Retranscription de Europe, Etats-Unis : tout le monde rit !, le 27 septembre 2018. Merci à EM !
Bonjour. Nous sommes le jeudi 27 septembre 2018, et aujourd’hui ma petite causerie s’intitulera : « États-Unis – Europe : tout le monde rit ! »
Je vais commencer par vous rapporter un évènement de grande hilarité. Je vous l’ai déjà mentionné, vous avez dû voir ça dans vos journaux. Ça se passe, si j’ai bon souvenir, lundi dernier [non, mardi 25 septembre], devant l’assemblée des Nations Unies à New York. M. Trump, président des États-Unis, fait un discours où il manie avec enthousiasme l’auto-admiration comme d’habitude. Et il dit : « Pratiquement aucun autre gouvernement américain n’a obtenu autant de résultats que le mien en moins de deux ans. » Cela commence par une sorte de murmure [rires] dans la salle, et comme il est un peu interloqué, c’est un grand éclat de rire qui éclate parmi les représentants de toutes les nations rassemblées là. Et là, dans un geste qui lui est inhabituel, M. Trump sourit et dit : « Bon, je ne m’attendais pas à cette réaction-là ! » Cela, ça montre que M. Trump a changé, que M. Trump s’est réconcilié avec l’événement de sa disparition prochaine à la tête des États-Unis.
Il y a eu un tournant : c’était la saisie des documents de son avocat, M. Michael Cohen. Et à partir de ce moment-là, M. Trump, au lieu de continuer à se battre la poitrine comme il le faisait autrefois, s’est exercé à différents moments à l’auto-dérision, à l’humour noir à propos de lui-même.
Il sait ce qui va se passer : il est probablement davantage au courant que nous. Il sait si ce sera une accusation de haute trahison, s’il sera impeached avec le passage à une majorité démocrate au Sénat et au Congrès aux États-Unis en novembre. Il sait sans doute d’autres choses. Il sait que M. Mueller, ancien directeur du FBI, procureur spécial, a tous les dossiers sur l’argent sale recyclé dans les affaires de M. Trump, le fait qu’il soit compromis – déjà même depuis les années 80 – c’est-à-dire victime d’un chantage, à l’époque de l’Union soviétique, et plus récemment, de la Russie. Il doit savoir, lui, ce qui s’est passé. Et il doit savoir qu’à chaque fois qu’il a dit qu’il y avait une ligne rouge qui avait été dépassée : quand on commençait à s’intéresser à ses affaires, quand on commençait à s’intéresser à sa famille, et ainsi de suite, M. Trump sait que ses jours sont comptés. C’est ça qui lui donne cet humour de potence comme on dit en anglais, gallows humor, « humour noir » en français.
Alors aujourd’hui, c’est jeudi. Il y a aussi aux États-Unis deux événements importants. M. Rod Rosenstein, le numéro deux du ministère de la Justice, se rend dans une rencontre avec M. Trump où ils vont discuter des implications ou non du fait que la presse – le New York Times – a révélé que M. Rosenstein, à différentes époques, avait envisagé de mettre M. Trump sous écoute, c’est-à-dire que lui-même se barderait de fils, dans toutes les directions mais bien cachés, dans ses entretiens avec M. Trump, ou bien qu’on invoquerait le 25ème amendement de la Constitution, qui permet aux membres du gouvernement de M. Trump – de tout président – de le démettre de ses fonctions si ce cabinet décide, détermine qu’il n’est plus en état de gérer le pays. Je vous ai donné différentes interprétations de qu’est-ce que c’est que cela, pourquoi est-ce que le New York Times a essayé de descendre en flammes ce M. Rod Rosenstein qui avait l’air plutôt de défendre les valeurs de la République contre les errements et autres divagations de M. Trump. Je vous ai parlé de billard à trois bandes, et c’est l’opinion, effectivement maintenant en tout cas, du Parti républicain qui considère qu’il y a là un guet-apens, une embuscade, que les Démocrates allaient essayer de tenter M. Trump de démettre M. Rosenstein pour provoquer un scandale supplémentaire qui augmenterait encore la vague bleue, c’est-à-dire la vague Démocrate aux élections du 6 novembre, qui s’annonce déjà assez importante, pour essayer d’accentuer le mouvement.
