Retranscription de « Que faire ? Que faire ? », le 5 mai 2019. Ouvert aux commentaires.
Bonjour, nous sommes le dimanche 5 mai 2019 et mon exposé d’aujourd’hui s’intitulera « Que faire ? Que faire ? ».
Vous l’avez vu – je commence par là – les listes pour le Parlement européen ont été déposées et sur aucune de ces listes, vous ne trouverez mon nom. Alors, la tentation de la nature humaine, c’est de dire : « Eh bien finalement, je n’ai pas vraiment essayé ! » mais là, vous me diriez : « Non, non, M. Jorion, vous avez essayé et vous avez consacré beaucoup d’énergie au cours des mois derniers à essayer de vous trouver sur une de ces listes et vous n’avez pas réussi ! » et je vous dirai : « Monsieur ou Madame, vous avez parfaitement raison : je me suis donné beaucoup de mal ! ». J’ai essayé d’avoir un débat public avec M. Hamon dont vous vous souvenez peut-être, qui a été décommandé à la dernière minute – pas par moi. J’ai eu l’occasion de passer une soirée à discuter avec M. Hamon. J’ai eu l’occasion de plusieurs conversations assez longues avec M. Olivier Faure. J’ai eu M. Paul Magnette au téléphone, M. Di Rupo aussi et vous m’avez vu me joindre au mouvement Place Publique qui s’est créé en France. J’ai participé à l’échelon local, dans le Morbihan où j’habite. J’ai participé même à une réunion – je suis revenu spécialement un jour où j’étais à Bruxelles – pour participer à une réunion à Lille aux côtés de Claire Nouvian. Des amis à moi ont lancé une pétition que vous avez été nombreux, dans le cadre en question, à signer, appelant le Parti socialiste et Place Publique à me mettre en position utile sur leur liste.
Ils ne m’ont pas mis en position utile et ils ne m’ont pas mis non plus en position inutile [rires]. Je pourrais dire que mes efforts ont été accueillis dans un silence poli mais le mot « poli » ne s’applique pas à toutes les conversations que j’ai eues [rires] donc je m’abstiendrai de le mettre.
Alors, qu’est-ce que cela veut dire ?
Ça veut dire deux choses. Il y a deux choses que je voulais tester par cette candidature. D’abord, je voulais qu’on me mette sur une liste. Ensuite, j’aurai souhaité que vous m’élisiez et j’aurais testé ce qu’il y a moyen de faire et ce qu’il y a moyen de ne pas faire, au Parlement Européen. Et là, vous avez été nombreux à me dire : « On ne peut rien faire du tout ! ». Et là, je vous ai donné les contre-exemples en vous disant que je me suis retrouvé à des endroits dont tout le monde m’avait dit qu’on ne pouvait rien y faire du tout et où j’ai fait pas mal de choses. Pourquoi ? Sans doute à cause d’une certaine force de conviction qui est la mienne et une certaine volonté que si je me trouve un endroit, qu’on puisse y faire des choses. Ce n’était pas toujours évident. Je me suis cru souvent en position perdante absolue et des redressements de situation dus en particulier à des alliés puissants et efficaces ont inversé la situation.
Donc je m’étais convaincu que même dans les endroits où l’on dit que l’on ne peut absolument rien faire, mais qui sont des porte-voix, des mégaphones, il y a moyen de les utiliser. Regardez M. Ruffin. M. Ruffin est souvent déjà allé à des endroits où, sûrement, des gens lui disaient autour de lui : « Ce n’est même pas la peine d’essayer ! » et il est arrivé à faire des choses. Vous avez vu que M. Brossat, récemment aussi, est arrivé à dire des choses, à ce qu’on l’écoute, alors que l’on aurait pu supposer, que de la position dont il parlait, il ne se passerait rien.
