Retranscription de « Trump constitue désormais une menace pour la sécurité nationale », le 17 juillet 2018. Merci à Olivier Brouwer !
Bonjour, nous sommes le mardi 17 juillet 2018, et l’actualité, aux Etats-Unis, me conduit à faire une vidéo chaque jour pour vous tenir au courant d’une actualité qui se précipite, et qui a été déclenchée par l’inculpation, vendredi dernier, vendredi 13 juillet, de douze fonctionnaires russes, inculpation qui les accuse d’interférence majeure avec les élections présidentielles de 2016. Je vous avais dit assez rapidement qu’ayant lu le document dans sa totalité, ce qui y apparaissait, à mon sens, en pointillés, c’était l’implication que M. Donald Trump, le Président des Etats-Unis, agit comme un agent de l’étranger, et non seulement un agent de l’étranger, mais un agent d’une puissance hostile aux Etats-Unis.
Je vous ai parlé hier de la loi américaine portant sur la haute trahison, de l’article qui en parle dans la Constitution, et de l’article dans le code qui en parle également, et qui parle même de peine de mort pour un contrevenant. Le test, bien sûr, après cette inculpation de fonctionnaires russes, le test allait être, comme je vous en avais averti, la manière dont allait parler de cela M. Trump, en sa rencontre à Helsinki, hier, avec monsieur Poutine.
La rencontre a eu lieu. Les déclarations de monsieur Trump allaient un peu dans le sens de ce que j’avais prévu. Le texte n’était pas exactement celui que j’avais prévu, mais à peu de choses près, en tout cas, l’esprit était là, et ça a provoqué aussitôt la consternation aux Etats-Unis. On avait affaire [à] un Donald Trump servile, qui paraissait être une marionnette ne disant que les choses dont il attendait que M. Poutine le félicite de les avoir dites. Ils avaient sans doute répété ce qui allait être dit en public, lors de la rencontre, pas secrète mais à huis clos, entre les deux présidents, et on imagine bien, maintenant, que le président russe, M. Poutine, a dit à Trump : « Tu diras ça », et l’autre a répété cela assez servilement, en jetant parfois des regards un peu apeurés, l’air de dire : « Est-ce que j’ai bien dit exactement ce que tu attendais que je dise ? »
Il est devenu clair, absolument clair, pour tous ceux qui pouvaient imaginer qu’il s’agissait d’autre chose, que M. Trump est prisonnier, probablement victime d’un chantage, et qu’il se contente de répéter ce qu’on lui dit de dire. Manifestement, s’il fallait croire à l’image qu’on a vue, on penserait à des Etats-Unis désormais inféodés entièrement à la Russie.
Il y a des maladresses abominables, des maladresses abominables qui montrent un certain, je dirais, non pas amateurisme du côté russe, mais une incapacité à présenter les choses de manière plus ou moins vraisemblable. Il y avait là une mise en scène, une mise en scène qui a choqué la quasi-totalité, probablement, des citoyens américains, et c’est là, bien sûr, qu’il y a eu un basculement, hier. Le parti, le Parti républicain, jusque là, l’appareil du Parti républicain soutenait monsieur Trump de manière absolument inconditionnelle, parce qu’il y a une certaine sympathie pour son populisme dans la population, mais là, hier soir, les choses avaient changé. Des personnalités qui avaient soutenu de manière inconditionnelle Trump jusqu’ici, comme Newt Gingrich dans le Parti républicain, a parlé de la plus grosse faute commise par Trump. D’autres ont utilisé des termes beaucoup plus durs, comme le sénateur Flake ou comme John McCain, qui ont parlé en des termes tels que les commentateurs que je viens de regarder, quand ils ont dû résumer les propos de ces personnalités de premier plan du Parti républicain, ont résumé cela en disant : « Trump représente désormais une menace pour la sécurité nationale ». Quand les choses sont énoncées de cette manière-là, bien sûr, on n’est plus qu’à deux doigts de l’accusation de haute trahison, et, probablement, l’inculpation.