Donc toute la presse Républicaine dit à M. Trump : « C’est un piège ! Surtout ! Surtout ne démettez pas M. Rosenstein de ses prérogatives de numéro deux du ministère de la Justice. » C’est-à-dire qu’en fait, l’opinion semble s’être ralliée à cette supposition que j’ai faite – enfin, elle ne s’est pas ralliée à ça, elle y est arrivée de son côté [rires] – que dans la liste des 26 suspects donnée par le Washington Post de cette, comment dire ? de cette rébellion, de cette jacquerie au sein du gouvernement américain, M. Rod Rosenstein ne se trouvant pas sur cette liste de 26, j’avais signalé qu’à mon avis, c’était le candidat. Pourquoi ? Parce qu’il avait déjà dit des choses semblables auparavant. Et donc maintenant, en tout cas, bien entendu, l’appareil Républicain soutient M. Rod Rosenstein, d’autant que dans sa déclaration de Robin des Bois masqué, il avait bien dit que M. Trump, d’une certaine manière, avait quand même déjà fait des choses très utiles pour le Parti républicain, comme la dérégulation financière et la baisse de taxation sur les grosses entreprises et sur les grosses fortunes. Donc c’est bien quelqu’un du côté du Parti républicain, ce Parti a raison de le soutenir, et surtout vis-à-vis d’un M. Trump complètement déboussolé, de lui dire : « Attention, casse-cou ! » [autre hypothèse : Rosenstein a orchestré lui-même les fuites en vue d’une sortie programmée au moment opportun, à savoir avant que le ciel ne tombe sur la tête de ce qui reste de la « Trump Administration »].
Du côté Républicain, on n’est pas à la fête non plus, parce qu’aujourd’hui, jeudi, va venir témoigner devant le Sénat Mme Christine Blasey Ford, cette dame qui s’est élevée en signalant que M. Kavanaugh, le candidat conservateur, même ultra-conservateur dit la presse américaine, qui pourrait être élu à la Cour suprême, que ce monsieur est un monsieur qui se conduisait très, très mal dans des beuveries en fin de lycée, début d’université, non seulement beuveries mais aussi partouzes, orgies, jeunes filles droguées et violées en bande, et ainsi de suite. Depuis que je vous en ai parlé sont apparues deux autres dames, une certaine Mme Ramirez et une autre dont j’oublie le nom [Julie Swetnick], qui donne des détails sur les comportements de M. Kavanaugh et de ses petits camarades à l’époque où ils avaient 16-17-18 ans. Oui, partouzes, viols et ainsi de suite. Il faut quand même signaler que certaines de ces jeunes filles, enfin de ces dames qui étaient des jeunes filles à l’époque, apparemment retournaient à des événements, y allaient une seconde ou une troisième fois, à des événements dont elles dénoncent maintenant la nature.
Qu’est-ce que ça nous montre ? Ça nous montre des élites américaines – et ça peut exister sans doute dans d’autres pays également – qui émergent petit à petit à l’âge de 18 ans, de beuveries, de comportements débridés, et ça leur retombe sur le coin de la figure le jour où ils se présentent à la [rires] Cour suprême, comme candidats à la Cour suprême. Alors, qu’est-ce que ça nous montre ? Tout ça nous montre un pays – j’allais dire gangrené, c’est peut-être un tout petit peu fort – où apparaît aussi, avec le procès de M. Manafort, que dans les milieux d’affaires, une grande partie de ces milieux d’affaires sont en fait soudoyés, payés en sous-main par des puissances étrangères, qu’il s’agisse d’émirats, d’états du Golfe, de la Malaisie, d’anciennes républiques de l’Union soviétique à part la Russie, et de la Russie elle-même, que tous ces gens sont plus ou moins payés pour faire des choses qui vont à l’encontre de la politique officielle des États-Unis.
