LA MISE EN SCÈNE FRANCO-ALLEMANDE, par François Leclerc

Billet invité.

Les grandes manœuvres ont commencé, pour ne pas perdre d’avantage de temps. Emmanuel Macron et Angela Merkel essayent de s’épauler mutuellement. Une série de réunions est planifiée entre les autorités allemandes et françaises afin de dégager un accord sur l’avenir de la zone euro, et Jeans Weidmann fait ouvertement campagne pour succéder à Mario Draghi en 2019.

Mais tout accord franco-allemand sur l’Europe restera suspendu à l’avènement de la Grande coalition, alors qu’il se confirme que Martin Schulz envisage de proposer une évaluation de la prochaine mandature à mi-parcours, afin de remporter l’accord des 600 délégués au congrès extraordinaire du SPD de ce week-end. Il faut à tout prix forcer la décision.

Kevin Kühnert, le leader des Jusos (les jeunesses socialistes) émerge comme une nouvelle voix en Allemagne, et pourrait faire échec à la mise en œuvre de la Grande coalition. Avec Martin Schulz, mais chacun de son côté, il fait un tour des organisations locales du SPD, multiplie les interventions à la télé et veut quant à lui rompre « le cercle vicieux des grandes coalitions », le SPD devant selon lui cesser de servir de « mécanisme de correction » du centre-droit. « Le renouveau du SPD interviendra dans l’opposition » proclame-t-il. Si l’examen de passage de ce week-end est remporté par Martin Schulz, ce sera de justesse. En fin de course, il devra encore emporter le referendum final auquel les 450.000 membres du SPD seront appelés à participer.

Les autorités allemandes et françaises ont décidé de laisser au vestiaire les habituelles récriminations et d’adopter un langage positif. On ne parle plus de discipline, mais de responsabilité et de solidarité ! Quand on en vient à jouer sur les mots à son avantage, c’est qu’il ne reste plus grand chose d’autre de disponible : les mots changent, l’orientation politique reste.

Le ministre français Bruno Le Maire propose de commencer les discussions avec au menu l’union bancaire, l’union du marché de capitaux, et l’harmonisation de la fiscalité (et non plus, nuance, sa convergence). Mais, déjà, le point dur que représente le budget d’investissement de la zone euro transparait, bien que sa discussion soit repoussée à la fin des négociations. Bruno Le Maire a fait valoir que c’est le cœur des propositions d’Emmanuel Macron pour qu’il n’en soit pas évacué.

En début de semaine, une conférence organisée par le FMI et la Bundesbank a été à nouveau l’occasion de vérifier que l’intransigeance allemande ne faiblit pas lorsque l’on en arrive au fond des choses. En l’occurrence, quand il s’agit de l’adoption d’une politique d’investissements allemands financée par les surplus budgétaires conséquents du pays. Inflexible, Jens Weidmann a opposé une fin de non-recevoir aux insistantes propositions de Christine Lagarde dans ce domaine, ce qui augure de ce que sera son comportement s’il atteint la présidence de la BCE.

En attendant, le président de la Bundesbank s’est prononcé pour l’arrêt total à la fin de l’année du programme d’achats par la BCE des titres obligataires, faisant état « d’effets secondaires non négligeables ». Il ne les a toutefois pas détaillés afin de ne pas laisser apparaître qu’ils affectent particulièrement l’Allemagne dont il défend les intérêts particuliers.

Incidemment, il a aussi déploré que les banques centrales sont devenues « les plus grands créanciers des États ». Une situation qui ne lui convient pas, car elle soulage les gouvernements de la pression du marché. Une hausse des taux résulterait au contraire de l’arrêt du programme, ce que recherche le candidat à la présidence de la BCE, y voyant le meilleur moyen de faire plier les récalcitrants à l’application de la politique budgétaire.

 

PS : Les trois députés en prison à Madrid ont pu voter. Les indépendantistes catalans sont parvenus à faire élire un bureau du Parlement où ils sont majoritaires, ainsi que son président, Roger Torrent, membre de l’ERC.

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