Billet invité. Ouvert aux commentaires.
Il y a des interrogations qui ne peuvent être éludées, comme ce que nous attend en 2018. Endémique, la crise financière va-t-elle cette année connaître un nouvel accès aigu de fièvre, ou continuer à vivre sur sa lancée en dépit de tout ? La liste de ce qui pourrait en être à l’origine s’allonge, mais rien n’est encore venu.
L’effondrement du système financier a été entrevu, dix années sont passées, mais il a tenu le choc non sans susciter de fortes émotions. Alors la question se pose, peut-il s’accommoder de son indéniable fragilité et de son instabilité manifeste, tout en continuant à se développer impunément ? Pour qui et jusqu’à quand le temps joue-t-il ?
Seule certitude, prétendre que tout va redevenir comme avant est devenu un exercice vain, les repères traditionnels pris en défaut, les indices dans les choux et les théories faisant foi n’étant plus un recours. Parmi les anomalies relevées, la faiblesse de l’inflation tient la corde. Elargissant leur mission sans rien demander à personne, les banques centrales ont amorti le choc mais ne sont pas parvenues à accomplir leur mission et à renouer avec leur cible en dépit de leurs injections massives de liquidités.
L’inflation faible reste un mystère, et Claude Borio, le responsable du département économique de la Banque des règlements internationaux (BRI), admet que « d’une manière quelque peu inquiétante, personne ne connait vraiment la réponse ».
Nous sommes entrés dans une nouvelle ère faite d’inflation et de croissance faibles ainsi que de chômage élevé. Et la mutation du capitalisme financier s’annonce socialement brutale.
Les analystes observent avec circonspection la physionomie aplatie de la courbe de Phillips, qui empiriquement visualise la relation entre l’emploi et les prix. La baisse du chômage enregistrée par les instruments habituels conduit certains d’entre eux à leur préférer le taux d’emploi, qui permet de débusquer un important chômage caché. Une autre courbe détonne, considérablement aplatie, le taux des obligations à court et à long terme se rapprochant, ce qui résulte des taux très bas du marché. Décidément, le paysage a bien changé.
Signe de la précarité de la stabilisation, la volatilité des marchés n’est plus ce qu’elle était. L’indice VIX, intitulé « le thermomètre de la peur » continue de mesurer celle des investisseurs, mais en raison au contraire de l’atonie des marchés.
Que se passe-t-il donc dans les sous-sols du système financier ? On ne le sait toujours pas. Vítor Constâncio, le vice-président de la BCE déplore que la régulation financière ignore largement un shadow banking étroitement connecté au système bancaire. Ce qui a tout de même conduit la Banque des règlements internationaux (BRI) a lancer une étude. Elle porte sur l’impénétrable marché de gré à gré des « repos » qui pèse près de 12.000 milliards dollars, là où les banques vont se refinancer. Prévue pour durer deux ans, elle a pour objet de mieux décrypter son fonctionnement ! Il serait temps !
Mais aujourd’hui la leçon est amère pour les régulateurs : en croyant bien faire, exprimant de bonnes résolutions, ils ont créé de nouveaux problèmes. La savonnette du risque leur échappe des mains. Le trading des produits dérivés va progressivement s’appuyer sur un réseau de chambre de compensations dont la raison d’être est d’absorber les défauts de paiement des contreparties. Mais, concentrant le risque, les chambres de compensation pourraient se révéler être un instrument de sa propagation au lieu de son cantonnement.
Question des plus centrales, le calcul du risque pose problème à tous les étages. Les récentes tractations entre les banques européennes et le Comité de Bâle, ou bien avec la BCE, ont montré combien son calcul pouvait être arrangeant, raison pour laquelle les banques veulent en conserver la maîtrise. Qui de toute manière est illusoire !
Autre sujet d’inquiétude pour les régulateurs, la Fed et la BCE ont engagé la marche arrière en faisant preuve d’une grande prudence. Il ne faudrait tout de même pas que ce soient elles qui déclenchent des phénomènes imprévisibles en augmentant leur taux et en arrêtant leurs achats obligataires… Leur attitude démontre en tout cas que même elles, si bien informées, ne maitrisent pas les conséquences de leurs actes, ce qui les conduit à agir du bout des doigts.
Le palmarès ne serait pas complet s’il n’était pour mémoire fait mention de la panoplie des instruments dérivés au grand complet, fonds indiciels (trackers), contrats de différence (CFD), etc… exprimant la fureur spéculative et illustrant de la manière la plus crue que l’activité financière procède pour une large part de paris sur les fluctuations des prix, sans intérêt social et à forte nocivité..
On n’en prendra pas à propos de l’année à venir !
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