Bonne année ! par Panagiotis Grigoriou

Billet invité. Également sur son blog greekcrisis.fr.

Dernière parution… de notre cahier du Sud pour 2017 depuis ce pays des oliviers. Notre supposé comptage calendaire marquera sa pause, toujours si bien calculée entre nos temporisations humaines, puis il reprendra son cours. Temporalité dite de crise, et en réalité, longue urgence qui persiste, voilà que ce blog n’émettra plus de bilan de fin d’année. Sinon… et plus terre-à-terre (c’est vraiment l’expression), très… beau réveil vers 6h ce matin du 31 décembre 2017. Un séisme a secoué Athènes, notre Mimi et notre Hermès se sont également et aussitôt levés de leurs… lits, sans plus d’inquiétude il faut dire. Preuve s’il en faut de l’évidence d’une… certaine intelligence naturelle malgré tout !

Mimi et Hermès de ‘Greek Crisis’ et leurs lits! Athènes, décembre 2017

Temporalité dite de crise, et alors longue urgence qui persiste. Ceux que le destin à voués à l’écart dans nos pays sans travail, pays pourtant encore hier rêvés et dont leurs prismes façonnaient autant leurs imaginaires, tout ce beau et… bas monde lira dans la presse, au demeurant plus électronique que jamais, que par exemple, l’avènement de l’intelligence sera désormais artificiel… ou il ne sera pas.

À minuit, nous autres voyageurs du sens (peut-être même accusés de faire immodérément preuve de passéisme outrancier aux yeux de certains), nous nous souhaiterons réciproquement la bonne année et ensuite nous nous coucherons en attendant le vent, qui finira par se lever au matin du 1er janvier, comme toujours avec le soleil. En attendant, nous aurons pu contempler les nuages sur le Péloponnèse proche, et ses villages pratiquement vidés de leurs habitants… mais encore, à l’huile d’olive véritable !

Le séisme du jour. Grèce, le 31 décembre 2017

Les médias auront fait remarquer que les Athéniens ont suffisamment pu décamper vers les campagnes pour ce Noël 2017 (ce n’est que partiellement vrai), et que la consommation (toujours la consommation !) en cette période de l’année a augmenté de 1,5%, en comparaison avec le mois de décembre 2016. Sauf que la surprise viendrait plutôt du choix des Grecs.

Majoritairement, ce sont alors les appareils électriques classiques, en promotion il faut dire en cette fin d’année qui auront volé la vedette aux babioles high-tech (presse grecque de la semaine). Oui, pour l’instant, ce sont toujours les cuisinières qui font bouillir les œufs… à l’instar des politiciens faisant alors bouillir les peuples comme on sait. Plus l’électricité… et les algorithmes.

Au Péloponnèse. Décembre 2017
Villages… à l’huile véritable. Péloponnèse, décembre 2017
Production locale. Péloponnèse, décembre 2017

Traditionnellement, la période de Noël correspond en Grèce à l’intervalle allant de la nuit de Noël à l’Épiphanie. Le plus souvent, les maisons étaient ornées d’une d’un bateau en maquette, décoré de bougies. Le sapin de Noël a peu a peu remplacé le bateau, ceci avec l’arrivée à Athènes de la cour Bavaroise et de son roi Othon (1832) après la guerre d’indépendance (1821) au XIXème siècle. Aussitôt, le sapin a envahi les maisons des nantis d’Athènes, puis, durant la deuxième moitié du XXème siècle, le sapin de Noël a été adopté par l’ensemble des foyers en Grèce, sans pour autant détrôner complémentent le traditionnel petit bateau.

Autre usage culturel marquant, les 24 et 31 décembre, les enfants cheminent de maison en maison pour chanter les “Kalanda” (chants traditionnels) de Noël et de Nouvel an, s’accompagnant d’un triangle métallique que l’on frappe à l’aide d’une tige, également métallique. Les habitants offrent alors aux enfants des sucreries, du chocolat, des fruits secs comme de ces incontournables petits gâteaux, les melomakarona (dessert à base de farine, d’huile d’olive, de noix et de miel), et les kourabiedes (au sucre glacé, fleur d’oranger et amandes).