Me trouver moi sur cette liste, éventuellement être nommé, c’était une des choses que j’étais en train de tester. Alors, je ne fais pas le renard et les raisins en disant qu’il y en avait une autre. Non, non : il y en avait une autre et j’en ai parlé beaucoup, et je vais continuer à en parler, c’était la possibilité de reconstituer un grand mouvement à gauche. C’était là aussi quelque chose que je voulais tester.
On n’y est pas arrivé. Place Publique s’était donné comme but précis d’essayer d’opérer ce rassemblement. Ça n’a rien donné. (J’allais faire encore des commentaires supplémentaires [rires]). Non, ça n’a rien donné et la gauche va se rendre en rangs absolument dispersés aux élections européennes. Ce qui n’est pas une bonne idée vu que deux formes de fascisme en col blanc et en col bleu vont se disputer les voix des électeurs.
Le fascisme en col blanc travaille directement pour la Banque, tout le monde le sait. Celui en col bleu le fait d’une manière indirecte mais l’histoire nous montre comment cela fonctionne : quand un fascisme en col bleu, du type du national-socialisme allemand ou du fascisme italien, se met en place, il s’arrange pour travailler pour la Banque quand même de manière détournée, de manière moins visible mais, à l’arrivée, on s’aperçoit que c’est la même chose.
Il y a un endroit où j’aime bien aller manger, c’est de la restauration rapide et, vous avez peut-être vu ça dans l’actualité, les dirigeants de cette entreprise se sont rendus compte que les fondateurs de la firme étaient des piliers du nazisme qui ont utilisé une main d’œuvre forcée dans un cadre de brutalité généralisé, de viols, de gens battus, etc. Ils ont la décence – cela ne doit pas être bon pour leur business – d’attirer l’attention là-dessus maintenant, mais ils ont la décence de le faire.
A l’arrivée, malheureusement, fascisme en col blanc ou fascisme en col bleu, ils arrivent au même résultat : une espèce d’embrigadement pour nous faire revenir au niveau de la fourmilière. C’est sympathique la fourmilière. C’est bien qu’il y ait des animaux comme ça. Ils sont très utiles mais, nous, nous ne voulons pas être organisés comme ça.
Alors, pas de rassemblement à gauche. On va vers un grand combat à la Lord of the Rings, Seigneur des Anneaux, Game of Thrones, entre deux variétés du fascisme, l’un propret et qui cache bien les choses, l’autre très sale et dégueulasse mais qui, à l’arrivée, vont vous offrir la même chose : un monde d’insectes sociaux dans lequel vivre.
Que faire ? Que faire ? Le mot qui me revient est – il vaudrait mieux que je n’en parle pas, mais puisque je suis là et que je ne vais pas arrêter ma vidéo – c’est le mot « apoptose ». On en a déjà parlé sur le blog de l’apoptose. Qu’est-ce que c’est l’apoptose ? C’est le suicide des cellules dans un organe qui « se considère » – parce que les organes ne réfléchissent pas exactement de la même manière que nous – dans un organe condamné, le suicide s’organise. Les cellules se suicident individuellement « en espérant » mettre autre chose à la place mais c’est un processus de mort organisée.
Voilà, ma deuxième conclusion sur la manière dont le rassemblement à gauche, en France en particulier, n’a pas pu se faire. Il m’évoque le processus de l’apoptose, ce qui n’est pas bon. Ça pourrait être le signe précurseur d’un jet de l’éponge généralisé au niveau d’un pays et de l’espèce peut-être en particulier.
Il n’est pas impossible, c’est un des scénarios, vous le savez bien, que nous ayons déjà déterminé inconsciemment que, pour nous, sur cette planète, c’est râpé parce que l’on ne renversera pas les processus qui sont les processus d’extinction de la vie en général. Il restera probablement des bactéries et des virus au fond des océans, oui, pendant un certain temps, puis le processus pourrait repartir avant que la Terre elle-même ne disparaisse dans la disparition de son Soleil, de son étoile, un jour ou l’autre.
