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Bonjour Mr Jorion,
Je vous suis depuis quelques années, depuis 2008 en fait, ainsi que votre compère Mr Leclerc.
Depuis peu, quelque chose me gêne dans la manière dont le débat général tourne un peu en rond – pas le vôtre – je parle du grand débat dans nos sociétés. La démission de M. Hulot, la production record de pétrole, la fuite en avant nucléariste en France, mais aussi la révélation (dans Libé) de certains éléments de langage de tel lobby patronal afin de « minimiser » les mesures contre le réchauffement climatique, dessinent de plus en plus clairement une réalité, de nous, êtres humains. Je ne crois pas à cet optimisme béat dont vous parlez. Ce que je crois, c’est que nous continuons sur cette voie qui se révèle suicidaire par instinct d’espèce, cela inclut un optimisme de type religieux, mais ne s’y résume pas. Et ce que tout d’un coup, je « trouve », c’est que cette espèce, avec ses caractéristiques bizarres, individualiste et sociale, égoïste et altruiste, joueuse, féroce, brutale, puérile, libre, hiérarchisée, adaptative et rétive, n’est pas prise en compte en tant que telle par les sciences de la vie, à l’instar des autres animaux, en tant qu’animal.
On blâme a raison la « science » économique pour être un « créationnisme des classe aisées », pour reprendre l’expression d’E. Todd. Cette critique est totalement fondée. Pour la théorie économique, la nature est si magique, à la fois réserve inépuisable de ressources et dépotoir sans fond. Ne comptons pas sur les économistes pour remettre le travail amorcé à l’âge des lumières sur l’établi, ils sont si souvent otages, d’intérêts, d’institutions, de gouvernements, prisonniers de l’espèce en somme, qui compte sur eux pour leur dire que plus tard cela ira mieux.
Par contre il me semble que les sciences de la terre et de la vie peuvent faire un effort, académique. En appeler à la rationalité et seulement à cela, comme si l’être humain était un pur esprit ayant la maîtrise totale de lui-même, ne me semble pas très réaliste, cela me semble même régressif, scientifiquement. Sauver l’être humain de lui-même demande déjà de le prendre en compte, tel qu’il est, ou alors nous aurons autant de succès qu’à essayer de transformer un tigre en herbivore. Les sciences de la vies doivent prendre en compte non seulement Adam Smith et ces successeurs, mais aussi bien Weber, Durkheim, Freud et consorts, Levi Strauss & co afin de dessiner une image un peu nette de notre espèce, surtout dans ses rigidités et ses instincts.
Certes notre conscience peut « imprimer » dans notre cerveau animal, mais celui-ci n’est pas passif, il imprime lui aussi notre conscience en retour ou même au préalable, et par ailleurs ce cerveau animal n’est absolument pas une page blanche. Il est déjà structuré et contrairement à la légende si occidentale de la bête stupide, il est assez malin et il calcule vite son intérêt, il a même produit une pseudo-science, c’est dire s’il est futé.
Ce qu’il y a au centre de ce que je veux dire, c’est « ne sombrons pas dans l’angélisme dans notre recherche de solutions ». Là où une créativité doit avoir lieu c’est trouver de nouveaux moyens organisationnels pour que nos instincts animaux puissent s’exprimer, mais cette fois sans grever notre avenir. Le génie de l’économie classique, issue des lumières – il faut toujours le rappeler – c’est d’avoir su exploiter ces instincts et notamment le puissant instinct de libération individuel. C’est là selon moi le cœur du réacteur du modèle sociétal occidental. D’où le problème lorsqu’on introduit l’écologie en tant que contrainte. Cela va littéralement en sens inverse de notre modèle et sera rejeté, instinctivement, parce que nous autres, nous savons instinctivement que c’est bien la liberté qui a fait notre succès. Cette liberté, garante d’initiative, d’innovations, de créativité, mais aussi de bêtises bien sûr, ne peut pas être sacrifiée. Par contre ses modalités, selon moi, sont flexibles. Le terrain de jeu doit être reconfiguré, mais les animaux humains doivent pouvoir y jouer à leurs jeux habituels.
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