À propos de Union de la gauche ou populisme ? La France insoumise hésite et se déchire, par Hadrien Mathoux, dans Marianne, le 16 avril 2018. Ouvert aux commentaires.
Tentons, si faire se peut, une « méta-analyse ».
Les valeurs de gauche se sont construites dans un monde de canalisation des technologies et de l’énergie (cela, dès le XVIIIème siècle), monde qui devenait assez « plein » pour que la protection du seigneur ne passe plus pour un truc très utile pour votre survie en local. 1789 catalyse l’effort des Lumières (si vous vouliez partie en campagne de Russie dans un grognard grognement, c’était OK vingt et quelques années plus tard). Les ressources accrues sont aussi synonymes de famines, ce n’est pas contradictoire, puisque l’organisation ne colle plus pour distribuer à grande échelle.
L’émancipation aujourd’hui n’est plus vécue comme la nécessité, ou a minima comme la façon pour le peuple des usines de peser sur son destin. A ce niveau, certains points de Michéa sonnent juste. La gauche politicienne n’a eu de cesse de s’éloigner de la solidarité véritable (d’où la 2ème gauche blairiste, opposée aux mineurs britanniques en grève). Faire valoir un cadre international est à double tranchant, puisqu’on n’a pas résolu le début de la moitié de la question du développement des pays d’origine des vagues de migrations, pays où souvent le développement est en panne quand il n’est pas en marche arrière.
Faute de prise sur le volet économique et matériel, le ressenti pour ce qui tient lieu d’émancipation se réduit à une bataille culturelle dans le monde de l’information. L’accès à l’information et à son intelligibilité est devenu une question épineuse. Si on prend les news mainstream, on voit bien que « quelque chose cloche » puisque d’une part le constat des difficultés est souvent très circonscrit et que d’autre part l’évocation de ces difficultés quand elle perce quand même un peu ne résulte nullement, après les élections, dans le début de leur solution. C’est le contraire, si l’on observe les actes posés par notre M. « en même temps » (et maintenant par ses paroles vindicatives aussi).
Du coup, la bataille de l’information est ce qui reste. Comment se croire victorieux sur le front du mainstream ? chez Berruyer & Co, on va souper de l’analyse « non mainstream », donc, vas-y coco, c’est du bon (Todd en a rajouté une couche, faut dire qu’on l’interviewait le matin qui suivait les frappes en Syrie, avec l’unanimisme médiatique partout en Europe sur le sujet qui l’a agacé). Je ne sais pas si mon moignon d’analyse rejoint Mouffe et Laclau, mais il est clair que ce front de bataille de l’information est le front du jour. La tentative « Le Média » ne restera sans doute pas comme une bombe atomique informationnelle, mais il en sort un peu de chevrotine, semble-t-il, un peu moins déflagrante.
Dans ce contexte peut-être n’est-il pas crucial de s’arcbouter contre le fait que « Ah, la FI de gauche fait jonction avec notre « Ligue », le FN ou le WauquFN ». Mais davantage de se demander ce qui jouera le rôle de l’industrie dans la genèse du marxisme et autres idéologies de gauche autour d’un monde s’appropriant à l’époque l’énergie. La transposition aujourd’hui est un monde s’appropriant l’information. Il attend son marxisme. La valeur travail s’y déplace en valeur information, ce qu’on peut faire de l’information quand on est mal protégé est d’abord de se reconstruire une membrane.
On retrouverait dans cette logique un monde de corporations (les anciens maîtres de jurande) pour que chacun ait sa « membrane » à son échelle, jouant le rôle des syndicats d’il y a 50 ans. Mais les revendications ne peuvent être pour l’instant que du niveau « cour de récré », « M’dame il a plus de privilège que moi ! ».
Macron a compris qu’on pouvait jouer ce jeu-là lui aussi.
Dans le monde de gauche encore innovant (Génération.s), la bataille de l’information n’est pas bien gréée. Ne pas s’attendre à des miracles de ce côté-là. En revanche si cela pouvait se coupler au « soin » (care ou autre concept amélioré), il y aurait un peu de marge. Ainsi, la génération « Windrush » en Angleterre est un signe avant-coureur, me semble-t-il. Peut-on rendre robuste des communautés mal « raccordées » au système, par une meilleure information ? Comprend-on les mécanismes à l’oeuvre ? C’est ce rôle de « détection d’inégalité » (dans un sens assez général) qui me semble le point d’appui principal dont la gauche pourrait tirer profit pour faire feu de tout bois.
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