L’organisation Oxfam, confédération internationale de 20 organisations travaillant et alertant sur l’état de la pauvreté dans le monde, publiera lundi 22 janvier son Rapport sur les inégalités mondiales. Ce rapport décrit avec grands détails la continuation de l’aggravation des inégalités dans le monde depuis un an, au-delà de l’état déjà effarant déjà atteint. Quelques extraits significatifs :

  • Le nombre de milliardaires a connu l’année dernière sa plus forte hausse de l’histoire, avec un nouveau milliardaire tous les deux jours. On dénombre actuellement 2 043 milliardaires en dollars dans le monde
  • 82 % de la croissance des richesses créées dans le monde l’année dernière ont bénéficié aux 1 % les plus riches, alors que la situation n’a pas évolué pour les 50 % les plus pauvres
  • D’après les nouvelles données du Crédit Suisse, 42 personnes détiennent à elles seules autant que les 3,7 milliards de personnes les plus pauvres

Rappelons par ailleurs que le creusement des inégalités se poursuit depuis longtemps, et qu’il touche aussi les populations des pays les plus développés :

  • Au cours des dix dernières années, les travailleurs et travailleuses ordinaires ont vu leurs revenus augmenter de 2 % en moyenne par an, tandis que la fortune des milliardaires a elle augmenté de 13 % par an, presque six fois plus vite
  • Les 1 % les plus riches continuent de posséder plus de richesses que le reste de l’humanité
  • Les trois personnes les plus riches aux États-Unis possèdent autant que la moitié la moins bien lotie de la population américaine (quelque 160 millions de personnes)
  • La France a le record de la rémunération des actionnaires : le total des dividendes versés par les entreprises du CAC 40 est trois fois plus élevé qu’il y a 15 ans, alors que dans le même temps le salaire moyen n’a augmenté que de 14% en France

Oxfam défend dans son rapport un ensemble de propositions visant à bloquer l’aggravation en cours des inégalités, puis à les faire reculer. Dans le cadre de sa campagne « Contre les inégalités, pesons de tout notre poids », une pétition sera mise en ligne à partir du 22 janvier à cette adresse pour demander au président de la République Emmanuel Macron de passer une loi de lutte contre les inégalités par rééquilibrage du partage des richesses créées entre rémunération du capital et rémunération du travail – plutôt que de laisser la seconde être continuellement comprimée au bénéfice de la première.

L’initiative est sympathique.

Mais l’époque est au moins-disant fiscal. Une telle loi serait-elle suffisante pour renverser la tendance ? Ou est-il nécessaire de creuser plus profond, d’aller au-delà d’une simple loi ?

Le patriotisme d’Apple et la course au moins-disant fiscal

Suite à la réforme fiscale décidée par le président Trump, Apple a annoncé qu’il rapatrierait sa trésorerie aux Etats-Unis Grâce à la réforme fiscale de Trump, Apple paie 38 milliards de dollars au fisc américain. Dans son communiqué, Tim Cook le PDG d’Apple faisait preuve à cette occasion d’un beau patriotisme et d’un esprit de responsabilité qui mérite des félicitations :

«Nous ressentons une forte responsabilité à donner en retour à notre pays et nos compatriotes qui ont permis notre succès »

Des esprits chagrins ont cependant suggéré que ni la reconnaissance envers son pays, ni envers les personnes qui ont permis la réussite d’Apple ne motivait Monsieur Cook. Ce serait plutôt la baisse du taux d’imposition des sociétés de 35 % à 20 % mise en place par la réforme fiscale Trump qui l’aurait motivé, en accord avec l’objectif d’augmenter le dividende pour l’actionnaire comme d’ailleurs sa propre rémunération, non un esprit de responsabilité quelconque.

Et en baissant à 20% le taux d’imposition des bénéfices, Donald Trump avait certes mis « du lourd » sur la table.

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Aux enchères inversées, les Etats-Unis tentent de prendre une longueur d’avance…

Le jeu du moins-disant fiscal consiste à demander aux entreprises un montant d’impôts plus bas que le voisin, afin qu’elles daignent déplacer chez vous leur trésorerie. Il est parallèle au jeu du moins-disant salarial lequel vise à proposer une force de travail d’une qualification donnée au prix le plus bas possible, et encore au jeu du moins-disant environnemental basé sur le même principe.

Naturellement, se voir courtisées par les Etats qui se pressent pour obtenir leurs faveurs est une situation fort confortable pour les entreprises, plus exactement pour leurs dirigeants, propriétaires et actionnaires. C’est qu’en se laissant désirer, on arrive à faire monter les enchères – ce qui est certes le principe même de toute bonne négociation commerciale, et le rapport de force favorise nettement les entreprises. Non certes les PME, encore moins les TPE, généralement même pas les ETI (entreprises à taille intermédiaire), trop attachées à un territoire donc à un Etat particulier. Mais bien les multinationales au premier chef.