Les temps ont changé, depuis plus d’un demi-siècle déjà, les sucreries offertes sont remplacées par de l’argent (s’agissant de la petite monnaie), puis, temporalité dite de crise oblige ces deux à trois dernières années, à Athènes et plus généralement en ville, les enfants qui cheminent de maison en maison pour chanter les “Kalanda”, ils sont souvent agressés par d’autres enfants, voire par des adultes, dans le but de leur faire voler leur monnaie récoltée en chantant.

Chat qui pêche. Péloponnèse, décembre 2017
Chat à bord d’un chalutier. Péloponnèse, décembre 2017
Les traditionnels Kalanda. Peinture de Nikiforos Lytras, 1872

Méta-capitalisme avancée et avarié triomphant, difficile de rêver encore de lendemains lesquels décidément ne chantent plus. Tous les enfants (au demeurant peu nombreux) que j’ai vus durant la journée du 24 décembre 2017, chantaient alors leurs Kalanda sous la bonne escorte de leurs parents. “Nous ne pouvons plus les laisser seuls cher monsieur, même en groupe… quelle époque alors !”

Pays autrement (disons) paisible. Dans le Péloponnèse, nos animaux adespotes favoris et qui ne chantent guère de kalanda, s’adonnent parfois à la pêche sur les petits ports, maintenant que les touristes se font rares, lorsqu’ils ne gardent pas de bien près les… filets, à bord des chalutiers.

Heureusement que la gastronomie grecque nous préservera quelque part paraît-il et encore longtemps, certains boulangers par exemple dans le Péloponnèse, nous ont proposé de leur spanakópita alors de temps de fêtes. La spanakópita dans la cuisine grecque, c’est un friand aux épinards, à l’huile d’olive et à la féta, voilà que nos intelligences naturelles connaissent (et reconnaissent) encore le bon et simple goût.

Kourabiedes et melomakarona. Péloponnèse, décembre 2017
Spanakópita. Péloponnèse, décembre 2017

Dans le ciel d’Athènes, le smog généré en ce moment par la généralisation du chauffage au bois persiste. Disons que c’est aussi systémique et… existentiel. Cela fera alors un moment que notre capacité à mener une vie “normale” beaucoup plus loin dans ce pays comme dans ce siècle, n’est plus. Les dessinateurs et les caricaturistes de la presse grecque l’ont d’ailleurs très bien compris, lorsqu’ils représentent l’avènement de la nouvelle année 2018. L’époque des niaiseries elle est autant finissante, et il était sans doute grand temps.

À minuit, nous autres voyageurs du sens restant (car probablement pour cela, accusés de faire immodérément preuve de passéisme outrancier), nous nous souhaiterons réciproquement la bonne année, sauf que plus personne n’est vraiment dupe, dans ce pays semble-t-il en tout cas. Nous apprécierons ainsi mieux les moments présents et peut-être restants. Comme durant cette veille de Noël ici même à Athènes ; nos si bons amis venus de loin et en surprise, un peu de notre famille, et alors Mimi et Hermès, en interlocuteurs incontournables !

Le smog dans le ciel athénien. Décembre 2017 (presse grecque)

J’ai également rencontré mon ami T., dans son quartier qu’il ne quitte pratiquement plus jamais, comme dans son chômage… journalistique, alors durable. Il est désormais désabusé: “Notre travail n’est plus, sept journalistes sur dix sont sans emploi… Notre classe, ex-moyenne est programmée à disparaître, nous cédons nos biens pour une bouchée de pain… mais alors jusqu’où ? Je me dis que je ne leur ferai pas cadeau de ma personne. Non, je ne me suiciderai pas, je vais plutôt éliminer un des politiciens…” J’ai offert ce que j’ai pu, ainsi que de la spanakópita… aux circonstances aggravantes.

