Brexit / Corée du Nord – Le monde entre dans une grande bifurcation – Retranscription

Retranscription de Brexit / Corée du Nord – Le monde entre dans une grande bifurcation. Merci à Marianne Oppitz !

Bonjour, nous sommes le 12 juin 2018 et je vous parle d’une cellule au monastère de Ganagobie – à l’Abbaye de Ganagobie, dans le Midi – où j’ai été invité à venir évoquer pendant 2 jours – avec les économes des abbayes cisterciennes et bénédictines – de l’économie et en particulier de l’avenir de l’emploi et du travail.


Pendant ce temps là, le monde continue à évoluer. Il y a, en Grande-Bretagne, un vote en ce moment – aujourd’hui et demain – sur les questions de savoir si on remet en question, entièrement, la décision abominable et irréfléchie de sortir de l’Union Européenne. Les Lords ont trouvé un moyen, en fait, de renverser la décision par une série d’amendements qu’ils ont votés et qui vont être discutés maintenant au Parlement. Si tout se passe bien – de mon point de vue – ils renverseront la décision du Brexit. Ils peuvent même demander à ce qu’il y ait un nouveau referendum en mettant, cette fois, les Britanniques devant un choix – devant des chiffres, des chiffres véritables – sur ce qui se passerait et sur l’impossibilité de revenir sur des intégrations successives, en particulier, par rapport à l’Irlande, il y a un choix impossible pour l’Angleterre : soit de donner l’indépendance à la province de l’Irlande du Nord – encore appelée « Ulster » par les Protestants – ou bien de réintroduire une frontière dure entre les deux parties de l’île que constitue l’Irlande : la République d’Irlande et le Royaume-Uni.

Tout ça était connu, tout ça était prévisible. J’en avais parlé avant qu’il y ait le Brexit et tous ces braves gens ont préféré s’entre-déchirer au sein du parti conservateur britannique plutôt que de mettre les chiffres sur la table, plutôt que de discuter de quoi il retourne. On sait maintenant que M. Steve Bannon – soutenu par Madame Mercer dont le père Robert Mercer est un ultra-conservateur pour ne pas dire carrément fascisant – tout ça M. Bannon, l’ancien conseiller de M. Trump, porte-parole autrefois de l’« Alt-right », l’extrême-droite identitaire britannique – tous ces braves gens s’étaient mêlés du vote du Brexit en mobilisant les ressources d’une compagnie qu’ils avaient créée qui s’appelait Cambridge Analytica et dont on a beaucoup parlé en raison de la manière dont ils ont manipulé Facebook pour obtenir des profils très précis des votants, des électeurs, aux États-Unis et aussi en Grande-Bretagne.

Ça c’est pour le Royaume-Uni. Pendant ce temps là, deux dictateurs se tapent sur le ventre et sur les épaules et décident de l’avenir du monde.

Tout ça est beaucoup plus dangereux qu’on ne l’imagine. Ça peut éviter, effectivement, la montée des tensions comme cela avait été le cas il y a quelques mois autour d’une guerre nucléaire. Mais si nous parvenons – involontairement – à faire que seul des dictateurs décident du sort du monde, alors nous sommes très, très mal barrés !

J’ai parlé hier, dans un petit texte, j’ai parlé du fait que je lis ce livre extraordinaire « The Heart of Man » d’Erich Fromm, un livre de 1964 qui a introduit cette notion de « malignant narcissism », traduite en français comme la « perversion narcissique », les « pervers narcissiques ».

Le livre est de 1964. En France, on n’a introduit ce concept que 20 ans plus tard à peu près, en ayant l’air de le réinventer [rires] mais toute la discussion avait déjà eu lieu. Erich Fromm, très grand psychanalyste, réfléchit sur ça et ce qui l’intéressait en particulier, c’était de donner une explication – une fois pour toutes – du comportement d’Hitler.

Hitler : fou, ou non ? Hitler, il le décrit comme un « borderline » c’est-à-dire quelqu’un qui se trouve à la limite de la normalité et de la pathologie. Mais dont le narcissisme démesuré fait qu’il peut tomber très facilement dans la psychose. Ce qui lui permet de ne pas tomber dans la psychose, c’est d’acquérir du pouvoir et de transformer le monde, bien entendu selon son désir. Le monde ressemble de plus en plus à son délire mais c’est parce qu’il est parvenu à entraîner, sur le narcissisme patriotique essentiellement, un certain nombre de gens à le suivre. Il y a le moment où ça achoppe et ça n’achoppe pas nécessairement : je vous rappelle que Staline est mort plus de 30 ans avant la chute de l’Union Soviétique. Dans le cas d’Hitler, oui ! la chute a eu lieu et on l’a vu tomber au moment où les troupes ont perdu. Et j’ai montré la petite vidéo très bien faite du film « Downfall » – La Chute – le moment où il tombe dans la psychose parce qu’il ne peut plus nier que le monde n’est plus à la hauteur de la représentation qu’il en a. Et sa seule sortie possible, à ce moment là, c’est le suicide.

Dans mon petit billet, j’ai imaginé le scénario que cet accord apparaisse rapidement comme de simples signatures sur un papier et que l’un des narcissismes se trouve blessé de manière mortelle et conduise à la mort de l’un des dictateurs.

Finalement, d’après ce qu’on voit, le pouvoir de M. Kim Jong-un est mieux assuré que celui de M. Trump puisqu’il n’y a pas une enquête qui se déroule en ce moment sur la validité ou non de son mandat. Et tout le monde est à peu près d’accord sur le fait que les choses vont rapidement se dénouer du côté de l’enquête de M. Mueller. Et s’il demande à M. Trump de se présenter devant un grand jury et que M. Trump refuse, il y a bien entendu une crise constitutionnelle importante qui pourrait se résoudre comme dans le cas de Nixon, c’est-à-dire par la démission du président. Mais qui peut aussi conduire à de très, très longs débats si la Cour Suprême a l’air de prendre, d’une manière ou d’une autre, le parti de M. Trump, ce qui n’est pas impossible puisqu’il s’agit d’une institution, non pas conservatrice, mais toujours marquée à l’extrême-droite du fait du système de son recrutement.

Alors, le monde est très ouvert ! Le monde est très ouvert en ce moment. Il y a des tas de pistes qui s’ouvrent, d’autres qui se ferment mais tout ça, ce sont des choix très, très importants. Et, comme tout le monde l’a remarqué, ce sont des périodes de grande ouverture qui permettent à des individus, à des individualités, d’avoir un pouvoir supplémentaire par rapport aux événements. Pourquoi ? Eh bien, justement ! parce que tout est ouvert ! Il suffit d’un Rouget de Lisle qui écrit la « Marseillaise », il suffit que quelqu’un dise : « On va à la Bastille ! » et qu’il y ait d’autres qui le suivent, comme le Cid : « Nous partîmes cinq cents ; mais arrivés au port, nous étions déjà bien plus nombreux. [« Nous partîmes cinq cents, mais par un prompt renfort, Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port… ») Et voilà ! Donc, ce sont des moments extrêmement labiles, des moments de bifurcation comme on dit en physique.

Alors, moi, je continue à vous tenir plus ou moins au courant, à ma manière, sur des petites notes par ci par là, en rassemblant l’information. Voilà !

Allez ! A bientôt !

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