Les temps qui sont les nôtres : « En direct de la Maison-Blanche ! », le 4 mars 2018 – Retranscription

Retranscription de Les temps qui sont les nôtres : « En direct de la Maison-Blanche ! ». Merci à Pascale Duclaud !

Bonjour, nous sommes le dimanche 4 mars 2018 et aujourd’hui dans la série Les temps qui sont les nôtres : un petit exposé que j’appellerai « En direct de la Maison-Blanche ! ». Alors, quand je l’écrirai, je mettrai bien ça – « en direct » – entre guillemets parce que je ne suis pas en direct de la Maison Blanche. Mais je voudrais attirer l’attention sur le fait que ce que je vais essentiellement vous dire, ça vient d’informations qui sont présentées dans la presse comme étant en direct de la Maison-Blanche.

Je vais commencer par un ami de M. Trump, M. Chris Ruddy, qui dit la chose suivante, il dit : « C’est en ce moment le chaos à la Maison-Blanche mais c’est formidable pour M. Trump parce que c’est le type d’atmosphère dans lequel il peut s’épanouir, où il parvient à réussir à faire des choses. Et par exemple, il a fait passer cette loi sur l’impôt, sa réforme fiscale, qui permet aux grosses entreprises de gagner beaucoup plus d’argent, de ne pas devoir en donner autant à l’État. Même chose pour les fortunes les plus riches qui, bien entendu, pourront réinjecter dans l’économie l’argent qu’elles ont en trop, qu’elles n’utilisent pas de toute manière directement. Et même si ces gens-là [se contentent de] dépenser de l’argent, eh bien cela fera marcher l’industrie.

Alors par ailleurs, l’économie est en bonne santé. Le fait que les [taux] d’intérêt montent d’ailleurs, reflète cette bonne santé de l’économie. Et par ailleurs, M. Trump réalise son programme de remplacer des juges trop complaisants pour les idées de gauche par des personnes véritablement conservatrices. Et donc voilà : le bilan est excellent !

Alors ce M. Chris Ruddy est quand même assez isolé. Il est assez isolé dans ses opinions. Ce sont les seules que j’ai trouvées véritablement positives sur ce qui se passe en ce moment à la Maison Blanche. Les autres utilisent le mot « chaos » mais pour décrire une atmosphère dont ils considèrent – les commentateurs, éditorialistes, chroniqueurs, journalistes – qui considèrent que ce chaos n’est pas une bonne chose. Ils attirent l’attention sur les informations contradictoires qu’émet M. Trump et surtout la perte, dans son environnement, perte d’un grand nombre de personnes sur lesquelles il comptait.

Alors, quelles sont les décisions récentes de M. Trump ? Il a parlé du contrôle de l’armement, « Gun Control » : la possibilité pour les citoyens américains – c’est un amendement de la constitution qui leur permet cela – d’acheter des armes comme ils l’entendent. Pourquoi cet amendement dans la constitution ? Eh bien c’est une vieille idée qui est celle qu’une milice spontanée devrait pouvoir émerger si la nation était attaquée ; ça date bien entendu de l’époque de la guerre d’indépendance contre la Grande-Bretagne. J’ai aussi attiré l’attention, moi, à différents moments, sur le lien qui existe entre cette attitude extrêmement laxiste, ou libérale si on veut, vis-à-vis de l’armement privé lié à la culture rurale des États-Unis. Culture rurale où à l’opposé – dans nos pays en l’Occident – de la conception qui est apparue dans la bourgeoisie des villes, qu’il fallait déléguer la défense du ménage à un « guet », à une milice, mais qui seraient organisés à l’échelle de la bourgade alors que dans la campagne, le paysan et sa famille restaient isolés sans avoir la possibilité de se défendre contre des bandes dont on sait quelles existaient et qu’elles exerçaient leurs ravages et que c’était un des grands dangers de vivre de manière isolée à la campagne.