Donc, un pays en mauvais état, et où apparaît un nouvel Eliot Ness sous la forme de ce M. Robert Mueller, personne à l’intégrité proverbiale, incorruptible, qui est en train de mener son enquête, mais dont on ne sait pas encore – nous qui ne sommes pas dans le secret des dieux – ce qui va émerger de cela. Mais il en émerge déjà, sans même qu’il se prononce d’une quelconque manière, un portrait des États-Unis, avec effectivement des élites plus ou moins alcoolisées depuis l’âge de 15 ans, un milieu des affaires vivant à coup de pots-de-vins de puissances étrangères qui essaient de pousser leurs pions. Ce qui va apparaître en tout cas, quoi qu’il arrive, et quand M. Trump aura disparu de l’horizon, ce sera un pays avec une sérieuse gueule de bois. Et le parallèle avec Eliot Ness sera sans doute fait par d’autres que moi, où là, à l’époque, c’était un pays rongé par le gangstérisme à tous les niveaux qui sortait avec une nouvelle intégrité, du moins pour un certain temps. J’ai l’impression qu’il y aura des examens de conscience sérieux du côté des États-Unis sur la manière dont fonctionne le pays.
Est-ce à dire que tout va mieux ailleurs ? Non, j’ai dit « États-Unis – Europe », et je vais faire quand même quelques petites remarques sur ce qui se passe parmi nous, où l’on voit, par exemple, des photos de M. Benalla brandissant des pistolets à une époque bien antérieure à des événements récents, où l’on voit M. Zemmour dire que « S’appeler Hapsatou, c’est une insulte à la République » sans penser probablement au fait qu’un autre zigoto pourrait bientôt se lever et dire que « Un nom comme Zemmour est une insulte à la République. » Pourquoi pas ? Moi, je vous parle librement puisque je m’appelle Paul Jorion et que – je peux même vous montrer ça – c’est un nom bien de chez nous ! Le seul problème dans mon cas, c’est que je ne suis pas Français et que, vis-à-vis de la République – étant Belge – je suis quand même en défaut d’une manière, là aussi, je dirais, assez solide [sourire] !
Bon… Qu’est-ce qu’il y a encore, en France ? Ah oui, il y a M. Campion, Marcel Campion, qui nous dit que les homosexuels sont des pervers. Il faudrait lui recommander de lire des ouvrages récents, et pas d’anciens ouvrages qui vous disent, voilà, des choses… des livres qui ont paru autour de 1900, ou bien même à une époque aussi reculée que 1968. Voilà un ouvrage publié en 1968, ça s’appelle Vocabulaire de la psychanalyse, c’est avec des gens connus, des gens qui ont laissé leur nom, MM. Laplanche et Pontalis – Pontalis est mort récemment, j’ai eu la chance de le connaître un peu – et dans cet ouvrage, à la page 306, à l’article perversion, il est écrit : « Déviation par rapport à l’acte sexuel « normal », défini comme coït visant à obtenir l’orgasme par pénétration génitale avec une personne du sexe opposé. On dit qu’il y a perversion lorsque l’orgasme est obtenu avec d’autres objets sexuels (homosexualité, pédophilie, bestialité, etc.) ou par d’autres zones corporelles – coït anal, par exemple, etc. » Donc, M. Campion, lisez des ouvrages plus récents que 68, qui est une époque extrêmement reculée.
Euh… Qu’est-ce que je pourrais encore dire ? Ben, je vais terminer, je vais terminer là-dessus, par une citation. Je vous ai fait une citation l’autre jour d’un auteur intéressant, et cela pourrait me servir aujourd’hui aussi de conclusion. Alors voilà, ça commence comme cela : « L’épidémie de l’opportunisme, internationale comme seules l’ont été la syphilis et l’usure de la guerre, s’est effroyablement étendue sur l’Europe, et ce n’est pas un parti politique mais bien elle qu’il nous incombe de combattre. Tel est notre plus nécessaire devoir. L’opportunisme des politiciens, hommes froids de la logique servile agitant les idéaux à la pointe de leurs épées, fait durer la guerre. L’opportunisme des gens de lettres, qui ont attiré à eux le mégaphone de l’exaltation pour donner de la puissance à leurs petites voix, démultiplie la haine. L’opportunisme des responsables de partis, inquiets seulement de leur prochain résultat électoral, bouleverse l’opinion du peuple. Et l’opportunisme du peuple lui-même qui, pour la première fois, se sentait non plus humilié mais loué et admiré par tous ces représentants de la domination, qui parachève la tragédie. » C’est écrit, une fois de plus, en 1918 par Stefan Zweig. C’est dans ce recueil Seul les vivants créent le monde, qui vient d’être publié – récemment – aux éditions Robert Laffont. Ce petit commentaire datant de 1918, je ne sais pas si vous le trouverez pertinent par rapport aux événements récents, mais peut-être.
Alors, à bientôt.
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