Rubikon, Compte-rendu de Der Letzte macht das Licht aus, par Felix Feistel

le dernier qui s'en va...

Avant l’extinction

Samedi 26 janvier 2019, à 11 heures.

L’homme est-il capable de prévenir sa propre chute ?

Felix Feistel, RUBIKON

« Jusqu’à présent, l’homme a agi comme un lemming. Il peuple la terre sans trop s’en soucier. » C’est ainsi que l’anthropologue et chroniqueur économique belge Paul Jorion le voit dans son essai « Le dernier qui s’en va éteint la lumière ». Il s’interroge en cela sur la question de savoir si l’homme est préparé à empêcher sa propre extinction.

En ce début de XXIe siècle, l’homme est surpris d’être confronté à sa propre chute. Paul Jorion est certain que l’espèce humaine se trouve au bord d’un abîme sombre qui menace de l’engloutir bientôt. Il compare les catastrophes auxquelles l’humanité est confrontée à un soliton, un paquet de plusieurs vagues, semblable à un tsunami se jetant sur la côte. Selon Jorion, ce soliton a trois composantes : le réchauffement climatique, une crise de la complexité de la société actuelle et l’instabilité du système financier et économique.

La cause en est le mode de vie colonisateur de l’humanité, qui se sert de la nature, quels que soient les dommages qu’elle cause. Selon l’auteur, cela s’est bien passé tant qu’il y avait encore des zones à coloniser. Mais c’est maintenant terminé et les bouleversements écologiques se font sentir.

Les « solutions » envisagées ne sont cependant pas adaptées à la résolution de la multitude des problèmes. L’homme s’est habitué à confier toutes décisions à la « main invisible » du marché. C’est pourquoi il lutte contre les catastrophes émergentes avec les méthodes du marché. La protection de l’environnement n’est donc abordée que si elle est « profitable », non pas pour le grand public, mais pour les individus dont l’objectif inconditionnel est de maximiser les profits.

La politique ne dispose pas non plus d’un levier plus efficace. Le système actuel tient compte de la vie des gens que sur un mode quantitatif, c’est-à-dire sous forme de chiffres et de données calculables, comme par exemple l’argent, mais pas de manière qualitative. Cette façon de voir les choses est aussi depuis longtemps celle du monde politique. Lequel n’utilise que des méthodes quantitatives et donc les méthodes du « marché » pour tenter de faire face à la catastrophe écologique. Ainsi, toutes les solutions sont forcées dans le moule d’une logique de maximisation du profit propre au système dominant.

En fait, l’opinion de la majorité de la population compte pour rien et ne se reflète pas du coup dans les décisions politiques. Sauf si cela devait coïncider avec l’opinion des élites.

C’est une élite économique qui donne le ton, du moins aux Etats-Unis, selon Jorion, qui renvoie à une étude de deux scientifiques américains. Cependant, il ajoute que les choses ne sont guère différentes en Europe.

Les dirigeants, cependant, ne s’intéressent pas au bien commun, mais seulement à leur maintien au pouvoir. Ils favorisent ainsi les opinions qui coïncident avec les leurs. Il n’est donc pas surprenant que les élites américaines rangent parmi les bons citoyens ceux que l’on appelle les « climato-sceptiques », tandis que ceux qui croient au changement climatique sont comptés comme extrémistes. Les premiers reflètent les vues de la Chambre de commerce américaine.

Jorion souligne que la seule « solution » que la civilisation humaine a toujours à portée de main quand il s’agit de résoudre des problèmes complexes est la guerre. Celle-ci est cependant impuissante à empêcher le réchauffement climatique. Quoi qu’on fasse, l’humanité est mise sur la touche. Elle continue de poser des questions futiles dans un cadre caduc, sans sortir du cadre même qui l’a mise dans cette situation difficile. Jorion voit le seul espoir dans du radicalement neuf. Mais pour y parvenir, il est indispensable de briser la « machine à concentrer la richesse » au cœur aujourd’hui de notre société.

Aux crochets de nos descendants.

C’est un truisme que nous vivons aujourd’hui aux crochets de nos descendants. M. Jorion estime que cela se trouve déjà ancré dans les fondements du système financier chez qui les dettes sont toujours transmises à la génération suivante. La situation est similaire pour l’écologie. L’homme essaie de tirer le maximum de profit de la planète à court terme et abandonne les dégâts causés à ses descendants. C’est donc la pensée court-termiste qui détermine comment fonctionne la société. Elle est également profondément ancrée dans la comptabilité des entreprises, elle est inhérente au pillage des firmes par les membres de leur conseil d’administration et leurs actionnaires, qui sont donc totalement indifférents au sort de ces sociétés elles-mêmes.

La croissance est indispensable dans le système capitaliste. Elle ne sert toutefois qu’à verser aux institutions financières des intérêts qui ne cessent d’augmenter. Elles génèrent ainsi des chiffres d’affaires massifs, même si leur part du PIB est négligeable.

Dans un tel système économique, les soi-disant « sciences économiques » ne sont pas des sciences, mais plutôt un programme politique qui s’impose sous couvert d’objectivité et de neutralité politique.

Dans tous les cas de figure, les prétendues contraintes factuelles sont présentées comme un naturel auquel on ne peut s’opposer. En conséquence, les décisions ne sont pas laissées aux hommes et femmes politiques, mais aux soi-disant « experts ». C’est ainsi que l’économie a pris le contrôle depuis longtemps déjà de l’État.