Trump a récemment changé d’attitude vis-à-vis de cela. Il avait commencé par proposer à la suite d’un massacre qui avait eu lieu à l’école de Parkland, il avait proposé d’armer les enseignants comme étant la réponse (rires) au problème. J’avais un peu ironisé dans un billet en disant que l’étape suivante c’était également d’armer les étudiants pour qu’ils puissent se défendre eux aussi ! Mais dans les jours récents, il avait proposé que le contrôle à la vente des armes soit renforcé et qu’en particulier on puisse de manière autoritaire retirer des armes à des personnes qui seraient jugées déséquilibrées. Manque de pot, le lendemain il rencontre des lobbyistes de la N.R.A – la National Rifle Association, le syndicat d’organismes de défense des droits des porteurs d’armes – et il est apparu hier que peut-être il avait encore changé d’avis là-dessus. Par ailleurs il a annoncé vendredi, bien sûr cette idée de tarification, en fait de droits douaniers importants, sur les importations aux États Unis d’aluminium et d’acier. Vingt cinq pourcent de taxe sur l’importation d’acier et dix pourcent sur l’aluminium. Il s’attendait à des haut-cris de la Chine qui est le pays qu’il vise essentiellement mais c’est surtout du côté de l’Union Européenne que jusqu’ici des cris sont poussés. À quoi il a répondu ce matin que eh bien on allait voir ce qu’on allait voir, que ce n’est pas l’Union Européenne qui lui faisait peur.

Alors, des attitudes – voilà – comme ça extrêmement provocatrices … D’où lui vient cette idée de tarifications, de droits douaniers importants ? C’est un reste des conseils que lui donnait M. Steve Bannon, grand représentant de l’extrême droite, qui se trouvait dans son cabinet comme conseiller, qui est parti, mais dont on sait que comme les opinions personnelles de M. Trump sont très proches de celles de M. Steve Banon, on se disait qu’un jour ou l’autre ces idées referaient surface. Et elles auront refait surface. Elles ont été aussi inspirées d’une certaine manière par M. Peter Navarro. Je ne sais pas s’il est toujours conseiller de M. Trump mais en tous cas un économiste qui a des vues depuis pas mal d’années sur justement sur la nécessité peut-être de revenir à un certain protectionnisme. Affaire en cours parce que M. Gary Cohn, le conseiller spécial de M. Trump sur les affaires d’économie, jette le bras au ciel. Lui c’est un banquier de… un ancien banquier de Goldman Sachs et il n’est pas du tout en faveur de ce genre d’idées.

Alors par ailleurs deux défections si on veut : l’une est une « défection » entre guillemets et l’autre pas. Une défection importante, c’est celle de Mme Hope Hicks qui était une conseillère de M. Trump en matière de communication, qui a annoncét son départ. C’est une personne très particulière dans la mesure où elle a vraiment la confiance de M. Trump depuis pas mal d’années. Elle est considérée là aussi entre guillemets comme son « thérapeute ». C’est une personne qui sait prendre M. Trump et qui, quand il lui fait part de certaines décisions, lui dit : « Réfléchissons encore un peu Monsieur le Président. Qu’en pensez-vous exactement ? » et qui l’a conduit au cours de l’année passée à une certaine modération. Pourquoi est-ce que cette dame s’en va ? Parce qu’elle est apparue dans la presse tabloïde ou de « gouttière » [gutter], de [caniveau] comme on dit aux États-Unis, des photos d’elle et d’un certain M. Rob Porter qui était également conseiller à la Maison-Blanche. Elles ont apparues montrant que leur relation est une relation intime, à la suite de quoi deux anciennes épouses de ce M. Rob Porter ont fait savoir officiellement que c’était un… que c’était une personne qui s’était rendue coupable de violences conjugales très graves – On a d’ailleurs pu voir une photo d’une de ses anciennes épouses avec un œil au beurre noir impressionnant – et donc scandale ! Scandale parce qu’il est apparu qu’en fait, la Maison-Blanche avait été prévenue par le F.B.I. tout au début sur le fait que ce monsieur était un monsieur qui avait un passé très particulier. On l’a dit quand la nouvelle est apparue, que non ce n’était pas vrai : on ne le savait pas. Mais les preuves ont été apportées ; la Maison-Blanche le savait.

