Billet invité.
« Pendant les travaux, les ventes continuent à l’intérieur ! », l’annonce vaut pour le sujet le plus austère du moment, les discussions franco-allemandes destinées à mettre au point un compromis à propos de la restructuration et de la relance européenne.
En attendant que la situation politique se clarifie à Berlin, les chefs d’État les évoqueront aujourd’hui dans les couloirs de leur réunion. Car, dans l’immédiat, ils doivent prioritairement déminer deux dossiers qui font désaccord parmi d’autres : la méthode de désignation du remplaçant de Jean-Claude Junker, et les mesures destinées à combler le trou dans le budget de la Commission créé par le départ du Royaume-Uni.
D’ores et déjà, le projet de listes européennes transnationales cher à Emmanuel Macron a été retoqué, y compris par Angela Merkel, qui y a mis les formes, et par le président du Conseil européen, Donald Tusk, qui ne s’en est pas embarrassé pour proposer d’en discuter… dans la perspective des élections de 2024.
Ce Conseil est une mise en jambes pour la Commission européenne, qui devra parvenir à détailler ses propositions de « Cadre financier pluriannuel » (CFP) pour les années 2021-2027 en mai prochain. Comment financer des priorités supplémentaires – défense, sécurité et protection des frontières – avec un budget plus restreint ? Faut-il augmenter les apports des États membres, ou bien tailler dans la politique agricole commune et les fonds de cohésion qui accaparent ensemble 70% du budget ? De sévères contraintes financières ne coincent pas uniquement au niveau national, l’Allemagne mise à part.
Selon le calendrier très serré des discussions, un compromis devrait être trouvé avant mai prochain – un délai considéré comme irréaliste – afin que le Parlement statue et que tout soit en ordre pour les élections européennes de mai 2019… Enfin, le respect des règles budgétaires en matière d’accueil des réfugiés, qui pourrait conditionner l’apport de fonds européens, va également être en discussion. Il vise les pays de l’Est qui s’y refusent catégoriquement.
Dans les coulisses, il est tenté de débloquer pour la suite trois dossiers : la constitution d’un fonds d’assurance européen des dépôts bancaires, la limitation de la détention par les banques de titres souverains de leur État, et la création d’une ligne de crédit de relance de la zone euro inscrite dans le budget communautaire (à défaut d’un budget séparé).
Mais il va falloir y regarder de plus près. On sait déjà que le montant de cette ligne de crédit sera très réduit en ces temps de disette budgétaire de la Commission, mais elle pourra être présentée comme un point départ. Quant à lui, le projet de fonds d’assurance européen n’impliquerait plus qu’une mutualisation partielle, chaque pays restant pour partie responsable du remboursement des dépôts de ses banques. Enfin, quel mécanisme incitera les banques à respecter des plafonds de détention de la dette souveraine de leur pays ? Et par le biais de quel autre les obstacles que rencontre la résorption du stock des prêts non performants (NPL) seront-ils surmontés ?
Au milieu de ce capharnaüm, le groupe d’économistes franco-allemand qui tente « une approche constructive » de la zone euro, une nouvelle fois suite aux tentatives de l’Institut Bruegel, cherche à rapprocher les points de vue en faisant assaut de créativité. Largement à contre courant des positions dominantes défendues en Allemagne, il use des techniques de l’ingénierie financière – création d’actifs structurés, émission d’obligations juniors … – et préconise des programmes de solidarité financière non contraignants quand les chocs ne sont pas de la responsabilité des gouvernements, allant jusqu’à proposer des dons et non plus des prêts. Qu’en pense le directeur général du MES, Klaus Regling ? Il est à craindre que tout ceci soit un peu trop sophistiqué pour le retraité bavarois et pour tous ceux qui avec lui pratiquent la rétention.
D’une manière générale, un principe fait école dont la vocation est d’être étendu, au détriment de l’adoption des classiques mesures contre-cycliques. C’est celui de l’assurance, qui est déjà adopté sur les marchés financiers. Quoi de mieux, en effet, pour s’épargner de longues séances de nuit à Bruxelles, que de se réfugier derrière la hausse contraignante des taux sur les marchés, pour laquelle il n’y a pas d’appel ?
1er mars, lancement de décodages
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