Accord de coopération de M. Paul Manafort avec la justice américaine (suite et fin)

J’ai commencé à vous parler de l’accord de coopération de M. Paul Manafort avec la justice américaine à mi-chemin de la lecture du document, et je vous livre ici mes dernières remarques.

Je vous ai déjà dit que bien que la proposition d’accord émane de Robert Mueller, procureur spécial enquêtant sur une éventuelle collusion entre l’équipe Trump et la Russie, il ne fallait rien attendre de ce document prouvant quoi que ce soit en ce sens : l’accord porte sur les affaires que l’on reproche à Manafort (fraude fiscale et avoir été le représentant d’une puissance étrangère sans s’être enregistré à ce titre) pour faire pression sur lui et qu’il révèle ensuite tout ce qu’il sait précisément sur une éventuelle collusion. Les commentateurs ont observé que malgré certaines clauses draconiennes (saisie de biens, dont des maisons) l’accord est très favorable à Manafort, et révèle ainsi que l’on attend de lui des informations essentielles – et probablement très incriminantes pour le Président – sur cette question de collusion ou non.

Encore à noter, par rapport à ce que je vous ai déjà dit, à quel point l’action de Manafort était dommageable à la politique étrangère américaine. L’accusation envers lui, qui aurait dû donner lieu à un procès à Washington, et qui a été désamorcée par l’accord qu’il a passé avec la justice, était formulé de manière assez anodine comme un oubli d’enregistrement en tant que représentant aux États-Unis d’une puissance étrangère : en réalité le seul Premier ministre pro-russe de l’Ukraine à l’époque  : Viktor Ianoukovytch. Mais ce qui apparaît de l’accord et de ses multiples documents annexés, c’est que Manafort mettait toute sa puissance de tir à contrer la politique étrangère des États-Unis et à diffuser – éventuellement par la désinformation – la version russe des choses (voir à ce sujet, pour un cas détaillé, mon précédent billet).

Tout cela ne présenterait pas un intérêt énorme si n’apparaissait pas en filigrane un événement de taille colossale : une Troisième guerre mondiale entre le monde occidental et la Russie où le premier se trouve pris entièrement au dépourvu et à contre-pied par la seconde, et où ce monde occidental prend soudain conscience que cette guerre est engagée depuis un bon moment déjà, et que plusieurs batailles de grande ampleur font rage en réalité, sans que l’on n’y ait prêté suffisamment attention : un démantèlement de l’Union européenne par une manipulation du referendum du Brexit et rien moins que la mise en place d’un homme à soi à la tête des États-Unis.

Dans ce qui constitue d’ores et déjà des victoires majeures pour elle, la Russie a certainement déjà réussi bien au-delà de ce qu’elle espérait sans doute en termes de déstabilisation de l’Occident. Ce qu’il nous reste à apprendre de la commission Mueller, à savoir si Donald Trump est depuis les années 1980 sans doute, un agent officiel de la Fédération de Russie, la victime d’un chantage exercé par elle, ou un idiot utile tout particulièrement idiot, est finalement de l’ordre de l’anecdotique. Ce qui compte pour le déroulement ultérieur de la Troisième guerre mondiale, c’est l’état de délabrement et de découragement dans lesquels se retrouveront en 2019, les États-Unis, le Royaume-Uni, et ce qui restera de l’Union européenne et de l’OTAN. Pour eux tous, les choses se présentent extrêmement mal.

P.S. L’un de vous m’envoie en commentaire à « au dépourvu » dans la phrase ci-dessus « le monde occidental […] se trouve pris entièrement au dépourvu et à contre-pied », le gif ci-dessous. Bien entendu ! je veux dire « … dans l’évolution récente des choses ».

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  1. Je m’étais laissé impressionner par Wikipédia qui affirmait qu’il n’y avait pas de schiste à Saint-Jean-le-Thomas. Du coup j’étais aller…

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