Le Parti démocrate… la gueule de bois une fois dissipée

Au soir du 6 novembre, les Démocrates ont commencé par minimiser l’amplitude de leur victoire aux midterms, les élections à mi-mandat présidentiel, ceci en raison de leur échec à emporter la majorité au Sénat comme ce fut au contraire le cas au Congrès. Furent observés chez eux les effets de la décompensation, cet état dépressif dans lequel chacun tombe après avoir consenti un effort considérable.

Un raz-de-marée électoral était quasi impossible pour diverses raisons que j’ai eu l’occasion de mentionner mais dont la principale est la concentration des électeurs de gauche dans les zones urbaines sous-représentées au Congrès comme au Sénat américains, le système de représentation n’ayant pas suivi la tendance à l’urbanisation des États-Unis au fil des siècles.

Les chiffres des opinions émises à la sortie des isoloirs signalent l’ampleur du glissement de l’opinion de la droite vers la gauche aux États-Unis, même compte tenu du fait qu’une partie de la gauche américaine a pu croire aux présidentielles de 2016 que le discours anti-système de Trump – un réel proto-fascisme – exprimait un soutien sincère à la classe ouvrière.

Voici quelques chiffres tout particulièrement parlants : rejet de la politique de Trump – 54% / 45%. Opinion défavorable du Parti républicain – 52% / 44%. Souhait d’un contrôle plus strict de la détention d’armes – 59% / 37% (un glissement historique particulièrement notable). Soutien au droit à l’avortement – 66% / 25%. Souhait d’une représentation politique accrue des minorités – 72% / 24%. Souhait d’une représentation politique accrue des femmes – 78% / 20%. Juge que le harcèlement sexuel constitue une question de société majeure – 84% / 14%. On peut lire dans ces chiffres un basculement à gauche de l’opinion américaine tout à fait inédit.

Encouragés par des décomptes tardifs de votes par correspondance qui leur sont généralement favorables, et par des recomptes de votes dans des cas très tangents allant eux aussi dans leur sens, les Démocrates se préparent à lancer en janvier une vaste campagne d’enquêtes sur les dérives de la présidence Trump au cours des deux premières années de son mandat.

Ainsi, en marge des investigations de la commission Mueller sur une collusion éventuelle de l’équipe Trump avec la Russie, des enquêtes sur le même thème seront lancées en cas d’obstruction des travaux de la commission par le président. Sera aussi examinée l’hypothèse que la servilité manifestée par Trump envers Poutine soit le résultat d’un chantage financier exercé sur lui en raison d’une compromission d’ordre sexuel lors de l’un de ses séjours en Tchécoslovaquie et en Russie, ou due au blanchiment d’argent sale russe. Sera encore examinée l’hypothèse que Trump ait été directement financé par des puissances étrangères, les noms de l’Arabie saoudite et du Qatar ayant été évoqués dans ce cadre par des journalistes d’investigation.

Les Démocrates vont également tenter d’obtenir la publication des déclarations d’impôt de Trump qu’il est parvenu à dissimuler jusqu’ici – configuration tout à fait inédite dans le cas d’un Président. Ils enquêteront aussi sur plusieurs occasions où Trump semble avoir abusé de ses pouvoirs présidentiels en vue de régler des comptes avec des compagnie dont les dirigeants l’indisposent. Trump a ainsi cherché à bloquer l’achat de la compagnie Time Warner par AT&T, apparemment en représailles envers la chaîne CNN, membre du groupe Time Warner et tête de Turc du Président, il a également organisé une réunion secrète avec le chef de la Poste où il a encouragé celui-ci à pénaliser la compagnie Amazon, grande utilisatrice de services postaux, parce que Jeffrey Bezos, président de cette firme, est le principal investisseur du Washington Post, une autre tête de Turc de Trump.

Chaque jour qui passe permet ainsi au Parti démocrate de prendre davantage conscience de l’ampleur de sa victoire. Le fait que des candidats – d’ailleurs le plus souvent des candidates – authentiquement de gauche l’aient emporté aux midterms donne bien entendu la migraine aux dirigeants « historiques » du parti, bien davantage centristes, comme Hillary Clinton, la candidate malheureuse à la présidentielle, ou Nancy Pelosi, la très modérée cheffe de file du Parti démocrate au Congrès.

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