Est-ce que ça veut dire que c’est terminé entièrement ? Non, il ne faut peut-être pas focaliser son regard sur des endroits comme le Parlement européen ou même les élections européennes ou même des élections tout court pour savoir si des choses sont en train de se passer. Il faut regarder dans la rue.
Nous sommes dans une époque où des choses importantes se passent dans la rue et, vous le savez aussi, quand il y a beaucoup de répression, c’est aussi un signal qu’en face, il y a des gens qui ont peur. Sinon, il n’y aurait pas de répression brutale pour essayer que les gens restent à la maison. On n’essaierait pas de modifier les lois pour transformer des comportements tout à fait ordinaires et qui font partie du processus démocratique en crime ou en délit.
Il se passe des choses dans la rue. Les gens vont dans la rue. Les gens vont protester. On est dans la protestation. Les gens vont pour des raisons diverses. Vous le savez, il y a même parfois, de manière concurrente, plusieurs cortèges dans la même ville : les enfants et les adolescents et toutes les bonnes volontés aussi qui s’y joignent, qui vont essayer de faire quelque chose contre l’extinction de l’espèce, d’autres personnes qui manifestent davantage sur des questions de survie immédiate, de vie quotidienne.
Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire surtout que les gens savent que le truc-machin ultralibéral qui avait fait la preuve de son inanité, de sa stupidité, du danger qu’il représentait en 2008, qu’il y a encore des gens que nous élisons au pouvoir pour essayer de terminer en vitesse ce machin. On va tout privatiser. Il y a une très belle vidéo sur laquelle on a attiré mon attention hier dans les commentaires du blog, de M. Pompidou qui vous fait un éloge de l’ultralibéralisme. Cela doit être au tout début des années 60 ou toute fin des années 50. Cela vous fait froid dans le dos mais ce monsieur s’est retrouvé président de la République, malgré les horreurs qu’il disait, malgré que là, je dirais, c’était le programme du fascisme en col blanc avec sa signature mise derrière et assumé avec fierté. Avec fierté !
Voilà où on en est. Que faire ? Que faire ? Se joindre bien entendu aux mouvements de protestation, éviter ceux qui retombent dans les ornières précitées, une manifestation ou un groupe dans une manifestation dont le but affirmé est de se joindre à un fascisme en col bleu, est à éviter soigneusement.
Il y a des débats autour de moi, parmi les amis du blog de Paul Jorion, les commentaires sur le blog, etc., de dire que ce n’est pas facile parfois à distinguer. Là, on est tout à fait d’accord ! Si on était dans un truc où il suffisait de mettre une croix en-dessous de la colonne bleue ou la colonne rouge, les choses seraient très simples.
Le problème, vous le savez, c’est que les jours sont comptés ! Vous l’avez peut-être vu. Je l’ai mis. Je ne l’ai pas mis en première page pour « ne pas désespérer Billancourt » comme on le disait autrefois [Jean-Paul Sartre : « … en disant la vérité sur l’URSS »], la déclaration d’Anémone sur le fait qu’à son sens, c’est râpé, c’est terminé et puis voilà, on met la clé sous la porte et on va ailleurs. Ou on se met dans son lit et on attend que l’apoptose ait fait son effet.