Alors, ce M. Rob Porter a dû partir, et Mme Hope Hicks part dans son sillage. Et là c’est une perte importante pour M. Trump parce qu’il a très peu… il lui reste très peu véritablement d’interlocuteurs. Ils tombent les uns après les autres, surtout pour effets d’amateurisme parce qu’il a nommé des gens qui n’avaient pas… je dirais pas du tout de pratique du boulot auquel il les a nommés. Et là ça nous produit une transition facile, vis-à-vis justement de son gendre : de M. Jared Kushner, époux de sa fille, la fille de M. Trump : Ivanka Trump.

Et ce monsieur comme vous le savez – eh bien j’en parle depuis un certain temps – a des ennuis. Il a des ennuis parce qu’il a perdu très récemment son accréditation au secret défense. Alors, quand on sait que c’est un monsieur qui est aux commandes pour justement travailler sur des dossiers comme Israël/Palestine, des questions très importantes aussi sur le numérique et le renouvellement numérique aux États-Unis, qu’il est en contact avec le Mexique, avec les Émirats Arabes Unis, la Chine d’une certaine manière, c’est évidemment le fait qu’il perde cette accréditation qui rend sa tâche extrêmement difficile. Il avait été expliqué il y a quelques temps que s’il était en danger de perdre cela, c’était en raison d’informations qui allaient apparaître. Et ces informations qui sont à paraître sont de deux ordres : les premières c’est qu’ont été interceptés – mais évidemment par les services de renseignements américains – des informations venant de ces quatre pays que je viens de signaler, Mexico, le Mexique, la Chine, les Émirats Arabes Unis, et puis le quatrième c’était quoi… Israël ! Des conversations au niveau diplomatique : comment influencer M. Jared Kushner, comment le manipuler, manipulations d’autant plus simples semble-t-il du fait que sa compagnie, la compagnie dans laquelle il est, est en difficulté financière. Elle doit rembourser un prêt de 1,2 milliards de dollars sur une opération immobilière qui était de très mauvaise nature. Et il semble que M. Kushner, grâce à ses relations, en particulier avec le Qatar par le biais d’un fond américain et avec la banque City Bank, a obtenu récemment des prêts de l’ordre de plusieurs centaines de millions de dollars en raison des contacts qu’il a avec ces différents interlocuteurs. D’autre part, en ce qui concerne les pays dont on a intercepté des intentions mauvaises, il n’a pas toujours fait connaître aux interlocuteurs officiels qu’il devait informer de ses contacts à l’étranger. Il ne les a pas informés. Donc M. Kushner est désormais a « lame duck » comme on dit, un canard boiteux, et qui ne pourra pas continuer de jouer à la Maison-Blanche le rôle qu’il a joué. Alors la presse conservatrice lui conseille de se retirer avant qu’on le vire entièrement. C’est le cas d’un éditorial, hier dans le Wall Street Journal. Le Wall Street Journal est un journal, je dirais sans opinions politiques particulières en temps normal mais ses éditoriaux sont toujours de droite, voire même d’extrême-droite. Ils sont beaucoup plus marqués politiquement que l’information qu’on trouve dans ses colonnes.

Alors, voilà ! Des pertes importantes pour M. Trump. Il a perdu de fait son gendre. Sa fille est associée à son gendre dans l’opinion et par rapport à ce qu’elle peut dire. Son cercle intérieur est en train de se restreindre considérablement. Il est encore question pour lui de se débarrasser de gens qui sont aussi dans son entourage proche : son ministre de la justice, M. Jeff Sessions qu’il attaque de manière ininterrompue maintenant en l’appelant « nullard » etc. dans ses tweets ; M. McMaster un autre conseiller, et il est question… on entend dire qu’il voudrait peut-être se débarrasser de M. John Kelly, le général qui a remis un peu d’ordre à la Maison-Blanche mais qui est la personne qui vient maintenant effectivement d’éliminer Jared Kushner.

