Retranscription de Taylor Swift ou « J’ai fait un rêve…. », le 21 octobre 2018. Merci à XYZ !
Bonjour, nous sommes le dimanche 21 octobre 2018, et aujourd’hui ma petite causerie s’intitulera Taylor Swift ou « J’ai fait un rêve…. ».
Vous le savez, M. Martin Luther King avait fait un rêve, et dans ce rêve, il rêvait la fin de la ségrégation aux États-Unis, l’égalité entre les gens d’origine africaine et les autres personnes qui se trouvent aux États-Unis, les colons qui sont d’une autre origine.
Moi j’ai fait un rêve. C’est un rêve ce matin, au moment de me réveiller puisque mon rêve s’achève par moi émergeant du sommeil, et puis regardant ma montre, et il est 7h40.
Le rêve, c’est le suivant : je suis dans une très grande salle, un grand amphithéâtre – le genre de salle où on peut mettre un millier de personnes – et je fais partie du public. Et il y a des gens sur l’estrade qui sont en train de parler. Et il y a salle comble. Et il y a une dame qui se trouve là, vers les premiers rangs, qui me montre de m’approcher. Je m’approche d’elle et elle m’indique de la suivre dans les coulisses. Et dans les coulisses, elle me tend un micro – un micro portable, dans lequel on peut parler en se promenant – et elle me montre d’aller me mettre sur la scène. Et au moment où j’arrive sur le podium où il y a un certain nombre de gens en train de parler, et si j’ai bon souvenir, ils sont en train de dire « la collecte a rapporté ceci, cela… » – ce sont des petits messieurs qui ressemblent fort, je dirais, à des bureaucrates, à des ronds-de-cuir, et qui nous disent des choses, je dirais, de politique très très traditionnelle – et au moment où j’arrive sur le podium avec mon micro, je me rends compte que mon intervention n’est pas prévue : c’est une initiative de cette dame, et peut-être d’autres personnes, de me faire venir sur le podium, et de prendre la parole. Et je comprends, et je comprends ce qui est en train de se passer, et je me dis « Ouhlala ! Mais je n’ai rien préparé ! Je ne sais pas du tout de quoi je vais parler ! »
Et j’interromps ces petits messieurs, et je commence à parler, et je sais qu’une des premières choses que je dis, c’est qu’il est temps de se tourner vers ce mouvement qui est lancé dans le monde anglo-saxon, qui s’appelle Extinction Rebellion – ce qui peut se traduire par « la rébellion de l’extinction » – dont je ne sais pas grand-chose parce que j’ai juste vu une page, recommandée par M. George Monbiot – qui est un éditorialiste du Guardian – et dans ce message, Monbiot nous disait qu’il ne fallait plus rien attendre de la politique politicienne – de droite ou de gauche – le même message, d’ailleurs, que M. Michael Moore dans son nouveau film, qui dit : « Si on ne peut rien attendre des Républicains aux États-Unis, on ne peut pas attendre grand chose non plus des Démocrates. Il faut faire les choses autrement. »
Et donc, je suis là, sur ce podium et je prends la parole en me disant « Qu’est-ce que je vais dire, de quoi je vais parler ? » Et je me rends compte que, petit à petit, je prends de l’assurance. Je parle de ce mouvement de rébellion contre l’extinction : je dis qu’il ne faut plus faire de la politique comme avant, que tout ça, voilà, comment dire ?qu’à la fois ceux qui sont dénoncés comme « Tous pourris ! » et ceux qui dénoncent comme « Tous pourris ! », finalement, ils font encore exactement le même jeu, et essaient de nous entraîner dans le même type de problématique, et que ce n’est pas ça qu’il faut faire. Il faut faire autre chose.
Et donc, je prends de l’assurance, mais je ne sais pas, je ne peux pas vous dire ce que j’ai dit parce que très rapidement j’émerge de mon sommeil et mon rêve est terminé. Je sais simplement que j’ai compris. J’ai compris de quoi il s’agissait. Je cherche un peu mes mots parce que je parle en anglais et je me dis « Comment est-ce qu’on dit un mouvement qui émerge de la base ? » et puis ça me revient tout de suite, heureusement, a grassroots movement. Les mots me viennent et j’ai le sentiment au moment où je me réveille que, voilà, que mon discours est bien parti et que je sais ce que je vais dire que c’est le même message finalement que M. George Monbiot l’autre jour, dans son message Extinction Rebellion qui correspond à des choses que j’avais déjà dites ailleurs, quand j’avais réfléchi à quel endroit faire de la politique : est-ce que c’est au niveau des Européennes, ou est-ce que c’est ailleurs ? Est-ce que c’est tout à fait encore en prenant ses distances à ça ? Est-ce que c’est du côté, je dirais, des Greenpeace et des mouvements de ce type-là qu’il faut maintenant faire des choses ?
Alors, Taylor Swift. Pourquoi Taylor Swift ?
