Ayant lu l’actualité d’aujourd’hui, j’entreprends d’écrire un billet, quand, au bout de deux phrases, je me dis que ce billet, je l’ai déjà écrit. Me mettant à sa recherche, je le retrouve en effet. Il date de près de dix ans. C’est dire si l’on avance ! Il y avait eu à l’époque, 128 commentaires. Premier post : Le capitalisme (I) – Les nervures de l’avenir. Ouvert aux commentaires.
Dans « La raison dans l’histoire » (1837), un ouvrage posthume composé à partir de notes de cours, Hegel observe que « … ce que l’histoire et l’expérience nous enseigne, c’est que ni les peuples ni les gouvernements n’ont jamais rien appris de l’histoire, et encore moins agi selon ses leçons ». C’est vrai : s’il en avait été autrement, aucune civilisation ayant gardé le souvenir de celles qui l’ont précédée ne serait jamais morte.
Faute de tirer les leçons de l’histoire, les hommes n’ont cependant jamais cessé de tenter de la déchiffrer et quand on la lit, l’attention se porte de préférence, soit sur ce qui revient sous la même forme, soit sur ce que l’on n’a jamais vu auparavant. Il est bien sûr essentiel de saisir la proportion dans laquelle se présentent ces deux ingrédients : le même et le différent, et plus particulièrement dans les périodes de transition. On ne peut savoir où l’on va si l’on ne détermine pas d’abord si l’époque où l’on vit se situe davantage sous le signe de l’inédit ou sous celui de l’éternel retour. Dans le premier cas, les processus que l’on observe sont en voie d’achèvement, dans le second, ils sont destinés à se poursuivre. Il faut pour cela savoir distinguer les ruptures des continuités et si les premières l’emportent sur les secondes, l’époque est au changement radical. Et c’est pourquoi cette capacité à lire l’histoire est moins essentielle quand on est aux premiers temps d’une époque nouvelle que quand, comme aujourd’hui, une époque épuisée touche à sa fin.
Si l’on brise une chrysalide, on y découvre un liquide noirâtre et épais où l’on ne distingue ni la forme de la larve en train de se dissoudre, ni celle de l’insecte parfait qui émergera un jour. Les périodes de turbulence sont de cette nature. Saint-Just fut un jour acculé à reconnaître que : « La force des choses nous conduit peut-être à des résultats auxquels nous n’avions point pensé ». Peu de temps après cette admission il devait capituler sans combat devant la promesse d’une mort prochaine, reconnaissant son incapacité à comprendre encore le tourbillon qui l’emportait.
Si l’époque est au changement radical, il existe en son sein des « nervures » : des trajectoires rectilignes qui relient le passé au futur en passant par les points qui constituent la trame du présent. Le reste, ce sont les zones de ce qui demeurera le même mais qui, tant que durera la transition, participant à l’effervescence générale, n’en sera pas moins soumis à d’inquiétantes turbulences. Parvenir à déceler la présence de telles nervures, c’est lire l’avenir déjà inscrit dans le présent.
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