Ou bien, on fait comme les Chinois, vous avez peut-être vu ça. C’était dans le Guardian hier. Cela devait être à plein d’endroits mais, moi, je l’ai vu dans le Guardian. On emmène les petits enfants chinois dans des expositions en plein air, organisées dans un paysage qui évoque la surface de la planète Mars, qui est dans le désert de Gobi. On a organisé une simulation d’une colonie sur Mars et les petits Chinois que l’on interviewe ont bien préparé leur voyage scolaire. Ils savent que le danger, c’est essentiellement les rayons cosmiques, c’est ceci, cela, etc. Ils savent déjà qu’il y a peut-être parmi eux un certain nombre d’enfants qui rêvent d’être les colons de la planète Mars. Et, je sais qu’il y en a dans d’autres pays. Pourquoi ? Parce que nous sommes une espèce que les biologistes appellent « sociale », « opportuniste » parce que nous en nous arrêtons pas devant l’obstacle et nous inventons de nouvelles stratégies et, mes Amis, ça, c’est une grande partie de notre drame maintenant, « colonisatrice », qui ne s’arrête que quand son environnement est épuisé et, quand elle a un peu d’imagination – comme c’est le cas des lemmings – on se précipite à essayer de trouver un nouvel environnement dans lequel on pourrait vivre.
Alors, nous en sommes là. C’est ça le paradoxe. C’est ça la ruse de la raison cachée dans des trucs comme le transhumanisme. C’est de persuader les petits enfants qu’il faut continuer à réfléchir pour essayer de sauver cette planète mais qu’il ne faut peut-être pas mettre tous ses œufs dans le même panier et qu’il faut peut-être aller se mettre ailleurs si ici, cela devient absolument invivable et faire de la terraformation, c’est-à-dire d’aller créer une nouvelle planète pour nous ailleurs, sur ce qui existe encore à un autre endroit.
Vous savez sans doute que M. Philip K. Dick, le grand auteur de science-fiction, que ce monsieur avait un petit peu des problèmes de… il s’interrogeait lui-même sur sa santé mentale mais il était convaincu que ce qu’il écrivait, ce n’était pas de la science-fiction, que c’était de l’histoire. Il ne parlait que de choses qui lui apparaissaient dans son imagination parce qu’elles lui venaient du futur et que, quand par exemple, dans ce livre dont je ne sais plus exactement comment s’appelle la nouvelle dont le livre est tiré [« We Can Remember It for You Wholesale »], mais le film qui a été fait par Paul Verhoeven s’appelle Total Recall, rappel total, il est question d’aller sur Mars et de transformer cette planète en une planète habitable pour nous.
J’ai écrit un livre qui sort. C’est un roman. Je vais encore en dire un mot pour terminer. Le précédent, c’est un livre qui s’appelle « Défense et illustration du genre humain » (2018). Ce livre a été peu commenté. Il a très peu été commenté et en partie – d’après ce que j’ai entendu – de gens qui ont hésité à en parler, ce sont des gens qui étaient en désaccord avec l’image positive que j’offrais de la Chine dans la dernière partie du livre. Je présentais la Chine comme étant peut-être le pays qui a une idée, qui va essayer de la mettre en œuvre sur ce qu’il faut faire maintenant, qui a une réponse au « Que faire ? Que faire ? », qui n’est probablement pas plus assurée que cela va véritablement marcher mais qui, au moins, a des idées et qui mobilise ses énergies pour les mettre en œuvre.
Je ris beaucoup ces jours-ci parce que vous voyez, si vous regardez un peu sur l’Internet, et vous le faites sûrement puisque vous me regardez en ce moment, il y a beaucoup d’indignation à propos du « crédit social » en Chine. Le crédit social est le fait que l’on attribue aux gens une cote, une notation, en fonction de la personne qu’ils sont et les gens qui sont des gens qui font les choses comme on l’espère dans la société reçoivent des notes très élevées et les autres reçoivent des notes moins élevées mais chacun a une notation qui lui est offerte de cette manière-là, qui lui est « plaquée » plutôt. Ce qui est le plus effrayant, bien entendu, c’est dans la vidéo que l’on vous montre, ce sont des Chinois qui disent « C’est formidable ! C’est très bien ! C’est une très bonne idée ! », des vieux, des jeunes, etc.