Naturellement, les actuelles fortes baisses de l’impôt sur les sociétés – aux Etats-Unis mais aussi en France où le taux devrait descendre à 25% d’ici 2022 – ne sont pas les dernières. D’autres pays vont répondre. Il est toujours possible d’imposer encore moins. C’est la beauté de la chose… du moins si l’on est du côté du manche, c’est-à-dire des entreprises multinationales

Naturellement, l’effet net de cette course entre Etats, sur l’imposition comme sur la rémunération du travail, est :

  • l’augmentation des inégalités
  • la rémunération du capital préférée à celle du travail
  • la baisse tendancielle des investissements publics
  • en même temps que la croissance de la dette publique

Ce sont les conséquences du rapport de force tel qu’il existe. Mais qu’est-ce qui a établi ce rapport de force ? Qu’est-ce qui le maintient, et en fait l’aggrave d’année en année ?

Le rapport de force – et ses causes

C’est la liberté pratiquement indéfinie – et en tout cas continuellement élargie – pour toute entreprise multinationale de profiter à la fois des bas salaires permis dans tel pays et de la demande créée par des revenus plus élevés dans tel autre, c’est la liberté de faire apparaître par artifice comptable ses profits dans le pays où ils seront le moins taxés – qui est aussi liberté de profiter du fruit des investissements publics d’un pays (éducation, recherche, infrastructures…) sans contribuer en proportion à leur financement qui ont créé ce rapport de force si démesurément favorable aux propriétaires de multinationales et aux fonds financiers gérant leurs actions.

Ce sont là en définitive les conséquences des politiques de libre-échange et de liberté de circulation des capitaux constamment renforcées depuis au bas mot une génération.

C’est donc sur ces politiques qu’il faudrait revenir si l’on souhaitait arrêter la marche à l’inégalité, préserver la rémunération du travail, préserver l’avenir à long terme qui dépend toujours davantage des investissements publics (éducation, recherche, énergie, environnement…) que de la consommation privée… surtout la consommation somptuaire ! Comment imaginer sinon qu’une loi telle que celle réclamée par Oxfam, adoptée dans un seul pays, ne serait pas contournée… par les autres pays, qui en régime de libre-échange et de liberté des capitaux auraient beau jeu d’attirer sur leurs territoires les entreprises gênées par cette loi ? Comment imaginer que le ralentissement brutal de l’activité qui en résulterait en France ne pousserait pas tôt ou tard, et probablement assez tôt, à l’abandonner ?

Changer le rapport de force – oui, mais à quel niveau ?

Revenir sur la politique de libre-échange et de liberté de circulation des capitaux ? A tout le moins la modérer, voire la limiter, en tout cas la choisir en fonction de contraintes autres que la seule règle « plus c’est fluide, mieux c’est » ?

Il y faudrait un changement de paradigme, un changement d’époque. A quelle échelle pourrait-il être véritablement mis en place ? C’est là poser la question de l’instrument qui le permettrait… il doit à la fois être assez puissant pour être efficace, et être assez maniable pour qu’une majorité de citoyens puisse pratiquement s’en saisir.

Est-il envisageable d’imposer ce changement de paradigme au niveau mondial (tout les pays sont d’accord, tous en même temps) ? Au niveau de l’Union européenne (27 pays sont d’accord, tous en même temps) ? Au niveau français (un président et un parlement sont élus pour cela) ?

Tenter de changer le paradigme :

– Au niveau mondial, avec certitude d’y arriver si tout le monde est d’accord… mais certitude que ce ne sera jamais le cas ?

– Au niveau de l’UE, avec une bonne chance d’y arriver si tout le monde est d’accord… mais quasi-certitude que ce ne sera jamais le cas ?

– Au niveau de la France, avec une chance un peu moins bonne d’y arriver si des dirigeants sont élus avec ce projet… mais une chance assez bonne qu’ils puissent être élus ?

– Au niveau inférieur pourquoi pas ? La Catalogne puisque la mode du small is beautiful s’étend aussi au politique… et pourquoi pas Deauville alors ?

Nous sommes en plein dans la question politique, et dans la question de l’échelle à laquelle elle doit être menée.

Si beaucoup d’hommes et de femmes de bonne volonté se la posent, une chose est assurée : quoi qu’il en soit, un tel changement de paradigme n’est ni dans les projets aux Etats-Unis du milliardaire Trump, ni en France du millionnaire Macron. La baisse de l’imposition des entreprises et des plus aisés leur convient très bien, merci pour eux.

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Quelques différences de surface et de style oui mais sur le plus important, ne s’entendent-ils pas très bien ? Or, libre-échange et liberté de circulation des capitaux décidés en fonction de l’intérêt des plus aisés parmi les plus aisés, bref de l’hyperclasse… n’est-ce pas le plus important ?

D’ailleurs, cet autre milliardaire vous salue bien…

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Chez nous, c’est de 15,5% à 20%… Россия самая сильная ! La Russie est la plus forte !