Si l’on veut devenir député européen, ll faut un programme pour l’Europe *. Heureusement comme j’ai de tout dans ma grande boîte à malices, j’ai cela aussi ! Mais il faut étoffer ! Je compte sur vous et pour cela, j’ouvre la discussion.
* … même si très peu de de députés européens semblent partager mon avis.
Vers un nouveau monde (La Renaissance du livre 2017)
Le monde tel qu’il est
- Le projet européen
Créé pour donner à la paix et à la civilisation un nouveau souffle, après une période de déshumanisation radicale, le projet européen n’a pas pu répondre à cette demande légitime des peuples épuisés par l’horreur et se fond lui aussi dans la grande tourmente du marché. Il a fallu que notre pays s’oppose in extremis à l’acceptation générale du risque de voir les transnationales gérer sans retenue les États. C’est dire si la volonté actuelle est vraiment celle de protéger notre dignité citoyenne et humaine ! Parfois, ces transnationales ont pu même profiter des avantages offerts par le marché européen pour enrichir leur propre firme au détriment de la décence des conditions de travail de ceux qu’elles embauchent.
Cette volonté de puissance éhontée dirigée contre autrui conduit à l’affaiblissement de la solidarité entre les pays, que ce soit envers les nations appauvries telle la Grèce, face auxquelles nous avons adopté un comportement de prédateur au vu des rentes exigées d’elles comme rançon de leur survie, ou que ce soit par la difficulté que nous avons manifestée d’accueillir ceux qui fuient la misère et la guerre, monnayant leur survie (le mot « accueil » étant injustifié) avec un pays dont la préoccupation première est loin d’être l’instauration de la démocratie. La situation se retourne contre nous, puisque nous n’avons guère de défense commune, certains pays virant à l’extrême droite en l’assurant par eux-mêmes.
Guère de solidarité donc, pas davantage de démocratie. La France et l’Allemagne tiennent les rênes de ce convoi dont nous aurions tort d’être fiers : de hauts représentants des institutions européennes n’hésitent pas à se faire engager par des banques responsables de la crise planétaire, alors que d’autres cachent leurs avoirs dans des paradis fiscaux. Ce n’est pas non plus la lourdeur des institutions qui nous permettra de prendre davantage la parole.
Préoccupée qu’elle est par sa rentabilité économique, l’Europe ne se soucie guère de nous défendre par rapport aux grands enjeux de notre temps, la destruction de notre moyen de vivre, notre travail, et de celui de survivre, notre environnement.
Le projet européen est à revoir, à corriger, à poursuivre, à compléter, mais en l’éloignant de la seule préoccupation qui a été véritablement la sienne jusqu’ici : être un marché. Le moment est venu que l’Europe devienne plus que la seule Europe des marchands, qu’elle soit désormais l’Europe de l’État de bien-être : celle que veulent ses citoyens, celle que veulent les peuples qui la composent.
Le monde tel qu’il devrait être
- Relancer sur de nouvelles bases le projet européen
La construction européenne, initiée après la Seconde Guerre mondiale pour redonner un souffle nouveau à notre civilisation – ou plutôt à ce qu’il en restait – n’a pas rempli cet engagement à l’heure qu’il est. Bien au contraire, en concentrant son seul effort sur la constitution d’un marché, elle a, dans une dérive tragique, consacré le pouvoir de la finance comme valeur suprême. Symptôme de son indifférence à un souci de justice, les taux d’intérêt – d’un niveau confinant à l’extorsion – qu’elle a exigés pour des prêts à ses partenaires désargentés, telle la Grèce.
Comment invoquer l’idée européenne comme un idéal alors que l’on rejette, comme le font nos dirigeants actuels, le projet d’une fiscalité unifiée à l’échelle de la zone euro ? Comment parler d’une Europe unifiée face au monde extérieur alors que l’on pousse dans les capitales de hauts cris à l’idée de mutualiser la dette des pays européens pour que s’établisse une véritable égalité à l’intérieur des frontières de l’Europe et pour redonner une vraie chance à chaque pays de l’Union ?
Quant aux malheureux réfugiés venant mourir en masse à nos portes, leur calvaire constitue un scandale et une faute dont nous aurons bien du mal à nous déculpabiliser un jour, car ils sont la preuve aveuglante de notre égoïsme, de notre mésentente et du caractère creux en réalité de nos déclarations pompeuses d’allégeance à des valeurs universelles.
Chaque réfugié a quitté son pays au prix d’un déchirement dont la plupart d’entre nous auraient bien du mal à concevoir l’horreur même. Il mérite d’être traité comme une personne ayant une histoire individuelle, une identité propre, méritant le respect et non comme un grain de sable au sein d’un tas à l’existence négligeable. Tout réfugié doit être déclaré à l’abri de marchandages indignes entre nations européennes plus pleutres les unes que les autres, suscitant la honte en nous, leurs citoyens.
Un autre danger menace l’Europe : la montée en puissance de l’extrême droite en réaction au sentiment d’insécurité qu’ont causé les attentats fomentés par des intégristes musulmans et aux difficultés de mettre en place une riposte à cela et une défense communes. Ainsi, les vieux démons qui ont suscité pour les exorciser le vœu d’une Europe reconstituée par-delà ses dérives fascistes sont hélas de retour, preuve tangible de l’échec de notre continent à s’en débarrasser. Ni le matérialisme, ni le consumérisme à tout crin, ni la mise en place d’une religion féroce ayant pour seuls dieux le « marché » et le Veau d’Or n’ont pu exorciser – et pour cause ! – ces démons.
