Retranscription de Le point sur le Brexit, le 4 avril 2019. Ouvert aux commentaires.
Bonjour, nous sommes le jeudi 4 avril 2019 et, vous vous souvenez – sinon on vous l’a rappelé – qu’à une époque, je prêchais dans le désert et je disais « Il va y avoir une crise extraordinaire dans le domaine financier, ce sera causé par un truc qui s’appellera les titres subprimes, qui sont des titres adossés à des prêts immobiliers de pas très bonne qualité aux Etats-Unis ».
Pour le moment, il y a plein de gens qui vous disent « Il va y avoir une terrible crise financière, etc. » mais, parmi ceux-là, je n’en connais pas qui, comme moi, disent que ce sera causé par le Brexit ou, plutôt, – j’allais dire un vilain mot – le marasme autour des tentatives désordonnées et couronnées d’échec jusqu’ici des Britanniques d’appliquer le vote qui a eu lieu en juin 2016 de sortir de l’Union européenne.
Je vous rappelle. Faisons un petit pas en arrière quand même. Comment est-ce que cela a débuté cette histoire ? Je l’ai expliqué à l’époque sur le blog. Je l’ai rappelé plusieurs fois parce que j’ai consacré quand même pas mal de chroniques dans Le Monde, l’Écho et Trends-Tendances, à ces questions-là. Ça a commencé par des querelles entre M. David Cameron, qui était Premier ministre en Grande-Bretagne, et essentiellement Boris Johnson qui, à l’époque, était Maire de Londres. Comme je l’ai rappelé, et je n’étais pas le premier à le dire, ça avait été bien expliqué dans un article du Financial Times, tout ça remontait très très loin, à leur adolescence, quand ils étaient étudiants à Eton, une école d’élite en Grande-Bretagne, et ensuite à Oxford, des rivalités entre ces gars-là. Ce qui s’était passé, c’est que M. Cameron avait cru trouver le truc extraordinaire. Il avait trouvé le moyen de décrédibiliser entièrement M. Johnson. M. Johnson n’arrêtait pas de dire « Il faut sortir de l’Union européenne » et M. Cameron allait utiliser cette stupidité dite par cet imbécile pour le mettre sur la touche une bonne fois.
Qu’est-ce qu’il a fait ? Il a dit « On va faire un référendum et on va voir si on sort de l’Union européenne, etc. ». Ce à quoi il n’avait pas pensé, c’est à toutes les raisons que d’autres personnes pourraient avoir de vouloir sortir de l’Union européenne et j’ai toujours attiré l’attention sur le fait que c’est essentiellement la rivalité pour les quelques jobs qui existent encore entre des immigrés, des gens qui circulent à l’intérieur de l’Union européenne en particulier, que cela crée des tensions sur le terrain et que ces gens ont surtout très peur pour leur emploi. Il s’est trouvé, avec un petit coup de pouce de Cambridge Analytica, de Robert Mercer et sa fille, Rebekah, extrême-droite américaine, pour pousser un peu dans ce sens-là, avec encore une petite aide aussi de la Russie. Finalement, figurez-vous, le Brexit a gagné.
Le temps passe. M. Cameron donne sa démission. Les jours passent. Je vous le rappelle, on est à 1100 quelque chose [jours du 23 juin 2016]. Deuxième coup de théâtre : Mme May devient Premier ministre et, là aussi, elle veut faire passer en force son truc. Elle s’énerve tellement qu’elle dit « On appelle des élections législatives anticipées et, comme ça, j’aurai une majorité renforcée et je vais pouvoir faire passer assez facilement ma proposition sur ce Brexit » qui, à ce moment-là, était un truc, je dirais, mi-chèvre mi-chou. C’était une voie moyenne. Manque de pot, là aussi, l’arrogance trahit une fois de plus. Elle perd sa majorité [absolue]. Enfin, elle ne perd pas sa majorité mais elle perd énormément de représentants au Parlement et elle se retrouve dans une position plus difficile. Depuis, elle rame jusqu’à plusieurs fois par jour à essayer de faire passer cette proposition-là. Petit à petit, en ces temps récents, vous avez dû le voir, le Parlement britannique, the House of Commons, parvient… est en train de parvenir à prendre le pouvoir sur le Premier ministre. Ce n’est pas trop compliqué parce que la majorité de Mme May est tellement déchirée. Il y a des gens qui sont partis de son parti [Conservateur]. Il y a pas mal de ses ministres qui sont partis. A l’intérieur même de son gouvernement, il y a des pour et des contre, etc. Elle est en position très très difficile. Elle est maintenant, tous les jours, à deux doigts de la démission.
