Faut-il instaurer une taxe-robot ? à la Sorbonne, le 31 mars 2018 – Retranscription

Retranscription de Faut-il instaurer une taxe robot ? à la Sorbonne, le 31 mars 2018

Paul Jorion – Je ne l’ai pas appelée la « taxe robot », je l’ai appelée la « taxe Sismondi ». Et pourquoi ? Parce qu’il y avait ce socialiste de la première heure, Jean de Sismondi qui avait fait la réflexion suivante, à l’époque du luddisme justement, au moment où des gens cassaient des machines. Ça s’est passé dans un contexte un peu plus compliqué que celui qu’on raconte mais ça n’a pas d’importance. Il a dit la chose suivante. Il a dit : « Il est vrai que la machinisation – le remplacement de l’homme par la machine -, la mécanisation, c’est un processus historique ; il n’y a pas de raison qu’il y ait des gens qui en bénéficient et d’autres qui en soient les victimes. » Il dit – il pensait surtout aux métiers à tisser Jacquard qui étaient automatisés – : « La personne, dans nos sociétés, qui est remplacée par une machine, est une victime du processus et ne recevra jamais une partie de la richesse qui est créée par la machine. » Alors, qu’est-ce qu’il proposait à la place ? Qu’une rente soit perçue sur le travail de cette machine, qui permettrait à la personne remplacée par la machine de continuer à vivre, puisque c’est un progrès pour l’humanité dans son ensemble.

Alors, on a appelé ça ensuite « taxe robot », c’est pour aller vite, c’est une image qu’on voit bien, mais il s’agirait aussi bien des logiciels, de n’importe quel type de mécanisation.

Maylis Besserie – Il faut expliquer ce que l’on taxe. Alors, c’est la taxation sur la valeur ajoutée ?

PJ – Oui, c’est la valeur ajoutée, mais c’est très très simple : si une personne est remplacée par un robot, on ne peut pas dire qu’on attaque le robot en le taxant, puisqu’on attaquait déjà la personne en la taxant : on impose les gens. Pourquoi ne pas imposer la machine qui remplace l’être humain de la même manière que l’on imposait l’être humain ?

On dit : « Mais ce n’est pas possible, etc. » En fait, ce n’est pas possible parce que, effectivement, d’un point de vue comptable, une machine, un logiciel, n’est pas considéré comme l’équivalent d’un être humain, c’est simplement un coût pour l’entreprise. Mais pourquoi est-ce que j’ai proposé cette taxe robot, c’était pour financer non pas le revenu universel, mais pour financer l’extension de la gratuité. Nous avons connu la gratuité dans le domaine de l’éducation, nous avons connu la gratuité dans le domaine de la maladie, de l’invalidité, ce sont des domaines que l’on peut étendre encore davantage. C’est une vieille idée, c’est une idée lancée pour la première fois dans notre culture par Robespierre : la gratuité pour l’indispensable, que nous avons tous, en fait, le droit de vivre, et qu’on n’a pas le droit de priver un être humain de la capacité de vivre, et qu’il faudrait utiliser une redistribution de la richesse. Alors, comme vous le savez, dans la situation dans laquelle on est, où huit êtres humains ont les mêmes ressources que la moitié de l’humanité – 3,7 milliards – il y a moyen de distribuer ça beaucoup mieux.

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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