Trends – Tendances : Revenir à la banque au service de tous, le 26 avril 2018

Revenir à la banque au service de tous

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La légende veut que les investisseurs se privent de sommes dont ils disposent et doivent légitimement être rémunérés pour le sacrifice qu’ils consentent. Or, s’il s’agissait pour eux ou elles véritablement d’un sacrifice, gageons qu’ils n’y consentiraient pas et que ces sommes seraient utilisées pour satisfaire par priorité un besoin qui est véritablement le leur.

Si sacrifice il y a, il est bien plus probable qu’il se trouve du côté des emprunteurs car ceux-ci, ayant rarement le loisir de faire autrement que d’emprunter, sacrifient les heures de travail qui devront être effectuées pour parvenir à s’acquitter des intérêts qui devront être versés, véritable hypothèque sur leur avenir.

Si l’on veut bien y réfléchir un moment, s’engager à rétribuer ceux qui disposent de sommes en sus de ce qui leur est nécessaire, aux dépens de ceux qui au contraire ne disposent pas eux de surplus, est un choix de société où le plus fort est récompensé au détriment du plus faible. Chose qui est donc très loin d’aller de soi.

C’est à l’oubli ou à la distraction seulement que l’on doit qu’une distinction que chacun avait à l’esprit autrefois ait cessé d’être faite entre des versements d’intérêts ou de dividendes qui représenteront une part de nouvelle richesse créée à partir des capitaux qui ont été prêtés, comme c’est le cas dans le crédit aux entreprises, et des flux d’intérêts résultant de l’hypothèque d’heures de travail à effectuer à l’avenir. Dans le premier cas, c’est la croissance économique qui veillera à ce que le montant des versements soit trouvé, alors que dans le second, dans le crédit à la consommation, ou dans le crédit local veillant à l’entretien des collectivités, le soin de réunir les montants nécessaires a été confié au labeur et aux soucis qui l’accompagnent immanquablement.

À l’automne 2008 et dans le sillage de l’effondrement généralisé du système financier dû aux subprimes, l’État est intervenu comme financier de dernier ressort au moment où les intérêts privés avaient fait la preuve de leur incapacité à veiller encore à l’intérêt général. Il a eu raison bien entendu. Il lui est cependant reproché aujourd’hui de se mêler de ce qui ne le regarde pas en demeurant propriétaire de banque. Peut-être, mais combien d’années, voire seulement de mois, avant que la « main invisible » du marché fasse la preuve une fois encore de son inaptitude occasionnelle ? Plus accusateur encore, on entend dire parfois : « Les banques publiques ne font guère mieux que les autres ! », en oubliant – de bonne ou peut-être de mauvaise foi – que cette mauvaise gestion n’a débuté que lorsque le dogme de la concurrence salvatrice a été inscrit dans les traités où il a remplacé le constat des bienfaits de la solidarité, dont l’évidence prévalait jusque-là. Oui, en effet, lorsque les banques publiques ont été forcées – Ô Dexia ! – à mettre elles aussi l’obsession du profit au premier rang de leurs priorités, au détriment de l’intérêt général, elles n’ont pas pu faire mieux que le secteur privé.

Souvenons-nous que nul ne songeait à stigmatiser le Crédit Communal en son temps, et dans le cas du sauvetage de la part de Dexia devenue Belfius, l’argent de l’État, celui du contribuable, s’est retrouvé là où il aurait logiquement toujours dû l’être. Prenons bien soin qu’il y reste, et profitons-en pour nous souvenir que le prêt à la consommation et aux collectivités relève d’un service public tentant de parer partiellement aux injustices dans la répartition des richesses. Rien ne vient justifier de contribuer davantage encore à la concentration des richesses en retirant à la communauté ce qui lui est revenu à la suite d’une catastrophe dont la responsabilité est entièrement attribuable aux initiatives privées. Voyons-y plutôt le germe d’un type de finance au service de tous redevenu possible et protégé du fléau de la spéculation, source, comme nous ne pouvons l’ignorer depuis 2008, de risque systémique potentiellement cataclysmique. Faisons de Belfius le laboratoire d’une finance ayant retrouvé le rôle qui n’aurait jamais dû cesser d’être le sien, d’authentique système sanguin de l’économie.

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5 réponses à “Trends – Tendances : Revenir à la banque au service de tous, le 26 avril 2018”

  1. Avatar de Gilbert Wampach
    Gilbert Wampach

    Pour avoir travaillé au départ dans une des 5 institutions publiques de crédit belges (CGER caisse générale d’épargne et de retraite, SNCI société nationale du crédit à l’industrie, CCB crédit communal de Belgique, CA crédit agricole, CP crédit professionnel) je peux dire que ces institutions respectables étaient accusées par les banques privées dans la deuxième partie des années 80 de concurrence déloyale pour leurs taux d’épargne trop élevés et de crédit trop bas, ce qu’elles ne pouvaient faire que parce que, honte sur elles, elles n’avaient pas… d’actionnaires.

    Heureusement la privatisation a résolu ce scandale avec les résultats mirobolants qui ont pu être enregistrés en 2008.

    Comme la mariée a dû être rendue la plus belle possible, quelle ne fut pas ma surprise de voir mon institution publique ouvrir avec, je suppose, l’autorisation indispensable du Ministre des Finances, une boîte aux lettres notamment… aux Iles Caïman pour faire comme les banques privées, la concurrence déloyale devant être éradiquée des deux côtés.

    Le maintien de la banque Belfius dans le giron public devrait être possible mais pas dans les conditions actuelles où l’Etat ne fait que remplacer les actionnaires en touchant les dividendes et en poussant à la rentabilité maximale.

  2. Avatar de Tout me hérisse
    Tout me hérisse

    Comment classer les banques existantes à l’heure actuelle ?
    Pourrait-on tracer une analogie avec le règne fongique:champignons parasites, champignons symbiotiques, champignons saprophytes ?

  3. Avatar de Germanicus
    Germanicus

    La Deutsche Bank va mal, très mal; elle renonce à tout ambition mondiale et elle a annoncé des plans sociaux importants. Je trouve cela très bien, elle l’a mérité. Pourtant, son déclin était prévisible. Chose symbolique: il y a des années, lorsque Monsieur Ackermann était à la tête de la banque, elle a subie une perte colossale à ……….Las Vegas, dûe à un investissement déraisonnable.

  4. Avatar de dparmen1
    dparmen1

    Pour un ignare en économie et en finance comme moi, il m’est toujours apparu que le système de prêt à intérêts est par essence, et probablement par construction, le système le plus abouti pour enrichir les riches.
    Pour un ingénieur dont une (bonne) partie du travail consiste à optimiser la stabilité des systèmes, voir des cerveaux réputés sains (voire l’élite des mathématiciens français) phosphorer sur le trading haute-fréquence et autres constructions éminemment instables continue de me questionner sur la part de déni, d’incompétence et de cynisme de l’être humain.
    Que des économistes dont l’alpha et l’oméga est la préservation du capital ne voient pas que le seul capital réel est le capital naturel, le reste étant pure construction intellectuelle, m’interroge tout autant.

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