Aznavour et la fin des dinosaures, le 1er octobre 2018 – Retranscription

Retranscription de Aznavour et la fin des dinosaures, le 1er octobre 2018. Merci à Eric Muller !

Bonjour, nous sommes le 1er octobre 2018.

« Que vivons-nous ? Pourquoi vivons-nous ?
Quelle est la raison d’être ?
Tu es vivant aujourd’hui, tu seras mort demain
Et encore plus après-demain »

Vous avez reconnu quelques vers de la chanson de Charles Aznavour qui s’appelle Les deux guitares. C’est cette chanson que j’ai voulu mettre sur mon blog pour résumer cette personne, et aussi quelques très très belles scènes du film de Truffaut Tirer sur le pianiste.

Alors, pourquoi est-ce qu’une personne qui a tout compris (qui a résumé en quelques phrases ces choses-là), pourquoi est-ce que cette personne s’est encore amusée de tricher avec le fisc, de faire de l’évasion fiscale ? Pourquoi est-ce que cette personne a eu une telle pensée que d’avoir quarante millions de francs, c’était mieux que d’en avoir vingt millions ? C’est difficile à dire, mais c’est significatif.

Ça me fait penser au genre humain dans son ensemble, qui a des éclairs de lucidité, qui sait ce qui se passe, mais qui n’a pas pu s’empêcher d’inventer des fariboles invraisemblables pour essayer d’expliquer ce qui se passe autour de nous. Alors que, comprendre comment ça marche vraiment, que le physique, ce sont des corps qui s’entre-choquent, indifférents les uns aux autres, que la chimie, ce sont des corps qui s’attirent ou se repoussent, que le vivant, ce sont des corps qui anticipent le comportement d’autres corps, que c’est ça ! Et ce que je vous dis là, c’est pas du Heidegger, c’est du Hegel – si ça se trouve, c’est La philosophie de la Nature, de Hegel.

On a compris ce que Hegel a compris. On a compris que c’est comme ça que ça marche, et que nos tentatives, notre tentation de dire « c’est tellement beau qu’il y a sûrement quelqu’un qui a organisé tout ça; quelqu’un s’est arrangé de cette manière-là »… Laissons tomber cette histoire : c’est pas vrai. Il y aura peut-être des dieux, mais ces dieux, ils viendront plus tard, ils viendront, voilà, dans des millions d’années, si nous avons la sagesse d’essayer de continuer à vivre.

Mais de la manière dont c’est goupillé, de la manière dont c’est engagé sur les rails, vous le savez bien, c’est un bolide… Nous sommes un bolide fou, voilà, sur les rails, et à l’arrivée, nous ne serons pas beaucoup plus intelligents que les dinosaures. Il y aura bien eu, dans les wagons de ce bolide, de ce train fou, il y aura bien eu des gens aux fenêtres qui criaient, qui expliquaient ce qui se passait… Ça n’aura fait aucune différence.

Alors, ça ne veut pas dire qu’on ne pourrait pas y arriver, mais il faut s’y mettre tout de suite. Il y a un très beau papier de Cédric Chevalier, aujourd’hui sur le blog, que j’ai relayé : pourquoi sommes)nous aussi stupides que nous le sommes en ce moment ? Pourquoi est-ce que le fait de vouloir gagner de l’argent nous distrait absolument d’essayer de résoudre nos problèmes ?

Aznavour avait, d’une certaine manière, la réponse. Pourquoi a-t-il triché sur ses impôts alors qu’il avait tout compris – pour autant que les paroles soient de lui dans cette chanson [?] – c’est la question qui se pose à nous. Si nous voulons que nous ayons des arrière-petits-enfants et des enfants d’arrière-petits-enfants, si nous voulons que cette aventure se continue, et que nous ne détruisions pas l’entièreté du monde vivant autour de nous, il faut que les six paradigmes à changer soient changés très très rapidement.

Alors il y a des petits encouragements ici ou là : je ne suis plus le seul… à demander qu’il y ait de la gratuité. J’espère qu’un jour, je ne serais plus le seul à parler d’une « taxe robot », et j’espère qu’on continuera de dire que c’est une taxe Sismondi, parce que monsieur Sismondi nous a dit dans quelle direction il fallait aller pour sauver l’espèce devant des fourches dans le destin, comme les nôtres aujourd’hui.

Espérons. Espérons qu’il y aura… que nous arriverons à mettre en concordance, à réconcilier les grandes histoires que nous racontons avec ce que nous sommes en réalité : une manifestation du vivant extraordinaire, et non seulement ça – et j’attire toujours l’attention là-dessus – mais qui a su inventer les formes qui risquent de lui succéder – si nous n’arrivons pas à mener la barque dans la bonne direction – mais qui pourrait être, voilà, nos alliées, nos amies, des choses qui vont nous aider à pouvoir survivre devant les obstacles qui sont les nôtres, c’est-à-dire la fin de la capacité de charge de notre environnement, par rapport à une espèce comme la nôtre.

Alors, vous allez dire « Prions mes frères » mais non : il ne faut pas prier. Il faut, au contraire, se retrousser les manches. Retroussons-nous les manches tant qu’il est encore possible de le faire, et de changer, de pousser la barre dans la bonne direction.

Voilà ! Allez, à bientôt.

Partager :

Contact

Contactez Paul Jorion

Commentaires récents

  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

Articles récents

Catégories

Archives

Tags

Allemagne Aristote BCE Bourse Brexit capitalisme ChatGPT Chine Confinement Coronavirus Covid-19 dette dette publique Donald Trump Emmanuel Macron Espagne Etats-Unis Europe extinction du genre humain FMI France Grands Modèles de Langage Grèce intelligence artificielle interdiction des paris sur les fluctuations de prix Italie Japon Joe Biden John Maynard Keynes Karl Marx pandémie Portugal psychanalyse robotisation Royaume-Uni Russie réchauffement climatique Réfugiés spéculation Thomas Piketty Ukraine ultralibéralisme Vladimir Poutine zone euro « Le dernier qui s'en va éteint la lumière »

Meta