On est donc à 1.110 jours plus tard, après le referendum. Le Royaume-Uni aurait dû sortir déjà de l’Union européenne le 29 mars et on est une semaine plus tard. Ils ont donc repoussé ça.
Ce qui s’est passé hier soir… Il y a une dame dont je vous parle depuis très longtemps. Elle m’a fort impressionné depuis que j’ai commencé à regarder un peu ce qu’il se passait au Parlement en Grande-Bretagne. C’est Mme Yvette Cooper. Elle n’est pas du Parti conservateur. Elle est du Parti travailliste. Hier, elle est parvenue, avec l’aide d’un Conservateur, ensemble, ils ont fait passer une motion et cette motion a gagné d’une seule voix mais elle a gagné.
Comme vous le savez, tous les jours précédents, en particulier il y a quelques jours, au moment où 4 propositions de choses que l’on pourrait faire ont été proposées, elles ont été rejetées toutes les 4. On est dans le marasme absolu. Hier, donc, est passée cette motion au Parlement qui dit que l’on prendra le temps nécessaire, qu’ils ne donnent plus de date. Il y a un report de la sortie de l’Union européenne pour donner du temps à tout le monde. En ce moment même, quand je vous parle, il y a une discussion à la Chambre des Lords, qui ressemble un peu à un Sénat, pour voir si cette mesure sera adoptée.
Tous ceux qui sont maintenant encore en faveur du Brexit sont mobilisés. Ils ont ajouté, si j’ai bon souvenir, 7 amendements pour essayer de faire dérailler ce machin et on ne sait pas ce qu’il va se passer. Voilà où on en est. On est de nouveau dans la même situation qu’au lendemain du vote en 2016, sauf que les choses se sont tellement dégradées que, parmi les propositions envisageables, il y a celle d’un 2ème référendum, d’un nouveau référendum. Il y a celle d’élections législatives anticipées. Depuis hier, il n’y a plus celle d’une sortie en force d’un Brexit « ça passe ou ça casse et on regarde bien ce qu’il se passe » en faveur duquel certains conservateurs sont toujours partisans, même s’il y a un ministre hier qui a fait un rapport de 14 pages sur tout ce qui allait s’écrouler s’il y avait vraiment une sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni sans accord. Voilà où on en est.
Moi, je vous parle de ça depuis le jour-même. Je regardais le jour-même du vote du référendum. Je vous en parle de manière… non seulement ici mais j’en ai parlé dans, je ne sais pas, au moins une douzaine de chroniques dans différents journaux et magasines et je continue de vous tenir au courant.
Dès le départ, vous le savez, j’ai dit que ce machin n’aura pas lieu. Si on vous dit un jour que le Brexit a eu lieu, c’est qu’on aura grugé le peuple en lui disant « On est sortis » alors qu’en réalité, on n’est pas sortis, et c’est effectivement une des choses qui est en train de se préparer du côté Travailliste en particulier, que l’on reste dans le marché, que l’on reste dans ceci, que l’on reste dans tout cela… c’est une tentative de sortie de l’Union européenne à la carte mais en ayant remis sur la table comme devant être accepté de toute manière tous les éléments qui faisaient, dès le départ, dès le premier jour, de cette proposition de sortir une catastrophe économique, non seulement pour le Royaume-Uni – pour le Royaume-Uni, ce serait de l’ordre du cataclysme – mais ce ne serait pas bon pour les autres. Ce ne serait pas bon pour nous non plus.
Alors, depuis que je parle de ça, je ne parle pas en termes de souveraineté, de ceci, de la fierté du peuple, de ceci ou cela… Vous pouvez le voir, depuis le premier jour, j’ai dit « Ce n’est pas possible, simplement, sur une feuille Excel, ce n’est pas possible sur un plan économique », si un jour on dit que ça a eu lieu, ne le croyez pas : ça n’a pas eu lieu, on vous vend un truc en vous disant « C’est la sortie de l’Union européenne » et, en réalité, ça ne l’est pas : il y a différentes formules qui permettent de faire ça d’une manière ou d’une autre.
Voilà, allez, un petit point. Ça faisait longtemps que je ne faisais plus que de toutes petites notes mais sans faire un point et, surtout, en rappelant comment ça avait démarré avec M. Cameron et ses petits camarades, Boris Johnson et compagnie. Allez, à bientôt !
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