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La révolte qui gronde n’est pas due à une puissance révolutionnaire extérieure comme ce fut le cas du temps où les communistes, parfois les socialistes, prétendaient apporter une alternative : bien au contraire ces illusions ont disparu, avec le communisme avant hier, avec le socialisme hier et le syndicalisme aujourd’hui. Comme les signes qui annoncent un tremblement de terre, la secousse vient de l’intérieur du système. Le capitalisme en réalité se fragilise lui-même. Et l’épicentre se trouve où il est le plus avancé, la France. Alors la stigmatisation et la répression des victimes démunies n’est pas une solution. Comme le disent les partisans de l’ultra-libéralisme, elles n’ont pas d’alternative. Mais l’on ne peut non plus demander aux populations de reconduire les causes de cette crise.
Autres signes l’Angleterre et les États-Unis se replient sur leurs frontières. L’Europe construit des murs de tous les côtés y compris maritimes pour endiguer les migrants qui fuient la famine provoquée par une exploitation insensée, ou encore les réfugiés des guerres qu’elle commandite pour ses profits financiers. Les États-Unis lui emboîtent le pas. Pourtant ni les murs, ni les camps, ni les expulsions, ni les meurtres par bombes ou noyades ne parviennent à suturer l’hémorragie humaine. Entre le pouvoir nu et la vie nue reste l’évidence du vide. Le vide entre d’un côté la force et la violence, la domination des uns sur les autres, et en face la démocratie et la liberté muselée ou trahie.
La fragilisation du capitalisme est pour ses partisans une crise dont ils disent qu’ils sauront réintégrer la dynamique comme un organisme reconnaît des antigènes pour se fabriquer une solide défense d’anticorps, mais la fragilité vient de l’intérieur et non de l’extérieur : elle signifie que le système est arrivé à un point de saturation tel qu’il doit s’autodétruire pour perdurer parce qu’il ne peut plus détruire.
Néanmoins, l’Internet, la révolution numérique et les réseaux sociaux (le développement des forces productives) prennent peu à peu le dessus de l’ordre établi (les rapports de production) par le pouvoir pour se pérenniser.
Ici commence la réflexion pour tous, pas seulement sur le pouvoir d’achat dans une économie qui serait débarrassée du profit mais sur la raison de la production et de la consommation et sur le développement de la conscience qui se nomme l’Humanité. Or, dans cette réflexion où en sommes nous ?
[Lire le développement théorique sur le site de Dominique Temple à « Journal » 2019.]
Les nouvelles générations constatent les effets de l’aliénation de la liberté dans l’arbitraire : l’accumulation sans limite du capital, la destruction de la terre, de la vie et de l’homme sous l’aiguillon du profit. La terre, c’est-à-dire les conditions d’existence de la société, est en danger, la vie sur la planète est mutilée, l’humanité fuit de partout, mais tant que la cause de ces détériorations ne sera pas reconnue leur processus ne pourra pas être jugulé. Répétons encore une fois que la réflexion doit maîtriser son propre dérèglement. La démocratie ne devrait pas être le lieu de la liberté arbitraire où s’enchaîne le libéralisme au capitalisme. La définition de l’économie politique précise que la propriété doit être reconnue à chacun selon ses mérites pourvu que ceux-ci soient ordonnés à la consommation de tous en commençant par les plus démunis. La propriété, familiale, individuelle ou du chef d’entreprise des moyens de production nécessaires à leur activité, est définie par sa fonction sociale, subordonnée à la satisfaction des besoins de la communauté. La propriété est propriété d’usage, le fonds propriété universelle ou collective selon qu’il s’agit des biens de la nature ou des biens sociétaux. Et le cycle de l’économie politique couronne la liberté par la responsabilité. La responsabilité est en effet la raison de la réciprocité généralisée. En cas d’inadaptation des objectifs de l’entreprise individuelle et des besoins de la société, la crise est résolue par une assurance mutuelle. Mais le cycle économique de la vie est rompu lorsque s’interpose sur son cours un puits sans fonds où toute l’énergie de la production est capturée de façon irrationnelle au profit de quelques-uns aux dépens de tous.
Cependant, si la démocratie ne peut aujourd’hui se délivrer du pouvoir de ceux qui se sont retranchés de leurs obligations morales par la privatisation non seulement des bénéfices de l’entreprise mais aussi de ses moyens de production (et en particulier de la force de travail des expropriés), elle peut se concilier avec une autre expression de la liberté : celle qui lui permet de participer à la genèse de l’humanité dans une organisation holiste de la société. La raison qui n’est plus assurée par la réciprocité généralisée l’est par une autre structure de réciprocité fondamentale qui peut prétendre à la même efficience, la réciprocité centralisée universelle.
L’histoire ne se répète jamais. Le système de redistribution qui ressuscite de ses cendres est sans doute dégagé des imaginaires qui l’ont condamné et peut-être de la tentation du Pouvoir dont il prétend libérer l’humanité… c’est du moins ce que l’on peut oser espérer.
Il reste qu’il doit venir à bout du système capitaliste.
Il semble que la stratégie en cours soit de retourner le capitalisme contre lui-même, et hâter son évolution jusqu’à la fin. La formule a été un jour exprimée par Charles de Gaulle lorsqu’il eut la prémonition que le fascisme et le national-socialisme seraient surpassés : une force militaire supérieure nous a vaincu, une force supérieure nous donnera la victoire ; une économie capitaliste nous a écrasés, une économie capitaliste supérieure l’écrasera. En retournant contre les capitalistes leurs procédés, la Chine et ses alliés, chaque jour plus nombreux, surpassent ceux qui se sont installés chez eux, mais il reste clair qu’ils doivent en débarrasser la planète (et espérons que les armes nucléaires ne seront pas nécessaires). Les victimes du colonialisme et du racisme ou de la solution finale qui ont subi dans leur chair l’esclavage, l’humiliation de leur humanité, l’exploitation de leur force de travail, se rallient à cet espoir. Elles ont plus que le droit, elles ont l’obligation morale de faire en sorte que l’économie capitaliste aujourd’hui mondialisée sous le masque de la raison mutilée de sa définition éthique et réduite au calcul et à la trahison soit maîtrisée par une Parole responsable.
Pour la société occidentale il faudrait un miracle : qu’une jeune génération tourne la page, et qu’elle soit capable de s’affranchir de son aliénation en inventant une économie fraternelle.
C’est là que nous en sommes !
Montarnaud, le 1er février 2019
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