Je reprenais hier, non pas dans un billet, mais dans un commentaire à mon propre billet, les propos d’un certain Steve Hall, spécialiste de la Russie pendant trente ans à la CIA, propos cités dans un article du Washington Post intitulé « Trump advisers lied over and over again, Mueller says. The question is, why? », de la plume de Rosalind S. Helderman, Josh Dawsey et Matt Zapotosky.
Ce M. Steve Hall disait ceci :
« Nous devons porter le regard au-delà de la question de savoir qui a eu une contravention pour stationnement interdit ou même écopé de quelques années de prison. Qu’en est-il de la vue d’ensemble ? Il s’agissait de la Russie, attaquant les États-Unis. »
Ce que disait ce Steve Hall était une réponse indirecte à la remarque faite le 25 janvier par Rudy Giuliani, avocat et porte-parole de Trump sur toutes les questions juridiques le touchant personnellement : « Another false-statement case? God almighty » : « Encore un cas de déclaration mensongère ? Dieu tout-puissant ! ». Des mots qui rejoignaient le refrain de Trump lui-même depuis la mise en place de la commission Mueller : « PAS DE COLLUSION ! »
« PAS DE COLLUSION ! » en effet, au point qu’il devrait devenir particulièrement inquiétant pour Trump, ses collaborateurs et ses proches qu’il y ait désormais 34 inculpations dans cette affaire sans que la moindre preuve de collusion ait été apportée. Car s’il n’y a pas collusion, c’est qu’il y a autre chose justifiant la mobilisation d’une aussi lourde artillerie. Autre chose justifiant 34 inculpations. Et le nombre n’est probablement pas arrêté.
Dans la note à laquelle je faisais allusion plus haut, je proposais une hypothèse expliquant pourquoi l’acte d’inculpation de Stone semblait mettre l’accent sur un fait apparemment mineur : que, contrairement à ce que Stone déclare devant le HPSCI (House Permanent Select Committee on Intelligence = Commission permanente du Congrès sur les questions de renseignement), la personne qui lui laisse entendre qu’Assange a des révélations fumantes à faire sur Hillary Clinton n’est pas le journaliste-chansonnier Randy Credico mais le commentateur conspirationniste Jerome Corsi.
Quelle importance en effet que ce soit l’un ou l’autre ? À moins qu’il soit impératif précisément que Stone n’ait pas l’air d’apprendre la nouvelle de Jerome Corsi. C’est en tout cas ce que la commission Mueller a l’air de juger. Laquelle a jugé aussi qu’une arrestation musclée de Stone aux aurores se justifiait « en raison d’un risque de fuite à l’étranger ». « Fuite à l’étranger » ? Pour, comme le dit Giuliani : « Une déclaration mensongère de plus » ? Et dans ce cas, vers où ?
Et c’est ici, bien sûr, que les pointillés commencent à connecter.
Sans approfondir pour l’instant, j’offre ici une courte liste d’« amendes pour stationnement interdit », en plus de celle déjà mentionnée : Stone inculpé pour avoir attribué à Randy Credico des propos tenus par Jerome Corsi, et arrêté dans des conditions inhabituelles justifiées par la possibilité d’une fuite à l’étranger.
- Pourquoi la commission Mueller n’a-t-elle jamais même jugé nécessaire d’interroger Roger Stone ? Est-ce parce qu’elle savait déjà sur lui tout ce qu’elle voulait savoir au moment où elle est instaurée le 17 mai 2017 ? (voir mon billet du 14 décembre dernier : Robert Mueller n’a jamais eu rien à apprendre).
- Pourquoi Paul Manafort a-t-il continué de mentir à la commission Mueller si l’on en croit celle-ci, malgré l’accord de coopération qu’il a passé avec le ministère de la Justice ? Et pourquoi la juge Amy Berman Jackson qui devra juger le 4 février de la validité de cette accusation a-t-elle déclaré « qu’elle savait que sa décision que la séance de la cour aurait lieu à huis-clos serait impopulaire mais que les procureurs devraient discuter de choses sensibles en rapport avec des investigations en cours et impliquant des individus non-inculpés [expression déjà utilisée à propos de Donald Trump dans le cas des versements visant à obtenir le silence de « Stormy Daniels » et de Karen McDougal], et qu’elle ne voyait pas comment ces sujets pourraient être évoqués publiquement devant la cour sans que des erreurs soient commises » (Washington Post, le 25 janvier) ?
- L’arrestation pour espionnage de Mariia Butina, une étudiante russe incolore et inodore dont le seul crime semblait être d’avoir infiltré la National Rifle Association (NRA), l’association des Américains porteurs d’armes individuelles, très proche du Parti républicain, jusqu’à ce que l’on découvre que c’est probablement elle qui a obtenu que Mitt Romney (qui avait déclaré la Russie « adversaire géopolitique N°1 des États-Unis ») ne soit pas nommé par Trump Secretary of State, c’est-à-dire ministre des Affaires étrangères, mais plutôt Rex Tillerson, ancien directeur d’Exxon et dont il est dit qu’il est le citoyen américain ayant passé le plus de temps avec Poutine à part Henry Kissinger. Butina a obtenu cela en suivant les instructions d’Alexandre Torshin, ancien sénateur et numéro 2 de la banque centrale russe, mais de qui l’a-t-elle obtenu ? S’agit-il d’un fameux « non-inculpé » ?
- Lorsqu’il est écrit dans l’acte d’inculpation de Roger Stone qu’« Après la publication par [WikiLeaks] le 22 juillet 2016 d’e-mails volés au Comité de campagne du Parti démocrate, un haut responsable de la Campagne de Trump reçut la directive [« was directed »] de contacter Stone à propos d’autres publications et toute autre information dommageable dont [WikiLeaks] disposait touchant le Campagne de Clinton », de qui ce haut responsable avait-il reçu cette directive ? S’agit-il là aussi d’un fameux « non-inculpé » ?
Je vous tiens informés.
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…