Chacun a pu voir – ça tourne en boucle sur les télévisions – chacun a pu voir l’intervention de Trump aux côtés de Poutine et, je dirais, même le citoyen américain le plus acquis jusque-là à Trump, a dû se convaincre que cet homme n’est plus en état d’exercer les fonctions, ni de Président des Etats-Unis, ni même de Président en général. C’est ce qui a frappé certains : son incohérence aux questions qui lui étaient posées. Avec, je dirais, une certaine tristesse, les commentateurs montrent la question posée par un journaliste, et le Président de se lancer dans une logorrhée qui [n’a] ni queue ni tête et qui consiste uniquement à essayer de noyer le poisson, à parler de « chasse aux sorcières » et de je ne sais quoi, et de dire : « Si les Démocrates ont été piratés par les services secrets russes, eh bien, c’est bien fait ! Nous, les Républicains, on a essayé de nous pirater aussi, et nous, on avait au moins un bon système, et ça n’a pas eu lieu ! » Voilà, des choses qui – j’allais dire : qui frisent le ridicule, non ! – qui sont d’un ridicule à ce point achevé que malheureusement, les citoyens américains, c’est un sourire amer qu’ils ont en voyant un désastre de cette ampleur.
Qu’est-ce qui va se passer dans les heures qui viennent ? Le sentiment général, on l’a compris, c’est que cet homme n’est pas en état d’être président des Etats-Unis. Quand les commentateurs parlent de « menace », de « risque pour la sécurité nationale », eux, dans une discussion que je viens de regarder, ont dit la chose suivante : « Imaginez qu’il y ait un incident, par exemple dans un pays balte, avec la Russie, et qu’on suive maintenant la politique définie par Trump quand il se trouvait au siège de l’OTAN, à Bruxelles, l’autre jour, en disant : ‘Oui, bon, ces articles qui disent que nous devons intervenir de manière [automatique], nous, les Américains, on regardera ça au cas par cas !… » En tant que non-Américain, je dirais que c’est la sécurité mondiale qui est en jeu.
Pendant combien de temps encore, pendant encore combien de jours, pendant encore [combien d’]heures les Américains vont-ils attendre ? M. Robert Mueller, je vous l’ai dit, a sans doute très très bien joué. Il savait qu’on ne pouvait pas inculper Donald Trump dans un climat de guerre civile, d’affrontement entre les deux camps. Il fallait d’abord qu’il y ait une démoralisation dans le camp républicain pour que l’arrestation du Président apparaisse comme une chose normale et même souhaitable pour chacun.
On découvrira alors, sans doute, qu’est-ce qui le faisait chanter. On en a eu un peu un avant-goût pendant la déclaration de presse commune des deux présidents, hier. Quand on a posé la question à Poutine : « Est-ce que la Russie a un dossier compromettant à propos de Trump ? », il a parlé longuement, mais il n’a pas dit non. Il n’a pas dit non, et Trump, n’en pouvant plus, l’a pratiquement interrompu pour dire : « De toutes façons, si il y avait des choses compromettantes, eh bien, elles seraient déjà apparues en surface ! », et tous les commentateurs font le même commentaire : bien sûr que non ! Si les Russes veulent tenir Trump de la manière dont, apparemment, ils le tiennent, depuis son élection ou même avant, ils ont intérêt au contraire à garder the evidence, à garder les preuves secrètes.