Insuffisances humaines

Mais Jorion ne se limite pas à une analyse du système économique en tant que tel, mais s’intéresse aussi aux capacités humaines. Il en arrive ainsi à la conclusion que l’homme lui-même est également dominé par la pensée à court terme : seul son désir de reproduction détermine ses actions. Le temps que l’homme passe sur terre n’est que court, et il ne peut donc pas saisir ce qui se trouve dans l’avenir, et n’a qu’une image floue du passé, mais ne s’en s’inquiète pas outre mesure non plus.

L’auteur décrit également le libre-arbitre et la conscience comme de pures illusions. En vérité, c’est seulement le corps qui prend les décisions. La conscience n’intervient qu’avec un certain retard pour rationaliser les actions entreprises et les stocker dans la mémoire, afin de les réactiver si nécessaire à l’avenir dans des cas similaires. Cependant, cette mémoire fait défaut pour de nouveaux types de catastrophe comme celle du réchauffement climatique, si bien qu’il est alors impossible pour l’homme de réactiver sa mémoire. L’homme fait ainsi face à cette catastrophe sans déboucher sur aucun plan.

La pulsion de la vie humaine est l’instinct de conservation, à la fois en au titre de l’individu et de l’espèce. Mais l’un peut contredire l’autre. Un projet humain est perçu par l’individu comme une tension qui se dissout lorsque le but est atteint et laisse place à une agréable détente. Toutefois, cela est sans objet dans le cas de la conservation de l’espèce.

Le véritable mal

L’homme ne peut pas croire qu’il va mourir. C’est pourquoi, depuis des milliers d’années, il a déplacé la « vraie vie » vers l’au-delà et oublié de préserver le monde d’ici-bas. C’est ainsi que la mentalité « après moi le déluge » a pu se graver dans la conscience de l’homme. En même temps, cependant, aucun homme n’accepterait la vie qu’il mène si la rédemption de la mort ne l’attende à la fin. Il s’est donc installé sur cette terre et passe le temps jusqu’à sa mort, après quoi il espère vivre la « vraie vie ».

Mais Jorion ne voit pas le mal dans la religion elle-même. Celle-ci apporte toujours avec elle une certaine éthique, mais aussi hélas la conviction que « Dieu » est avec « nous », ce qui conduit à l’exclusion de « l’autre ».

Jorion voit le véritable mal dans l’ultralibéralisme. Lequel est la philosophie spontanée du marchand, qui ne doit pas avoir le bien commun en tête, mais seulement le sien. La seule priorité de ce marchand est d’accroître sa richesse, une philosophie qui s’est maintenant répandue dans tous les domaines de la vie humaine.

Le seul salut pour l’auteur est une nouvelle religion. Cependant, celle-ci ne doit pas être institutionnalisée et doit être athée. Son credo est que la survie de l’espèce humaine doit être assurée à tout prix. Les raisons de ce credo, cependant, doivent cependant rester obscures, formant ainsi le mythe fondateur de chaque religion.

Pouvons-nous sauver l’espèce ?

Mais même si nous voulions sauver l’espèce, cela nous serait impossible. Les groupes d’intérêts qui influencent la politique ne représentent toujours qu’un intérêt particulier, c’est pourquoi les autres intérêts restent en même temps masqués. Or, à l’heure actuelle, le groupe d’intérêt qui donne le ton est la minorité qui s’identifie au monde des affaires. Son intérêt va toutefois à l’encontre de celui de la majorité. L’abîme se creuse devant l’humanité, et si nous continuons dans la même voie, la chute est certaine.

Jorion en vient donc à la conclusion que l’homme n’a pas le potentiel de se sauver lui-même. Puisqu’un changement n’a lieu que s’il est « profitable ». C’est ainsi que les élites empêchent le changement nécessaire.

Mais Jorion offre la possibilité de considérer l’extinction de l’espèce humaine comme un progrès. Peut-être n’avait-elle pour tâche que de mettre au point la machine qui peuplera la planète en tant que sa forme d’intelligence future. Il y voit la réalisation de « l’esprit du monde » de Hegel, mais on pourrait aussi l’appeler la poursuite de l’évolution.

Il croit aussi que le moment est venu d’entamer le deuil de l’espèce humaine. C’est là, conclut-il, une aventure qui aura marqué l’histoire de l’univers. Après tout, il y a tant de planètes « sur lesquelles rien d’intéressant ne se passe vraiment. »

Dans son essai, Jorion présente un inventaire sobre de l’état dans lequel se trouve l’espèce humaine. Il ne le fait pas pour convaincre les hommes et femmes politiques, mais simplement pour « jouer cartes sur table ». Ce faisant, il nous donne l’occasion de prendre conscience de notre situation, de la comprendre et de la gérer. Il renvoie à de nombreuses sources scientifiques.

Il faut dire cependant qu’il renvoie souvent à ses propres œuvres. Le tableau qu’il présente n’est donc pas tout à fait objectif. De plus, Jorion s’écarte souvent de son thème principal, ouvre de nombreuses avenues, qui ne se rejoignent pas toutes à la fin et dont le sens ne se referme pas nécessairement rétrospectivement. L’essai a ainsi des longueurs. Sa conclusion est cependant que l’homme ne peut plus être sauvé, et que peut-être sa tâche n’était que la mise au point de la machine, ce qui conduit dangereusement à un fatalisme. Lequel nous invite à accepter ce destin, probablement bouclé, et à trouver refuge dans la passivité.

Dans l’ensemble, cependant, Jorion présente un bon aperçu de l’extinction imminente de l’espèce humaine, illustrant l’urgence des problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Traduit avec l’aide de www.DeepL.com/Translator

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