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En observant le paysage lors d’un voyage en train en Europe, une déduction s’impose : les humains modifient leur environnement selon leur désir, ils marquent visiblement leur territoire, le contrôlent. Ils sont les géniteurs et les créateurs objectifs de leur environnement. Comme cette marque est de nature géologique, on parle désormais d’Anthropocène. N’est-il pas évident que les humains éprouvent une grande joie à modeler le monde ? Qu’ils aiment à devenir des dieux, à se soumettre eux-mêmes, leurs semblables, les autres vivants et l’espace inanimé autour d’eux à leur toute-puissance ? Ils apprécient visiblement observer les effets de leur force, en construction et en destruction, depuis leur plus jeune âge.
Progressivement, l’environnement planétaire est complètement humanisé (nature domptée dans l’agriculture et la forêt), si pas « artificialisé », c’est-à-dire minéralisé (car qu’est-ce qu’artificiel veut dire dans l’absolu ?). Jusqu’ici, cette joie dans la puissance sur et le contrôle du monde a conduit à la destruction de la biosphère et au dérèglement climatique. L’Autre, l’altérité radicale du Vivant, du Minéral naturel, du « non-humain » tend à disparaître de l’expérience commune. Notre environnement devient progressivement seulement l’humain et ses artefacts. Nous nous retrouvons seuls, face uniquement à nous-mêmes, enfermés dans le résultat de notre imaginaire et de notre pulsion de puissance, comme dans une projection de notre psychisme. Notre seule limite désormais, c’est nous mêmes… Vraiment ? Non, il reste encore quelques petits soucis liés aux lois de la biophysique : les limites de la Biosphère.
Les humains étaient-ils comme ça avant l’énergie fossile (bois, charbon, pétrole, uranium, etc.), qui nous donné les moyens de nos ambitions de puissance ? Je le pense. Il semble que cet affect de joie liée à l’observation des impacts que l’on a sur le monde (sentiment de puissance liée au feedback que l’ont a de l’action performative sur son environnement humain, vivant et matériel) soit aussi ancienne que l’espèce, aussi primordiale que le nouveau né qui rit de voir l’effet qu’il a sur son environnement. Et ce conatus, cette volonté de puissance n’est pas l’apanage des puissants : Le grutier, le pilote de ligne, le chirurgien, le fermier, le chasseur, l’architecte, la rock-star, la femme forte, l’homme sexy (ou l’inverse !), le militaire, le jardinier, le chimiste, le cuisinier, etc. tous jouissent de ressentir l’impact qu’ils ont sur le monde dans leur activité. Beaucoup se sentent vivants, se sentent exister, par l’impact et le feedback de l’impact qu’ils ont sur le monde.
Alors comment sauver notre espèce et la Biosphère en prenant acte de cette « volonté de puissance », ce « conatus », ce désir, cet Eros qui nous pousse à marquer le monde de notre empreinte et à le modeler selon notre souhait ?
Comment canaliser autrement cette énergie libidinale ?
Voilà peut-être la question majeure du XXIe siècle !
Peut-on éprouver la même joie, la même satisfaction libidinale à observer les effets de son action sur le monde, sans le détruire et nous avec, mais plutôt en le régénérant ?
Je le pense. Je pense qu’on peut éprouver la même grande joie au pouvoir que l’on a sur soi (méditation, philosophie, sport, apprentissage, expertise, artisanat, art, etc.), sur les autres (diplomatie, conseil, réconfort, soutien, accompagnement, collaboration, communication, échange, politique), sur les vivants (soin, élevage, protection, sauvetage, bienveillance) et sur le monde (jardinage, permaculture, architecture, urbanisme, esprit d’entreprise, recherche et développement), cette fois dans le sens d’une métamorphose sociale et écologique de la civilisation !
Sans changer la nature humaine, à nous de sublimer nos pulsions, notre volonté de puissance en des actes vertueux et régénérateurs pour l’Humanité et la Biosphère ! C’est possible et certains nous montrent déjà les Voies de la transition !
Sans quoi, nous devrons nous résoudre à subir notre impuissance la plus complète face au déchaînement des éléments.
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