Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Quand vous empruntez, vous remboursez en versant des intérêts, ce qui est en soi compréhensible. Il faut se poser la question cependant si pour tout ce qu’il est normal de faire : se loger, être mobile, disposer d’appareils ménagers, d’un ordinateur, d’un smartphone, est-il acceptable que pour tout cela nous payons implicitement une taxe pour enrichir les riches ?
Comment dans une société peut-on trouver normal qu’en 30 ans vous deviez tout payer le double pour le même montant à « un riche », comme s’il allait de soit que seuls les riches aient le pouvoir et le droit de vous permettre l’accès à une maison à vous, etc. À quel titre une société justifie-t-elle que ceux qui travaillent doivent s’acquitter d’une taxe aux plus riches qui ne travaillent pas, du même montant sur 30 ans, pour faire des choses que tout le monde doit nécessairement faire ?
Évidemment si vous décidez de monter une usine, construire un immeuble, et non plus seulement votre logement, là le crédit reste évidemment justifié car vous entreprenez et faites quelque chose qui va au-delà de « la normale », mais sinon pourquoi tout un chacun semble-t-il trouver normal de passer la moitié de sa vie à travailler pour quelqu’un d’autre ? D’où vient le droit de celui-ci à vous imposer cela ?
Pour en savoir plus : Paul Jorion, L'argent, mode d'emploi (Fayard 2009) pp. 98-99
Le crédit à la consommation constitue un dévoiement du crédit à la production qui l’a précédé historiquement, et se pose la question de savoir si la logique qui règle ce dernier aurait jamais dû s’appliquer au premier. Ma réponse est « non », comme on l’aura deviné, et je rejoins ici les vues qui furent celles du premier christianisme et de l’islam, et que l’on trouve, comme on le verra, déjà exprimées sous une forme embryonnaire chez Aristote.
La distinction entre crédit à la production et crédit à la consommation est cependant essentielle : ce dernier n’aurait jamais dû être ; il a été engendré par l’histoire de nos sociétés dont la richesse fut confisquée dès l’origine par les guerriers, puis par ceux qui prirent leur place lorsqu’il s’avéra que l’argent accumulé confère des pouvoirs aussi grands que ceux qui, au début, découlaient uniquement du recours à la force : celui de subordonner le temps des autres au sien propre. Le fait que l’on parlait autrefois, pour les intérêts réclamés dans le crédit à la consommation, d’« usure » plutôt que d’intérêts, se fondait sur cette observation qu’une logique réglant la production avait été transposée abusivement du lieu où elle avait sa place vers un autre, la consommation, où elle pallie simplement la distribution hétérogène de l’argent au sein des populations.
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