En fait, ce général Kelly s’y est très, très mal pris parce qu’il peut paraître aux yeux de l’opinion qu’il s’est tournée contre Jared Kushner pour essayer de cacher, de couvrir plus ou moins une erreur qu’il avait faite. Quelle était cette erreur ? C’est le fait que ce M. Rob Porter, au moment où sont apparues les informations disant qu’on avait prévenu la Maison-Blanche que c’était l’auteur de violences conjugales graves, avait essayé de protéger M. Porter en disant « Non, non ! C’est une personne très honorable » etc., etc. Il a dû faire machine arrière. Il a dû faire machine arrière et il pourrait sembler que cette affaire d’accréditation secret défense, quand il a dû à ce moment-là je dirais se débarrasser d’un certain nombre de personnes dont M. Porter, à propos de cette histoire d’accréditation, que M. Jared Kushner serait, lui, un peu une victime collatérale de cela. Mais quand on voit les informations qui apparaissent, contacts de M. Kushner avec des puissances étrangères non mentionnés par les canaux officiels, argent qu’il récolte grâce à l’influence qu’il peut avoir de se trouver à la Maison-Blanche, et puis surtout dans le cas de M. Kushner, cette casserole extraordinaire bien entendu, le fait qu’il était… qu’il s’est retrouvé en présence de M. Paul Manafort qui est maintenant accusé véritablement par la commission de M. Muller, la commission d’enquête. Ce M. Manafort se trouvait à la réunion, une réunion dont le but était d’obtenir des informations qui allaient décrédibiliser Hillary Clinton avec des personnes qui se présentaient comme étant des émissaires de M. Poutine, ayant des informations très importantes. Réunion à laquelle se trouvaient M. Manafort, M. Jared Kushner et M. Donald Trump Jr. ; une rencontre qui se trouve bien entendu au centre de l’enquête sur une collusion éventuelle entre la Russie et l’équipe Trump, soit en période pré-électorale, soit encore dans la période de la présidence. Il semble aujourd’hui – on l’entend dire – c’est dans un article du New York Times, qu’en fait l’enquête sur l’influence des financeurs, soit de M. Trump, soit de son gendre Jared Kushner, que des interférences liées à des prêts ont eu lieu pendant la période de la présidence, ce qui expliquerait pourquoi l’enquête de M. Mueller s’étend maintenant en particulier à des prêts qui pourraient venir du Qatar, nation qui avec la Chine, le Mexique, la Chine, Israël, aurait pu interférer récemment avec la politique américaine. Voilà !

Alors, qu’est-ce que l’on voit… Qu’est-ce qu’on voit à l’œuvre là ? Je résume là-dessus pour terminer : il y a un combat. Il y a un combat entre une Amérique de toujours et une autre Amérique de toujours. Amérique au sens des États-Unis, que j’ai déjà résumé à certaines occasions comme étant le vieux combat entre le Nord, l’Union et le Sud, les états confédérés qui s’était résolu dans une guerre civile que nous appelons nous la Guerre de Sécession. Il y a d’un côté, avec ce M. Mueller, il y a le Nord manifestement. Il y a des références manifestes quand on lit la biographie de ce M. Mueller, on pense à Abraham Lincoln sans la moindre difficulté. Et quand on regarde du côté de M. Trump, j’ai utilisé l’expression à la suite des incidents qui avaient conduit à la mort de cette jeune femme [P. J. : Heather Heyer] après la manifestation suprémaciste : M. Trump, un général sudiste.

Voilà ! Ces deux opinions sont là, de nouveau en conflit, véritablement au premier plan. Qui va gagner ? Eh bien c’est comme dans une guerre civile ! On ne peut pas savoir d’avance mais on a d’un côté un personnage représentant l’intérêt général des valeurs universalistes et puis de l’autre côté un camp qui représente le chacun pour soi, le triomphe des valeurs purement individuelles. Alors c’est un feuilleton ! C’est un feuilleton bien entendu. Je vous ai livré aujourd’hui un épisode.

Eh bien à bientôt ! On se retrouve certainement bientôt.

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  1. Mes yeux étaient las, bien plus que là, juste après l’apostrophe : la catastrophe.

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