Retranscription de Élections US : quelles conséquences ?, le 7 novembre 2018. Merci aux retranscripteurs ! Ouvert aux commentaires.
Bonjour, nous sommes le mercredi 7 novembre 2018, et comme vous le pensez bien, je vais vous parler des élections qui ont eu lieu hier aux États-Unis, les élections de midterm, c’est-à-dire à mi-mandat pour le président des États-Unis, M. Donald Trump.
Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Les Démocrates l’ont emporté à la Chambre des députés – au Congrès. Ils ont gagné 27 sièges, ce qui leur donne une majorité désormais de 220 par rapport à 193 pour les Républicains. Les Démocrates ont perdu deux sièges au Sénat et ils sont désormais en minorité par rapport aux Républicains, ce qui était déjà le cas, mais l’écart s’est creusé puisqu’ils ont 45 sièges contre 51 pour les Républicains. Et les Démocrates ont gagné sept sièges de gouverneur mais ils sont toujours dans la minorité, si vous voulez, puisqu’ils ont 22 postes de gouverneur contre 25 pour les Républicains.
Alors, tous les journaux, américains, français et autres, se posent la question : « Que vont faire les Démocrates avec leur majorité au Congrès mais leur position déficitaire au Sénat ? » Et si vous avez suivi mes petites vidéos et mes petits rapports sur la situation aux États-Unis, vous savez qu’on ne peut pas savoir la réponse, on ne peut avoir une idée de ce qui va se passer maintenant, parce que tout dépend de tout à fait autre chose, et vous savez ce que c’est : tout dépend de la commission de M. Mueller.
Alors, pourquoi est-ce qu’on n’a pas entendu parler de M. Mueller depuis la fin de l’été ? Eh bien, parce que M. Mueller, à la tête de sa commission pour savoir quel est le rôle exact de la Russie dans ses ingérences dans la politiques américaine, M. Mueller a respecté un usage qui est de ne pas donner de publicité pour des enquêtes de ce type en période électorale. Et par conséquent, pendant les mois qui se sont écoulés – septembre, octobre et quelques jours en novembre – M. Mueller n’a plus rien dit. Mais ceci dit, nous savons par ailleurs qu’il a en sa possession tous les documents de l’avocat personnel de M. Trump, il a tous les documents du comptable de M. Trump sur ses affaires, il a aussi, de son côté désormais, prêtes à témoigner, les personnes qui ont étouffé les affaires autour de M. Trump dans la presse de caniveau : dans le National Enquirer, et il a aussi de son côté un ensemble d’autres personnes dont M. Paul Manafort, qui est prêt à témoigner sur les ingérences russes dans la politique américaine. Par conséquent, on ne peut rien dire de ce qui va se passer si l’on ne voit pas d’abord les prochains mouvements, les prochains gestes qui seront posés par M. Mueller, qui est peut-être prêt à déposer ses conclusions.
Alors, pour qu’il y ait impeachment, vous le savez, c’est-à-dire destitution du président, il faut qu’il y ait des majorités qui se dégagent à la Chambre et au Sénat, et en particulier une majorité des deux tiers au Sénat. Mais tout va dépendre, vous l’imaginez bien, de la gravité ou non des accusations qui seront faites à l’égard de M. Trump. Alors, tout se présente bien pour les Démocrates puisque ce sont eux qui recevront, à la Chambre par priorité, le rapport, et qui pourront prendre l’initiative des choses à faire. Mais tout dépendra, aux yeux de l’opinion publique, de la gravité des faits qui sont reprochés à M. Trump.