On me dit « Vous avez vu ça ? ». Je réponds : « Oui, j’ai vu ça ! J’ai vu ça mis en œuvre en 1997 en Californie et j’ai moi-même mis au point des systèmes d’attribution de prêts au logement où le facteur le plus déterminant dans le taux qui serait accordé aux personnes était cette notation de crédit qui nous effare, qui nous estomaque, qui nous plonge dans une énorme perplexité réprobatrice à propos de la Chine » [rires].
Ce système, mes Amis, a été inventé en Californie à la fin des années 90. C’est la compagnie Fair & Isaac Company qui est une compagnie [californienne et] c’est surtout en Californie que le système a été mis en place de manière universelle, appliqué à absolument tout le monde.
Ce système de notation sociale, cela s’appelle le FICO Score, la « notation FICO ». Si vous lisez un peu mes livres, ça vous rappelle peut-être quelque chose. Dans ce livre publié en 2010 qui s’appelle « Le prix », j’ai un chapitre consacré à cela [pp. 212-220]. Ça n’a pas provoqué l’indignation, la colère, ni quoi que ce soit à l’époque mais vous pouvez y retourner : ça se trouve là, le système est expliqué complètement. Et, par la suite – en réalité auparavant – j’avais parlé de ça dans un article publié avant la crise de 2008 [repris dans « le livre qui annonçait la crise » : « La crise du capitalisme américain » 2007 : pp. 111-113, 138-142], mais durant la crise de 2008, je vous ai expliqué dans les deux livres « L’implosion » [2008, pp. 103-108] et dans « La crise », le rôle qu’a pu jouer ce FICO Score, cette notation personnelle, ce crédit social dans le déclenchement et la dynamique de la crise.
Evidemment, quand il y a un effondrement économique, les gens n’arrivent plus à se conduire aussi bien qu’avant, à payer leurs dettes par exemple, etc. Il faut leur baisser rapidement leur côte FICO ! Il faut que ça descende rapidement pour s’adapter aux nouvelles circonstances. J’avais proposé, moi, à l’époque, dans la banque où j’étais qui s’appelait CountryWide, que l’on mette l’ensemble de ces notations, qu’on les situe dans un cylindre et que le cylindre représente l’état de l’économie, et que les notations évoluent en fonction de l’état de l’économie qui l’entoure mais, ça, c’était une idée tout à fait européenne qui était inassimilable à cet endroit là.
Pourquoi c’était une idée européenne ? Pourquoi c’était inassimilable ? Là, je reviendrai là-dessus de manière un peu plus détaillée parce que je vais faire un exposé là-dessus mais c’est, et vous ne serez pas surpris si vous connaissez ma grille d’analyse des Etats-Unis, tout ça part d’une volonté de cacher de manière délibérée ou inconsciente les ravages que font toujours autour de nous, aux Etats-Unis, l’héritage non seulement de la Guerre civile [Guerre de Sécession] mais de la raison de la Guerre civile, c’est-à-dire le système d’esclavage sur lequel cette nation s’est construite au départ.
Je crois que j’ai fait un petit peu le tour de ce que je voulais vous dire. L’important est que, à mon sens, j’ai voulu tester la possibilité d’une gauche de se réunir autour de la question des élections européennes, que le test a échoué à mon sens, que l’on va se retrouver de plus en plus dans le pays avec un affrontement entre deux parties dont l’avènement n’est souhaitable ni de l’une, ni de l’autre. L’une est déjà en place et s’enfonce dans une représentation répressive et autoritaire d’elle-même mais c’est inscrit, si c’est du fascisme en col blanc, c’est parce qu’il y a ces dispositions-là depuis le départ. En face, malheureusement, on voit aussi monter, je dirais, le cousin de la campagne – je ne veux pas dire du mal des campagnes, j’aime beaucoup la campagne [sourire] – mais je veux dire le cousin d’ailleurs, de quelque chose qui, finalement, à l’arrivée, propose la même chose.