Taylor Swift, j’ai promis depuis un certain temps de parler de ce qu’elle a fait. C’est donc une chanteuse de chansons populaires extrêmement populaire, qui a vendu des millions d’albums – je regardais sur son compte Twitter : elle a 112 millions de followers, ce qui est quand même pas mal – et c’est une personne dont on a parlé beaucoup pour dire qu’elle ne disait rien, au cours des années, en particulier depuis l’élection de M. Trump, on a dit : « C’est, curieusement, quelqu’un dans le monde du spectacle qui ne prend pas position contre le racisme, le proto-fascisme de M. Trum »,p et ainsi de suite. Et les réflexions à ce sujet était toujours du même type : elle sait qu’elle a une base énorme, et elle ne veut pas se l’aliéner; elle ne veut pas s’aliéner sa base en disant ceci ou cela, et la référence qui est toujours faite dans ces analyses, c’est par rapport aux Dixie Chicks. Dixie, vous le savez, c’est le surnom des états du sud aux États-Unis [Dixieland], et il y avait un groupe, un groupe extrêmement populaire, qui faisait dans le style Country & Western, assez rythmé. Extrêmement populaires ! Et au moment où Bush a déclaré que les États-Unis allaient envahir l’Irak avec une coalition – où se trouvait le Royaume-Uni également – elles ont dit : « Non, pas en mon nom ! ».
Ce groupe a très courageusement dit « Non », et ça a été la catastrophe pour elles : ça a cassé leur carrière, elles se sont fait boycotter, insulter, menacer de mort et ainsi de suite, et ça a été la fin de l’histoire. Et donc, quand on parlait de Taylor Swift jusqu’ici, on faisait référence aux Dixie Chicks en disant : « Elle veut éviter cela ».
Qu’est-ce qui s’est passé ? C’est que – c’était le 9 octobre – elle a fait une déclaration sur Instagram, en disant : « Je ne peux pas me taire plus longtemps : il y a, dans notre état de Tennessee, il y a une dame qui se présente comme candidate républicaine, c’est une dame qui est contre les droits des homosexuels, qui justifie le fait de ne pas les servir quand ils se rendent quelque part, qui refuse certainement leur mariage, c’est une femme qui n’a pas voté pour le renouvellement de la loi sur la protection contre les violences conjugale, c’est une femme qui refuse de voter en faveur de l’égalité des hommes et des femmes du point de vue des salaires. Je ne peux pas me taire plus longtemps. Il faut que nous, tous, nous intervenions. Quand des enjeux de ce type-là apparaissent, il faut que nous nous engagions. » Et elle a recommandé en particulier, aux personnes qui se trouvaient non seulement dans l’état du Tennessee, mais aux États-Unis de manière générale, de s’inscrire sur les registres électoraux pour pouvoir voter le 6 novembre. Et, je ne sais plus exactement le chiffre, mais je crois que, dans la journée, 166.000 personnes [correct] se sont inscrites, soudain, sur les registres électoraux aux États-Unis, probablement comme conséquence de sa déclaration.,
Et alors là, jusqu’ici en tout cas, elle n’a pas souffert du syndrome Dixie Chicks. Elle a en particulier – chicks, c’est des poussins : « les poussins des états du sud aux États-Unis » – il n’y a pas eu de soulèvement de sa base. Au contraire, il y a eu beaucoup de félicitations. Elle l’a fait… et il se fait que ça s’est fait au bon moment. Ça ne veut pas dire qu’il n’y ait pas une mobilisation du côté républicain, ça ne veut pas dire qu’on ne va pas essayer de la salir, bien entendu, comme on essaye du côté Républicain aux États-Unis de salir la mémoire de M. Khashoggi, ce journaliste assassiné probablement au consulat d’Arabie Saoudite à [Istamboul].
On se trouve dans une situation inédite, c’est-à-dire que, un chanteur, en réalité une chanteuse, dont la base peut être considérée comme a priori plutôt à droite, plutôt pro-Républicaine, ne s’est pas révolté contre la chanteuse qui leur demande, en fait, de prendre des positions davantage à gauche, des positions qui se rapprochent davantage de ce que fait le parti Démocrate aux États-Unis. Elle recommande donc, dans l’État du Tennessee, de voter pour les candidats démocrates. Je crois qu’on va voir apparaître des choses de cet ordre-là. On va voir dans ce cas-là – c’est toujours dans un cadre, je dirais, Républicain / Démocrate parce qu’il s’agit d’élections – mais on voit des voix qui s’élèvent en disant : « C’est en dehors ! C’est en dehors de la politique traditionnelle, même la politique traditionnelle radicale ou qui s’affirme telle. C’est ailleurs qu’il faut faire les choses. C’est ailleurs que ça va se passer ! »
Dans l’article de Monbiot, il nous dit : « Ce ne sont pas les politiciens classiques d’un bord ou de l’autre qui sauveront l’humanité ! » C’est un peu le même message, en fait, que celui de Michael Moore. Il faut maintenant que des choses émergent de la base. Et ça ne veut pas dire « ni de droite, ni de gauche ». Des choses qui émergent de la base en-dehors de ces institutions qui se sont mises au service de la ploutocratie, de l’oligarchie, de ces démocraties qui ont dérivé vers le pouvoir des banques – au point que dans certains pays où il n’y a, justement, pas de vague populiste, ce soient les représentants de la banque à proprement parler qui dirigent le pays.