Alors, vous le savez, M. Trump prépare le terrain depuis deux ans, durant la première moitié de son mandat, en parlant de fake news, de choses qui ne sont pas vraies, que la presse ne dit que des mensonges, que M. Mueller dira sans doute des mensonges, etc. Il l’a répété à longueur de journée. Il a bien compris la stratégie d’autres dictateurs avant lui – de MM. Mussolini, Hitler et compagnie – qu’il s’agit de répéter à l’infini des choses qui sont fausses, qu’on finira par introduire la confusion, et qu’au moment ou M. Mueller, en particulier, remettra les conclusions de sa commission, M. Trump pourra dire vis-à-vis de ses supporters : « Je vous l’avais bien dit que c’étaient des fadaises, que tout cela ne tient pas [la route]. Et regardez d’ailleurs ce que disent le New York Times, le Washington Post et l’ensemble des journaux : ils répètent que M. Mueller a sans doute raison, mais je vous l’avais prédit d’avance. » Et à ce moment-là, il se tournera bien entendu vers ses supporters, et là, de ce point de vue-là, il est important que, manifestement, il y a eu une rébellion au moins partielle dans la population, et qu’on a vu apparaître du côté Démocrate, et ça c’est une nouveauté, des candidats qui se situent carrément à gauche. Le Parti démocrate dans l’ensemble, vous le savez, est plutôt à gauche par rapport au Parti républicain, mais sont apparus lors de ces élections-ci des représentants de minorités, en général des femmes avec des positions, qui s’affirmaient parfois même socialistes, ce qui, aux États-Unis, est un mot extrêmement violent par rapport au contexte général.
Alors, on a donc, du côté des Démocrates, des gens qui sont carrément plus à gauche. Ce sont ces gens-là qui recevront les conclusions de M. Mueller, qui travaille donc depuis pas mal de mois et qui, comme je vous l’ai dit, a accès à des documents qui sont d’une telle nature : comptabilité totale, toutes les discussions entre M. Michael Cohen et M. Trump – M. Michael Cohen qui s’est affiché maintenant, de manière systématique, avec des gens de gauche pour montrer où il se situe au sein de l’opinion désormais. Qu’est-ce que M. Mueller a trouvé là-dedans ? Qu’est-ce qu’il a entendu dire de M. Manafort, qui est quelqu’un qui a défendu les intérêts russes depuis très longtemps, en particulier en Ukraine, et qui pourrait être l’intermédiaire privilégié d’une collusion véritable entre la Russie et les États-Unis ?
Alors, que vont faire les Démocrates ? On ne peut absolument rien en dire jusqu’à ce que M. Mueller dépose les conclusions de sa commission, et c’est à partir de là que l’on pourra voir ce qui se passera, et comment l’opinion publique se comportera au cas où les accusations sont extrêmement graves. Je vous avais signalé au fil des mois, de ce qu’on a pu voir, de la manière dont M. Mueller se comportait, qu’il essayait d’étayer tout ce qu’il faisait avec une immense précision, en essayant manifestement de déstabiliser des gens qui seraient systématiquement aux côtés de M. Trump, et en particulier les parlementaires qui l’ont soutenu de manière inconditionnelle, en parlant comme lui de « chasse aux sorcières » de manière systématique. Mais, devant des rapports extrêmement étayés, devant des personnes comme le comptable, comme l’avocat, qui devront déposer devant des jurys, éventuellement dans de véritables procès, comment se comportera l’opinion ?
On avait vu, [qui] a servi de test, le cas de M. Manafort, où on avait vu en particulier une femme appartenant au jury et qui se présentait comme une supporter radicale de Trump, qui avait jugé cependant que M. Manafort était coupable, c’est-à-dire que M. Mueller a mis en place un système où il est très difficile, même pour des supporters inconditionnels de M. Trump, de réfuter les arguments qui sont présentés, et en particulier toutes les preuves qui, dans un cadre juridique de type traditionnel, peuvent être apportées à la barre et qui convainquent quand même un jury, même acquis de manière générale aux positions de M. Trump, qui obligent ce jury à ne pas pouvoir réfuter des faits irréfutables, la notion de vérité revenant à l’avant-plan dans le cas de procès et où il n’est plus question de fake news ou que les faits sont relatifs ou qu’on peut dire ce que l’on veut. Contrairement à ce que prétend M. Trump, les représentants d’un jury populaire doivent s’en tenir aux faits, et comme vous le savez, on compte sur la pression qui sera exercée des uns contre les autres pour arriver à une opinion unanime, où seront éliminés les opinions minoritaires de gens qui nieraient qu’il existe encore une vérité, qu’on est dans un monde de la post-vérité, etc.
Alors, que va-t-il se passer ? On ne peut rien en dire jusqu’à ce que dans les jours suivants, M. Mueller sorte les lapins de son chapeau et nous dise exactement ce qu’il a pu trouver.
Voilà, allez, à bientôt.
Laisser un commentaire