Alors, que faire ? Que faire ? J’ai dit que, pour terminer, je ferais une petite allusion au fait qu’une chose que l’on ne pourra pas dire à mon propos, après ma mort, c’est que je n’aurai pas tout essayé [rires]. C’est que je n’aurai pas essayé de tout voir. J’ai quand même essayé de tout voir et j’ai eu la chance que l’on m’invite à aller à plein d’endroits en me disant : « Vous êtes peut-être la personne dont on a besoin ici, maintenant ». C’est ce qui m’a permis de voir du pays et de me trouver à des endroits où on faisait des choses pionnières dans différents domaines.
Il s’est fait aussi que, comme je l’explique dans un texte qui paraîtra un jour, il s’est trouvé que je me suis retrouvé aux Etats-Unis à avoir au téléphone mes enfants et de bredouiller parce que je n’arrivais plus à parler le français correctement parce que je passais des journées entières, des semaines entières, des mois entiers, sans parler le français à quiconque et qu’un jour, après une conversation comme celle-là, je me suis dit : « Ça, quand même, non, je ne peux pas le faire ! Ce n’est pas une question de Voltaire mais je ne peux pas perdre la langue qui est la mienne ! (il y en a d’autres, vous le savez : ma langue maternelle, c’est le néerlandais, des Pays-Bas) mais je ne peux pas perdre le français ! ». Alors, je me suis dit : « Tous les soirs, tu écris quelques pages en français et voilà, ça va te revenir », et c’est ce que j’ai fait.
Après, il s’est fait que, dans les conversations avec mon éditeur récemment, on a parlé de ça et « Mes vacances à Morro Bay » paraît le 15. C’est dans 10 jours [aujourd’hui, c’est demain].
J’ai la chance, déjà, qu’il y a des gens dont le métier est de dire du bien ou du mal de ce que les gens écrivent en littérature et qui, vous allez le voir, en disent beaucoup de bien [Planifié pour être mis en ligne à 00h01 cette nuit 😀 ]. Ils disent que j’ai un talent pour faire ça et, si c’est le cas, je vais essayer de faire passer les mêmes idées par ce moyen-là, comme une nouvelle tentative de faire quelque chose pour empêcher la catastrophe, le cataclysme final.
Ça m’est déjà arrivé l’autre jour. J’étais dans le train. Je me disais « Tiens ! qu’est)ce que je vais faire ? » et j’ai écrit un chapitre d’un récit qui est un récit écrit sous la forme du roman et où j’essaye de faire passer des choses importantes. Mais peut-être que le message d’Anémone fait son chemin et qu’il ne s’agit peut-être plus, comme Aristote, de dire : « Je vais écrire pour les humains qui seront là dans 4.000 ans ». Il a réussi pour au moins 2 500 ans, ce qui est quand même pas mal ! Mais peut-être de s’adresser directement à ses propres contemporains en n’essayant pas de faire des plans sur la comète : de s’adresser soit à des humains dans 4.000 ans, soit à des robots qui nous aurons succédé, mais peut-être de s’occuper, de parler directement – non pas que je ne l’ai pas fait d’une manière ou d’une autre – mais de parler aux personnes, à tout le monde et d’écrire des textes que tout le monde peut lire, où il n’est pas nécessaire de savoir ce que veut dire « pragmatique » ou « épistémologie » ou « paradigme », etc., de parler des choses de tous les jours aux gens de tous les jours sur les questions qui comptent tous les jours. C’est ce que j’ai essayé de faire à l’époque où j’écrivais ce « Morro Bay », sans me faire une idée de si un jour ce serait publié ou non – je vous l’ai dit : c’était un exercice essentiellement personnel, pour garder l’une de mes langues, une que j’utilise beaucoup.
Voilà, donc, que faire ? Que faire ? Ce n’est pas le pain qui manque sur ma planche. J’ai essayé une chose. Ça n’a pas réussi. Je vais continuer tant que c’est possible par les autres moyens.
Allez, à bientôt !
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