saboter des pipelines. Andrew Feenberg a précisé qu’il ne donnait pas des techniques mais que c’était quelqu’un donc qui s’est rangé du côté des mouvements de type Extinction Rebellion en imaginant qu’il n’y a que là que nous avons encore une chance de faire dérailler le train fou, le bolide sur ses rails. Quand il a dit ça, ça m’a rappelé aussi que j’ai parfois dit des choses dans ce sens-là.

Le fait de voir un philosophe américain dire des choses dans le même sens, ça a attiré mon attention quand même sur le fait que nous sommes entrés, nous, un certain type d’intellectuels, dans des positions assez désespérées, c’est-à-dire à en appeler carrément aux deux générations qui nous suivent en disant : « Ecoutez, nous les gars, on a fait ce qu’on a pu mais on jette l’éponge. On a essayé par les moyens qu’on connaissait. Ça n’a rien donné. À vous de jouer. S’il faut sauver ce monde, c’est à vous de le faire parce que, nous, on est hors course. Ce n’est pas que l’on soit trop vieux. C’est-à-dire que l’on ne pourrait plus bouger, etc., mais on a un peu épuisé nos munitions ».

Nos munitions étaient d’un certain type. Nous avons appris un peu les choses dans la rue, en manifestant. Feenberg et moi, nous avons des parcours d’anciens combattants, d’être des organisateurs à 15-16 ans de manifestations contre la guerre au Vietnam. Nous avons des choses en commun, dans deux continents séparés. Nous nous sommes rencontrés plus tard, il y a 20-25 ans [27 ans] mais voilà. Donc, nous avons essayé un certain nombre de choses. Nous donnons encore notre avis sur ce qui se passe en ce moment et nous participons éventuellement mais nous avons un peu épuisé l’éventail des stratégies que nous connaissions et notre manière de prier que l’on s’en sorte quand même est de dire : « Allez les jeunes, voilà, si vous voulez encore nous demander du conseil, on sera là parce qu’il n’y a plus que vous. Vous êtes le dernier rempart pour l’espèce ».

Voilà, je vais terminer là-dessus. Cela ne veut pas dire que je n’aie plus rien à dire sur le sujet. Je reviendrai peut-être rapidement, si mes déplacements me permettent d’intervenir au quart de tour. Il faudrait que je vous parle encore… Pour terminer, je vais dire un mot sur la Libra. Les états sont à ce point dans un mauvais état, dans un état de délabrement tel que les grandes compagnies qui sont les rivales, les GAFAMI, etc., ont décidé de prendre l’initiative et pourquoi pas de battre monnaie.

Facebook, malgré toutes les critiques qui lui sont adressées, en particulier le rôle qu’elle a joué d’interférence dans les élections aux Etats-Unis qui ont permis à Trump d’être élu, et en faveur du Brexit en Grande-Bretagne, ne se sent pas désemparé et organise une fédération d’entreprises pour essayer de lancer une monnaie à elles. Alors là, ce serait véritablement, bien entendu, la fin des états. Je veux espérer que les banques centrales et les états vont encore réagir avant d’atteindre la rigor mortis et au moins interdire, empêcher ça, que ce soit des entreprises qui, comme vous le savez, n’ont aucun véritable scrupule – si ce n’est la logique commerciale – envers leurs consommateurs, qui prennent le pouvoir avec maintenant leur monnaie à elle. Mais je devrai sûrement y revenir. Vous le savez, la monnaie est quelque chose qui m’intéresse tout particulièrement.

Voilà, allez, à bientôt. Je ne dis pas quand. On verra bien selon l’actualité et mes possibilités.

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