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Je crains que le contexte sociétal américain puisse subir un choc implosif. Des foules exaltées et hystériques qui hurlent contre leurs institutions et leurs médias dans le rappel des blessures de la guerre civile et de la ségrégation, une négation des institutions représentatives au travers d’un plébiscite porté par les réseaux sociaux et un Président qui crée, sans nier son charisme – et peut-être à cause de cela –, une frénésie : tout cela pourrait entraîner des violences politiques et contre des journalistes.
En effet, peut-on, aujourd’hui, postuler que la liberté d’expression est respectée alors que le Président martèle que les médias sont manipulés (ils sont traités d’ennemis du peuple) et entretiennent des « fake news »? Comment appréhender une administration présidentielle qui halète sous la recherche du plébiscite digital en conspuant les institutions et leurs représentants, alors même que des enquêtes pour collusion avec l’ennemi de la guerre froide sont lancées ? Combien de temps un pays peut-il résister, sans sombrer, à cet univers orwellien ? Des sénateurs, des journalistes sont nominativement vilipendés dans l’affirmation que ce ne sont pas de « bons Américains ». La presse locale le suppute à mots voilés : leurs vies sont, le cas échéant, menacées. Et aujourd’hui, l’ONU considère que le Président Trump incite à attaquer des journalistes. Souvenons-nous, dans un autre contexte, de cette députée anglaise, Jo Cox, assassinée car elle s’opposait au Brexit. C’était un signal faible, mais aussi une clameur, de l’histoire. Que se passerait-il dans un tel cas aux Etats-Unis ? Je ne sais pas.
J’ai l’étrange intuition, que j’espère démentie du fond du cœur, que les élections de 2020 ne vont pas se passer normalement. Elles seront en tout cas extrêmement dangereuses pour ceux qui s’opposeront à la ploutocratie qui se met en place car la nature de la représentation publique mute. Elle transforme le consensus en rapport de forces dans un contexte de bouillonnement mondial incontestable. Je combats mon inquiétude en me rappelant la résilience d’un système institutionnel qui a surmonté tant d’épreuves, dont une guerre civile. Et je garde la confiance que cette terre promise, pour de nombreux européens, respectera l’esprit des Lumières et de la liberté.
Mais, pour ceux que les précédents inquiètent, il faut rappeler que 1968 a vu Luther King, Prix Nobel de la Paix mais opposant au Vietnam, et Bobby Kennedy, candidat à l’investiture démocrate, être abattus. En 1970, la garde nationale tira sur un campus contre ceux qui s’opposaient au carnage inutile de l’invasion du Cambodge. Et, plus tard, Nixon, président paranoïaque et proche de la destitution, fut remplacé par son vice-Président, Gérald Ford, qui n’avait lui-même pas été élu, ayant remplacé le vice-Président englué dans une fraude fiscale. Bien sûr, les élections de 1976 eurent lieu. Mais comme disait le philosophe Jankélévitch: il faut penser tout ce qu’il y a de pensable dans l’impensable. Pour regarder l’avenir sans ciller.
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