Un sommaire par M. O. d’une communication de George Soros, bête noire de l’OMF (Ordre Mondial Fachosphérique). Ouvert aux commentaires.
Le 29 mai 2018 George Soros tenait un discours au Conseil Européen des Relations Internationales (ECFR) dans lequel il soulignait que l’objectif d’une union renforcée, semblait mise bien mal en point par certains pays membres et qu’une Europe à plusieurs vitesses semblait prendre le pas sur une Europe « multi-pistes ». Comment ce projet politique qui a soutenu la paix et la prospérité dans l’Europe d’après guerre a pu en arriver là ?
L’Union Européenne est confrontée à trois problèmes urgents : la politique d’austérité, la crise des réfugiés et la désintégration territoriale.
Pour Soros, l’Union Européenne incarnait l’idée d’une association volontaire d’États égaux qui se sont regroupés et ont sacrifié une partie de leur souveraineté pour le bien commun. Hélas, la crise de 2008 est passée par là et les réductions budgétaires qui ont conduit à la crise de l’euro, ont transformé un idéal en une relation créanciers/débiteurs. Résultat ? Les citoyens européens considèrent l’Union Européenne comme un ennemi qui détruit l’emploi et menace l’avenir.
En 2015 – même si on comprenait le sort de ces gens qui fuyaient la guerre ou la répression politique – l’afflux des réfugiés a été vu par beaucoup comme la cause de l’effondrement des services sociaux. L’échec des politiciens à gérer la crise, a fait le reste. L’extrême droite allemande (AfD) est devenu le plus grand parti d’opposition du pays. La situation en Italie n’est pas réjouissante. L’avènement du nouveau gouvernement anti-européen n’arrange pas les choses. En Hongrie, le premier Ministre Viktor Orban a gagné les élections en faisant croire que l’Union Européenne visait à inonder la Hongrie de réfugiés musulmans. Il défend aujourd’hui l’idée d’une Europe chrétienne et espère prendre le contrôle des partis démocrates-chrétiens au parlement européen.
Soros souligne qu’on ne peut pas imposer aux États membres d’accueillir des réfugiés. Le processus devrait être volontaire pour les États comme pour les migrants d’ailleurs : eux aussi devraient avoir le choix du pays qu’ils désirent rejoindre. Il est également urgent de réformer le règlement de Dublin qui impose une charge injuste aux pays méditerranéens. Si l’Europe se doit de protéger ses frontières extérieures, elle a le devoir de laisser circuler les migrants légaux à l’intérieur de celles-ci. L’idée d’une « Europe forteresse » est tout à fait irréaliste. La seule façon de résoudre le problème des réfugiés c’est que l’Europe apporte son aide en Afrique et ailleurs en offrant une aide substantielle aux régimes démocratiquement enclins, leur permettant ainsi d’offrir éducation et emploi à leurs ressortissants.
Il s’agirait en quelque sorte d’un « plan Marshall pour l’Afrique », ce qui contribuerait également à réduire le nombre de réfugiés politiques. Les pays européens pourraient ainsi y trouver une main d’œuvre correspondant à leur besoins économiques. Hélas, l’Union Européenne n’a toujours pas de politique migratoire commune et surtout, la plupart des pays européens ne souhaitent pas favoriser le développement démocratique en Afrique ou ailleurs. Ce qui conduit à soudoyer des dictateurs pour empêcher les migrants de traverser leur territoire ou pour leurs citoyens de partir, ce qui, à long terme, engendrera plus de réfugiés politiques.
Or, il est clair que la solution à la crise des réfugiés ne peut qu’être européenne. Le budget de ce plan Marshall est énorme : il s’élèverait – au moins – à 30 milliards d’euros par an pendant des années. Les États membres, même s’ils le voulaient, ne pourraient y contribuer que de façon infime. Alors d’où pourrait provenir l’argent ? La capacité d’emprunt de l’Union Européenne est largement inutilisée et pourtant, cette capacité ne devrait-elle pas servir dans le cadre d’une crise existentielle ? Historiquement, la dette nationale a toujours augmenté en temps de guerre. Mais l’orthodoxie qui prône l’austérité est peu encline à laisser la dette nationale enfler. Cependant, l’austérité n’aggrave-t-elle pas la crise européenne ?