Beaux moments pourtant, certes amers, car cependant moments de fête car surtout, ayant du sens. La fête, c’est d’abord et originellement du sens, ne l’oublions pas. Au même moment dans la blogosphère grecque, certains analystes annoncent leur décision… à ne plus analyser ni recenser les nouvelles accablantes. “Dénoncer les politiciens ne sert plus à rien, nous le savons tous, rien ne changera, sinon que par nos décisions et actions qui… sortiraient du cadre de la seule analyse comme de l’unique quiétude…”

On dirait qu’avec les sucreries de Noël 2017, toute une culture politique chez une partie de la population grecque est donc morte, et alors en même temps remplacée par une… culture de guerre. Notion d’ailleurs du temps des mes recherches en histoire, elle occupait notre réflexion à l’époque lorsque nous analysions la Grande Guerre… celle du siècle passé bien entendu.

2018 vu par le “Quotidien des Rédacteurs”. Décembre 2017
Paupérisation. Presse grecque, décembre 2017
2018 vu par le “Quotidien des Rédacteurs”. Décembre 2017

Dernier… feuillet numérique du Sud pour 2017, depuis ce pays décidément des oliviers. Notre supposé comptage calendaire marquera sa pause, celle que nous croyons bien calculée, entre nos trébuchantes temporisations humaines, puis il reprendra son cours.

Même si certains cafés que l’on nommait jadis de fortune ont fait faillite, et même si certaines olives ne sont pas et ne seront peut-être pas ramassées des arbres cette année, ni en 2018, le voyage en Grèce, le nôtre en tout cas, n’est pas dénué de sens.

Je tiens à remercier ici, les ami(e)s et lectrices/lecteurs de Greek Crisis, pour leur fidélité comme pour leur soutien essentiel, car je n’ai pas pour l’instant pu répondre aux nombreux messages. Les résultats de la campagne exceptionnelle de soutien au blog, lancée il y a dix jours, a couvert plus de la moitié de la somme fixée et le reste à l’avenant, nous espérons que nos lecteurs en tiendront compte dans leur action de solidarité et de soutien. Nous exprimons encore une fois notre très chaleureuse reconnaissance aux ami(e)s du blog qui sont intervenu(e)s dans le cadre de cette donation.

Le… voyage en Grèce. Athènes, décembre 2017
Au pays des oliviers. Péloponnèse, décembre 2017
Bar en faillite. Péloponnèse, décembre 2017

Votre blog… ayant déjà survécu au séisme de ce matin, il espère poursuivre dans ses cahiers du Sud, depuis ce pays des oliviers, aussi durant 2018.

Les temps ont certes bien changé, déjà depuis plus d’un demi-siècle, les sucreries offertes aux enfants qui chantent les Kalanda ont été remplacées par de l’argent, s’agissant inévitablement de la toute petite monnaie.

Les algorithmes, le virtuel mais peut-être mieux un jour, ceux que le destin à voués à l’écart dans nos pays sans travail, mettront alors fin au règne de l’argent pour alors survenir à générer “une société du don basée sur le droit d’usage plutôt que la propriété privée, une société respectueuse des hommes et de l’environnement, où les voiliers de plaisance effectuent du transport maritime, où les voitures au gaz sont collectives (…) Un monde devenu, il est vrai une pure fiction”, d’après l’ami de ce blog et ami tout court, Jean-François Aupetigendre .

Feu et cuisson. Péloponnèse, décembre 2017

C’est peut-être… je sujet de notre prochain… séisme, qui sait ? En attendant, notre Mimi et notre Hermès ont retrouvé leurs… lits, toujours sans plus d’inquiétude il faut dire.

Preuve s’il en faut de l’évidence d’une… certaine intelligence naturelle malgré tout ! Bonne année !

Hermès et Mimi de ‘Greek Crisis’. Athènes, décembre 2017

* Photo de couverture: Au pays des oliviers. Péloponnèse, décembre 2017

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