Il faut que autre chose apparaisse qui ne soit pas l’alternative » La Banque ou le ‘Tous pourris’ « . Je vois que M. Raphaël Glucksmann, en ce moment, est en train de lancer quelque chose de cet ordre-là. Il y a Paul Aries, autour de l’idée de la gratuité, qu’il faut saluer aussi. Ce sont, bien entendu, des tas de choses auxquelles je souscrirai, bien entendu, auxquelles j’apporterai mon soutien. Le moment est venu de faire les choses autrement. Et je vous recommande à ce propos, de voir – quand vous entendrez ma vidéo, ce sera sans doute, probablement, déjà passé sur France culture – ce débat qui a eu lieu entre MM. Fressoz et Castel et moi-même sur la question de la fin : de l’extinction de l’humanité. J’ai déjà souligné, avant même que ça passe puisque c’est en différé – que les points de vue défendus sont, en fait, extrêmement différents. L’un d’entre vous m’écrivait d’ailleurs : « Pourquoi faites-vous ça ? Vous dévoilez la fin, etc. ». J’aurais pu lui répondre « Mais écoutez monsieur, ce n’est pas un roman policier ! », mais ce que je lui ai dit c’est que « l’un d’entre nous » a dit hors antenne – quand l’enregistrement était terminé – que « l’un d’entre nous » avait gagné dans l’argumentation, avait emporté la décision, avait souligné, en particulier, une erreur fondamentale de raisonnement dans ce que disait « l’un d’entre nous ». Alors je vous laisse le choix, [ou plutôt] je vous laisse la possibilité de décider par vous-même en écoutant l’émission – ou le podcast ultérieurement – quelle est la meilleure argumentation à propos de l’extinction ? Il faut que nous nous rallions tous à cela, comme un mot d’ordre, cette dénomination Extinction Rebellion : rébellion contre l’extinction – ça peut être véritablement ce mouvement qui vient de la base et qui dit au monde politique traditionnel : « Écoutez, il faut que nous résolvions cette question , et malheureusement, il n’apparaît pas que vous puissiez aider. Vous apparaissez essentiellement comme des obstacles ! » Il y a une expression qui me viendrait : « Ni Untel, ni Un autre ! », mais je ne veux pas être trop polémique, donc je ne dirai pas cela, mais vous avez compris ce que je voulais dire. Il faut que ça marche. Il faut que nous ne soyons ni dans le deuil de notre espèce, ni les bras baissés. Il faut que nous nous donnions, comme un défi, comme le défi ultime, celui de maintenir à l’échelle cosmologique – je ne veux pas parler d’étoiles qui s’éteignent ou des choses comme ça – mais que nous maintenions le flambeau de cette espèce qui a, bon, qui a beaucoup de choses à sa décharge, qui n’est pas exemplaire – l’actualité le montre tous les jours – mais nous sommes quand même un miracle. Nous sommes un miracle de la vie, quand la vie apparaît. Nous sommes un miracle de cette vie qui n’a pas de principe particulier, qui n’a pas de cadre éthique a priori. C’est à nous de donner des cadres éthique aux choses ! Mais il faut le faire !
Là, je pense à cette autre émission que vous avez vue récemment, où je me trouvais à côté de quelqu’un qui représentait le monde de la banque et qui sortait ce slogan d’une stupidité confondante : « La finance n’est pas morale ou immorale, elle est amorale ». Eh bien, cher Monsieur, c’est encore pire. C’est encore pire, parce que ce qui fait tenir ensemble les sociétés humaines, qui nous permet d’être des animaux sociaux et de survivre sur notre planète, c’est le fait que nous sommes moraux (dans l’ensemble), que nous nous sommes donné un cadre qui nous permet de vivre ensemble, qui nous définit, cette générosité que nous avons très spontanément vis-à-vis des autres – parce que nous sommes comme eux. Et il est bon de combattre ceux qui nous diraient le contraire, comme de nous dire : « Il faut tolérer la finance parce qu’elle est amorale et que finalement, amorale, c’est pas grave du tout parce que c’est comme ça qu’elle est ». Eh bien non. Il faut que ça cesse d’être ça. Il faut que la finance cesse d’être amorale ou immorale – en réalité, c’est la même chose – il faut qu’elle se mette au service de l’humanité. On en a besoin : c’est le système sanguin, effectivement, de l’économie, et si nous voulons survivre, il faut qu’il y ait une économie. Il faut qu’elle soit autrement que celle qu’elle est, telle qu’elle est maintenant, mais il faut que ce soit là.
Alors voilà, je vais arrêter là-dessus. Vous avez compris mon message : « rébellion contre l’extinction ». Ça doit être notre mot d’ordre dans les semaines, les mois, les années qui viennent pour renverser la tendance. Ça ne va pas être facile, mais il faut le faire.
Voilà. Allez, à bientôt.
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