Jusqu’à il y a peu, l’austérité semblait être la solution mais les États-Unis ont exacerbé les problèmes de l’Union Européenne en se retirant de l’accord nucléaire iranien et en compromettant ainsi l’alliance atlantique. Ce qui aura des répercussions sur l’économie européenne et provoquera d’autres bouleversements. La force du dollar précipite déjà une fuite des pays émergents. Tout cela pourrait provoquer une autre crise financière majeure. La stimulation économique d’un plan Marshall pour l’Afrique et d’autres partie du monde en développement devrait intervenir au bon moment.
Soros fait, sans entrer dans les détails, une proposition qui permettrait à l’Europe d’exploiter les marchés financiers à un taux très avantageux sans encourir d’obligation directe pour elle-même ou pour ses membres et qui offre des avantages comptables considérables. Bien que l’idée soit novatrice, elle a déjà été utilisée avec succès dans d’autres contextes, principalement des obligations municipales génératrices de revenus aux États-Unis, ainsi que dans le financement du traitement de maladies infectieuses.
Il est vraiment grand temps pour l’Europe de se réinventer. Les temps ont changé depuis l’époque de la Communauté du charbon et de l’acier. Les citoyens européens se sentent exclus et ignorés. Nous avons besoin d’une collaboration entre l’approche descendante de l’Union européenne et les initiatives ascendantes nécessaires pour engager l’électorat.
En effet, le désenchantement des citoyens a entraîné des situations comme le Brexit. Ce divorce sera long – 5 ans, peut-être plus – coûtera cher et est dommageable pour les deux parties. La crise existentielle de l’Union Européenne est bien là mais, l’attention est détournée vers la préparation d’un accord de séparation avec la Grande Bretagne. C’est un accord perdant-perdant. Il vaudrait mieux qu’une solution émerge au plus vite. C’est dans ce contexte que Soros a soutenu l’initiative « Best for Britain » qui s’est battue et a aidé à gagner, un vote parlementaire significatif qui inclut l’option de ne pas quitter l’Europe avant que le Brexit ne soit finalisé. La Grande-Bretagne rendrait un grand service à l’Union Européenne si elle annulait le Brexit. Mais pour être pris au sérieux, il faut être convaincant et le but de « Best for Britain » est bien de convaincre l’électorat. Les arguments économiques en faveur du maintien de la Grande-Bretagne ne sont devenus clair qu’au cours des derniers mois. Entre-temps, il faudra que l’Union européenne fasse ce qu’il faut pour que les Britanniques aient envie d’y rester.
Cette Europe là, devrait commencer pas faire la distinction entre la zone euro et l’Union Européenne et admettre que l’euro a de nombreux problèmes non résolus qui pourraient menacer le projet européen. Il faut en finir avec ces traités obsolètes qui considèrent que les états membres doivent adopter l’euro et de considérer que ceux qui comme la Suède, la Pologne et la République tchèque, n’ont pas la volonté de le faire, sont des membres inférieurs.
Le cadre de l’Union Européenne et son noyau dur – la zone euro – n’encouragent pas l’adhésion aux projets européens et nul ne peut nier les divergences que cela entraîne entre les membres. L’objectif devrait être une Europe « multi-pistes » qui laisse aux états membres une grande variété de choix. Si la coopération était plus positive, il est évident que certains auraient moins de réticence à plus d’union. Ils pourraient peut-être alors envisager, par exemple, de participer à des objectifs communs comme celui de la défense.
La crise existentielle de l’Europe ne correspond pas à une figure de style mais est une réalité profonde. C’est ce qu’Emmanuel Macron a souligné dans le discours qu’il a prononcé à Aix-la-Chapelle quand il a reçu le prix Charlemagne. Son appel à une consultation citoyenne a été entendu par Angela Merkel qui est bien douloureusement consciente de l’opposition à laquelle elle est confrontée. Si tous deux réussissaient malgré tous les obstacles, ils suivraient les pas de Jean Monnet et son petit groupe de visionnaires. Mais ce groupe restreint doit être remplacé par une grande vague d’initiatives pro-européennes ascendantes. C’est ce que le réseau des fondations de Soros s’engage « Open Society » à soutenir.
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