Vous avez vu le point d’interrogation ? C’est parce que la question se pose, sans que la réponse soit évidente.
Avant que Robert Mueller ne dépose son rapport, le seul tournant possible était une démission de Trump, à laquelle – selon moi (je vous l’ai dit) – Mueller poussait le Président. S’il tenait bon, ce qui fut le cas, il faudrait attendre pour un tournant, la publication du rapport.
Trump a bien joué en nommant un ministre de la Justice à sa botte en la personne de William Barr, lequel a bien joué lui-même en laissant s’écouler un mois entre le moment où Mueller lui a transmis son rapport et celui où le public a eu le droit d’en lire une version passablement caviardée, et en annonçant par anticipation : « Ni collusion, ni entrave à la justice. Circulez, y a rien à voir ! », en espérant manifestement qu’au moment où le rapport serait vu, quiconque dirait – comme moi – « Mais il y a là matière à 50 Watergates ! », le public, lassé, dirait lui : « Ah ! Non ! Affaire classée, passons à autre chose ! »
Les Démocrates étaient furax avant-hier après la conférence de presse de Mueller : « Il aurait pu en profiter pour souligner que s’il n’a pas inculpé Trump, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas lieu de le faire, mais uniquement en raison de cette jurisprudence qui veut qu’un ministre de la Justice US n’inculpe pas le Président. Au lieu de cela, il s’est contenté de résumer les deux parties de son rapport, des trucs déjà connus ! ».
Oui mais, ce qu’ils oubliaient, c’est que l’opinion Républicaine – parlementaires et sénateurs y compris – n’a pas lu le rapport : « Il est vide, n’est-ce pas ? », et que le seul son de cloche qu’elle ait entendu, c’était Trump répétant : « Puisque j’ai rien fait, faut maintenant inculper ceux qui ont voulu la commission Mueller ! », venant compléter le « Circulez, y a rien à voir ! » de Barr. Or, ce que Mueller a fait avec sa conférence de presse – où les Démocrates n’ont en effet rien appris – c’est contredire le ministre de la Justice sur de nombreux points, et non pas en venant avec de nouveaux éléments, mais en citant simplement quelques phrases de son rapport, dont le maintenant fameux « S’il avait été clair que le Président n’était pas coupable, nous l’aurions assurément dit ».
Mueller a déçu les Démocrates en ne disant que des choses que eux savaient déjà, mais ce qu’il a fait n’est pas rien : il a retiré aux Républicains l’argument que s’il se taisait, c’est qu’il n’avait rien à ajouter. Et il a souligné ce que tout le monde devrait savoir mais ne sait pas nécessairement : qu’un rapport de Special Counsel n’est pas un acte d’accusation du ministère de la Justice, mais une information à l’intention des Congressistes : les parlementaires, qui ont eux seuls le pouvoir, non pas d’inculper un président, mais de le destituer, par la procédure de l’empêchement (impeachment).
Et la preuve, s’il en fallait, que Mueller n’a pas perdu son temps, c’est qu’il a poussé Barr a faire machine-arrière quand celui-ci a déclaré aussitôt que la jurisprudence du ministère de la Justice n’était pas qu’il n’est pas permis à un Special Counsel d’inculper un Président NI d’affirmer qu’il a commis un délit, mais seulement de l’inculper. Ce qui est là une concession majeure de sa part puisque c’est lui qui avait affirmé qu’au vu du rapport (à propos duquel il a dû concéder à un journaliste qu’à ce moment-là il ne l’avait pas encore lu), il n’y avait pas eu selon lui entrave à la justice. Or quiconque a lu le rapport y a trouvé répertoriés, dix cas directs d’obstruction par le Président, et un cas indirect.
Et donc, ceux des Démocrates qui affirmaient, comme Nancy Pelosi, présidente de la Chambre, que ce serait jouer dans la main de Trump que d’entamer la procédure d’impeachment, maintenant que Mueller, tout Républicain qu’il soit, l’a dit en termes mesurés mais néanmoins haut et clair, auront bien du mal à maintenir cette position.
Et c’est ce qu’on voit d’ailleurs, le nombre de congressistes Démocrates en faveur d’une destitution était de 40 sur 235 avant la conférence de presse de Mueller et il est aux dernières nouvelles, c’est à dire quarante-huit heures plus tard, de 52.
Auxquels il faut ajouter un parlementaire Républicain, Justin Amash, lequel étant un Libertarien est loin d’être un modéré. Et c’est là l’explication de la photo que j’ai mise tout en haut. On s’interrogeait : comment sa base allait-elle réagir à son engagement pour l’impeachment ? On l’a su lors d’une réunion publique mardi dernier (le 28), où il affirmé qu’ayant lu le rapport Mueller, il était d’avis que si le Congrès n’entamait pas la procédure à l’encontre de Trump, il se priverait à l’avenir de toute possibilité d’y recourir jamais, tant la malfaisance (corruption) du Président était flagrante. La réaction de la salle, vous la voyez : ovation debout.
Une hirondelle ne fait pas le printemps, dit-on. On verra. Comme vous avez pu le voir, j’ai mis un point d’interrogation à « Un tournant pour Trump ? »
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