Voilà, quand j’ai commencé à faire une vidéo avant-hier, c’était avec le sentiment de, voilà, d’une situation qui avait entièrement changé. Quand j’ai lu entre les lignes de cette inculpation de douze fonctionnaires russes, écrit en pointillés : « et M. Trump est un agent de la Russie », j’ai eu le sentiment qu’il se passait quelque chose et je vous l’ai tout de suite signalé. Je suis allé fouiller un peu dans les textes pour savoir ce qu’on disait exactement à propos de la haute trahison aux Etats-Unis et, comme je vous avais dit à la fin de cette réflexion, tout ce qui va compter ne s’est pas encore passé, ça se passera dans la journée de lundi. S’il devait se faire que les services secrets, le FBI etc., n’ont pas de preuve de collusion de la part de M. Trump lui-même, avec la Russie, c’est ce qu’il dira durant la journée de lundi qui en apportera la preuve ou non. Il fera sans doute preuve (je l’avais dit) de collusion en ne dénonçant pas l’interférence des services russes à l’intérieur des Etats-Unis. C’est son directeur du renseignement (Dan Coats), quand on lui a demandé hier ce qu’il pensait des déclarations de Trump, il n’a pas pu s’empêcher de dire : « Le président des Etats-Unis n’a pas le choix, comme M. Trump l’a dit hier, de croire le Président de la Russie sur sa bonne figure ou les services secrets, le FBI etc., de son propre pays, le président des Etats-Unis doit croire les services secrets de son propre pays. » Et bien entendu, quand Trump a présenté, en fait, comme quasiment équivalent – non, pas quasiment équivalent, comme plus important ! – ce qu’avait dit Poutine sur la question, disant « Non non, c’est pas nous ! », ou bien les 29 pages de descriptions détaillées des actes posés par des fonctionnaires du renseignement, du contre-espionnage, russe, Monsieur Coats lui a rappelé que non, pour un Président des Etats-Unis, ce n’est pas équivalent. On ne peut pas dire : « Voilà, c’est l’un ou c’est l’autre et je fais confiance à mon cher ami qui se trouve ici ».
Donc, est-ce une question d’heures, est-ce une question de jours ? Est-ce encore possible que ce soit une question de semaines avant que M. Trump ne disparaisse du paysage ? Je ne sais pas. Ça me semble peu vraisemblable que ce soit une question de semaines. En tout cas, je continue à regarder tout, à tout lire, tout ça dans la perspective de ma connaissance ancienne et assez complexe de la situation aux Etats-Unis.
Je vous rappelle que j’avais mis beaucoup de faits ensemble quand j’avais écrit ce livre sur la crise du capitalisme américain. C’est un pays que je connais bien, avec lequel j’ai encore des relations de type familial, mais pour lequel je m’étais passionné, à différentes époques ! Ça a commencé avec mes différends entre moi et l’Ambassade des Etats-Unis, quand j’organisais avec d’autres des marches contre la guerre au Viêt-Nam dans les années 60, et je vous avais peut-être parlé de ça, du fait que j’avais été épaté que quelqu’un qui avait seize ans reçoive un très gros dossier de l’Ambassade des Etats-Unis, en disant : « Monsieur, nous connaissons vos positions, mais ayez l’amabilité d’examiner ces documents. » Ça ne prouve pas, ça n’a jamais prouvé à mes yeux que la guerre du Viêt-Nam était justifiée, mais ça a prouvé que c’est un pays qui peut prendre au sérieux un jeune homme de seize ans qui conteste ses vues, et ça, bien entendu, c’est un événement qui, malgré le discours extrêmement critique que j’ai tenu dans ce pays, où quand j’y habitais, bien que je n’aie pas le droit, j’ai participé à des activités de type politique qui sont en principe réservées à des nationaux et pas à des citoyens de pays ou d’autres, mais comme je passais inaperçu, et que j’ai même dû faire la preuve un jour que je n’étais pas américain, je n’hésitais pas.
C’est un pays que je connais bien, qui n’est pas sans reproche, très très loin de là, qui a beaucoup de sang sur les mains mais qui a des principes et qui, à l’occasion, met ces principes en avant. Je crois que le moment est venu, dans les heures, les jours qui viennent, que ces principes reprennent le dessus. Ça ne peut être désavantageux pour personne, quel que soit le regard critique que l’on porte à très juste titre sur la manière dont ce pays se conduit, mais dont il faut comparer les mérites et les défauts, dans un cadre qui est celui de l’anthropologue, c’est à dire de la nature humaine, ce qui ne constitue pas une excuse pour aucun comportement, mais qui est le cadre dans lequel il faut examiner les choses.
Voilà. Je continue de vous tenir au courant. A bientôt !
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