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Bonsoir monsieur Jorion,
Je viens de voir votre dernière vidéo dans laquelle vous jouez cartes sur table et où vous parlez de ces personnes qui viennent vous démontrer qu’un problème mineur est aussi important, si ce n’est plus, que l’extinction qui nous guette chaque jour plus assurément.
Je vais moi aussi parler franchement.
J’ai été invité aujourd’hui même à la journée d’ouverture de la semaine de la transition énergétique qui a lieu en Ardèche et plus précisément à Privas, la préfecture. Pendant toute la journée, de 9h00 du matin à 17h30 les intervenants et officiels se sont succédés pour nous expliquer en long, en large et en travers que la transition énergétique et écologique ne pouvait se faire que par un capitalisme vert et moralisé d’ici 2050. Connaissant et appréciant la profondeur de vos travaux je ne pouvais m’empêcher de tiquer à chaque fois que les entreprises étaient mises en avant en lieu et place de la vertu qui se trouve en chaque être humain (pour peu que ce dernier ait la volonté d’entretenir cette qualité).
Durant l’atelier de l’après-midi, ayant pour thème « consommer moins, consommer mieux », et que la gentille organisatrice nous demandait de parler sans tabous j’évoquais votre essai « Le dernier qui s’en va éteint la lumière » et que croyez-vous qu’il se passa ? On m’a ri au nez et les quelques chefs d’entreprises présents ont avancé qu’un programme d’écologie d’Etat coûterait bien trop cher au contribuable et que seul le privé pouvait assurer ce tournant. Et c’est sur ce point que l’atelier a fini par bloquer : combien la sauvegarde l’Humanité allait elle coûter ?
Je repensais alors à une conférence que Gilles Deleuze avait donnée à la fin des années 80 sur l’acte de création et dans laquelle il évoque les personnages des romans de Dostoïevski qui « sont toujours pris dans des urgences, des questions de vie ou de mort, mais trouvent toujours un problème plus profond ». Deleuze caractérise ces personnages comme étant des idiots, des idiots qui, alors qu’ils sont au coeur d’un incendie, restent au milieu des flammes en se posant des questions absurdes.
J’ai passé ma journée entouré d’idiots.
En rentrant chez moi je songeais, qu’en un sens, j’avais de la chance : il est certainement de nombreux philosophes qui auraient voulu être à ma place pour contempler les dernières années du genre humain. Je repensais à cette question qui ouvre « Le mythe de Sisyphe » de Camus, question traitant du fait que le véritable problème de la philosophie est le suicide, et je me demandais si, en fin de compte, j’avais quelque chose à apporter à ce monde, à cette humanité volontairement inconsciente de son agonie et que si tel n’était pas le cas je ne ferai pas mieux d’aller voir si l’autre rive du Styx est plus verte qu’ici.
Je me remémorais alors cette Pensée de Marc-Aurèle : « Les humains, instruis-les ou supporte les. »
Je vous avais parlé, lors d’un échange cet été, du manifeste que je rédige avec un camarade de réflexion. Je pense qu’il est temps que ce recueil d’idées, de concepts, destiné à exalter la vertu qui est au coeur de notre conscience prenne vie autant sous la forme d’un livre mais également sous une forme politique pratique. Vous aviez parlé de lancer un parti sous la direction d’intellectuel(le)s ; et bien, je vais prendre cette voie ! Nous verrons ainsi ce qu’il est possible d’accomplir avec l’aide du bouclier de la philosophie antique.
Je vous tiendrai bien entendu au courant de l’avancement de ce projet.
Je vous prie d’agréer, monsieur Jorion, de mon soutien inconditionnel ainsi que de toute mon admiration pour votre travail et votre dévouement à la cause de l’Humanité.
Respectueusement,
Etienne Guillermaz
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