La « troïka » constituée de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international, par son indifférence bureaucratique, par sa philosophie écœurante du « Malheur aux vaincus ! », par la mauvaise foi répugnante de ses représentants, suant sous le poids des mensonges que je les ai vus proférer sous mes propres yeux au Parlement européen, traitant le peuple grec comme des chiens en utilisant des tactiques déloyales et perfides, incarne pleinement le naufrage d’une Europe ayant été capable seulement de mettre en œuvre l’antithèse même du message dont elle aurait dû être le véhicule pour conjurer les spectres de la Seconde Guerre mondiale.
L’esprit de la démocratie a fui l’Europe, tant au niveau des relations de l’État envers les citoyens qu’à celui des relations internationales. La Commission européenne par exemple s’arroge seule le droit de négocier de grands traités commerciaux comme le TTIP, et dans le secret granguignolesque de conspirateurs masqués, le ridicule ayant cessé de tuer parmi les marchands auxquels nous avons concédé le pouvoir de décider de nos vies. Pour que l’Europe renaisse de ses cendres, il est impératif de redynamiser la démocratie par le biais de consultations citoyennes et de mécanismes de démocratie directe.
Enfin, à l’heure où un pays comme les États-Unis, jusqu’à très récemment première puissance mondiale, opère un véritable repli sur lui-même et renonce aux lois de protection de l’environnement, une chance est donnée à l’Europe de se redéfinir en se démarquant de telles pratiques et en donnant l’exemple de l’ouverture et de la protection de notre habitat tout autant que de notre santé.
Faire de l’euro l’embryon d’un nouveau système monétaire international, en remplacement de celui né à Bretton Woods dans le New Hampshire en 1944 et mort en 1971 dans les soubresauts d’une guerre du Vietnam excédant les capacités budgétaires des États-Unis, est un devoir pressant. Depuis 1971, le monde vit dans un dés-ordre monétaire international, que l’invention des produits financiers « dérivés » pour le pallier n’est pas parvenue à corriger, et de très loin.
Les éléments de la transition indispensable vers une Europe unifiée, ayant secoué le joug du dogme ultralibéral, doivent être les suivants :
- Mettre en place un système fiscal unique pour les dix-neuf pays de la zone euro. Non pas sous la forme grotesque prônée par M. Moscovici, commissaire européen, d’un « calcul » unique mais qui autorise toujours chacune des nations à saboter les efforts des autres en matière de justice fiscale en pratiquant de son côté le moins-disant fiscal, mais sous celle d’un système fiscal appliquant les mêmes taux d’imposition à tous et à toutes les firmes à l’intérieur de ses frontières.
- Clore les systèmes nationaux d’émission de dette souveraine et mutualiser la dette, pour éliminer de cette façon le facteur déséquilibrant la zone euro dans son ensemble que sont les primes de risque de crédit et de risque de retour à l’ancienne monnaie incluses dans le coupon des obligations émises aujourd’hui par chacune des nations membres.
- Transformer le système européen Target 2 de paiements interbancaires en un authentique système de règlement incluant un rééquilibrage annuel entre nations, à l’instar de l’Interdistrict Settlement Account (ISA) américain qui a servi de modèle mais dont il n’a reproduit qu’incomplètement la fonctionnalité : retenant sa logique comptable mais ignorant sa capacité au rééquilibrage par une remise périodique des compteurs nationaux à zéro.
- Aider les économies nationales à l’intérieur de la zone euro à réaliser un équilibre de leurs échanges pour qu’elles ne soient ni importateur net (c’est-à-dire important davantage qu’elles n’exportent) ni exportateur net (c’est-à-dire exportant davantage qu’elles n’importent) par un système d’encouragement et éventuellement de désincitation, à l’instar de ce que John Maynard Keynes préconisait pour le système monétaire international adossé au bancor dans la proposition qu’il fit au nom de la Grande-Bretagne en 1944 à Bretton Woods. Dans ce cadre, les déshonorants échanges d’invectives entre l’Allemagne et la Grèce, tels ceux dont nous avons été les témoins de 2010 à 2013, auraient perdu toute justification.
- Interdire le mouvement des capitaux spéculatifs à l’intérieur de la zone euro et à ses frontières par un contrôle des changes opéré par une chambre de compensation multilatérale regroupant les pays membres de la zone euro.
Proposition : Faisons de l’euro l’embryon d’un nouveau système monétaire international, en remplacement de celui mort en 1971.
Prenons pour modèle de ce nouvel euro – au service des peuples plutôt que des marchands exclusivement – celui du bancor, la monnaie de compte internationale au cœur de la proposition de John Maynard Keynes, rejetée à Bretton Woods en 1944, modèle fondé sur une chambre de compensation multilatérale dont la mise en œuvre opérerait une pacification des relations économiques entre nations, une solidarité apaisée venant prendre la place de la rivalité belliqueuse prônée comme notre idéal par l’ultralibéralisme qui règne aujourd’hui en maître pour notre malheur à tous.
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