Retranscription de Le temps qu’il fait le 15 décembre 2017. Merci à Catherine Cappuyns !
Bonjour, nous sommes le vendredi 15 décembre 2017 et ce matin j’ai oublié de faire la vidéo. Voilà, c’est la première fois que ça m’arrive. C’est peut-être un signe de ma lassitude générale. Je m’étais promis – j’étais à Paris dans une chambre d’hôtel – et à parler avec quelques uns participants de la réunion hier à Beaubourg et je me dis : « dès que je suis dans le train, je vais vérifier si on est mercredi ou jeudi et – ah stupeur ! – à ma stupeur, je découvre qu’on est vendredi et que c’est le jour du « Temps qu’il fait ».
Cette distraction est peut-être révélatrice de cette annonce que j’ai faite de la fin du blog sous sa forme de gazette où tout le monde viendrait avec des papiers et tout le monde discuterait de tout ce qui se dit en même temps. Formule à laquelle j’ai décidé de mettre fin au bout de onze années et j’ai reçu hier un message, un mail, d’un de mes fils qui me disait : « Bon timing pour arrêter le Blog sous cette forme-là ». Pourquoi, pourquoi disait-il ça ? Eh bien, parce qu’il y avait la coïncidence de l’adoption, par le think tank, par le groupe de réflexion du Parti socialiste belge, il y a eu l’adoption apparemment enthousiaste de ma proposition de taxe Sismondi. Il m’envoyait aussi un lien vers une réflexion générale sur la disparition du travail et d’autres gens qui s’activaient sur cette notion de concentration de la richesse. Concentration de la richesse : depuis le début, depuis que j’en parle, je me réfère aux travaux de Saez et de Piketty mais c’est aussi – vous le savez – un de mes dadas, et donc il me disait, en fait il embrayait sur cette notion que j’avais lancée peu de temps avant de prendre ma décision d’arrêter le blog, c’est que finalement le monde est prêt maintenant. Le monde a repris ou est en train de reprendre les choses qui me tiennent à cœur, le message passe, le franc est en train de tomber
Je vais revenir sur le fait si oui ou non il est tombé au bon moment et s’il ne tombe pas trop trop tard mais s’il tombe trop tard, eh bien il était peut-être déjà très tard il y a une dizaine d’années quand j’ai commencé à parler de tout ça. Mais, autre élément que mon fils n’a pas pu connaître parce qu’il n’était pas à Paris, c’est la réunion qu’il y a eu hier à Beaubourg à l’initiative d’Etudes digitales, c’est-à-dire à l’initiative d’une revue dirigée par Franck Cormerais et Jacques Athanase Gilbert qui sont les deux personnes qui avaient entrepris ces entretiens qui ont donné lieu à ce volume qui s’appelle À quoi bon penser à l’heure du grand collapse ? et qui est donc une interrogation de leur part sur l’ensemble de mes travaux. Et les réactions, les conversations que j’ai eues hier, pendant que je parlais, pendant que j’étais interrogé par l’organisateur dont le nom malheureusement m’échappe, son prénom c’est Armen (Armen KHATCHATOUROV NDLT), et les conversations surtout que j’ai eues ensuite et en début de soirée et ensuite pendant la soirée – nous sommes allés manger à quelques-uns – me convainquent, me confortent, me confirment dans cette opinion que le message est en train de passer. Et pas seulement là, sur le blog, mais dans ce volume qui fait un peu le point sur tout ce que j’ai essayé de trouver et peut-être de découvrir, et de mettre ensemble au fil de mes années de recherches, j’ai été rassuré.
J’ai été rassuré : le franc est tombé. Voilà, ça commence à diffuser, on commence à en parler. Toutes ces idées se trouvent égayées dans la nature. Je n’ai plus du tout ce sentiment d’avoir parlé dans le désert et c’est pour ça que cette fin du blog pour que je passe à autre chose : mon fils a raison de dire : « Le timing est bon. Tu as bien choisi le moment. C’est le moment où on peut le faire, où tu peux le faire, et où il faut le faire ». Ce n’est pas ça qu’il me dit mais c’est comme ça que je résume. Je vous laisse un certain nombre de choses entre vos mains et les discussions sont ouvertes sur le blog de savoir si un certain nombre d’entre vous auront envie de faire autre chose ou la même chose autrement sans ma présence permanente et quotidienne.
Le débat est lancé ; allez-y, allez-y ! Comme je l’ai dit, si ce sont de bonnes initiatives et qu’on a besoin d’un tout petit coup de pouce de ma part ou même un coup de pouce, bien sûr, je ne refuserai pas de le faire si c’est pour aller dans la bonne direction, enfin la même direction, parce que j’espérais qu’elle était la bonne.
Et donc les événements récents me convainquent que c’est en train de se faire. J’ai dit « Je vais revenir sur la question s’il est tard ou s’il est trop tard ». Malheureusement, peut-être, en même temps que cette prise de conscience qui est extrêmement salutaire et qui a l’air de… la mayonnaise a l’air de prendre, apparait aussi de plus en plus le fait qu’il est bien tard. Et, alors que par exemple dans Le dernier qui s’en va éteint la lumière, j’ai laissé tout à fait entre parenthèses parce que je ne connaissais pas la réponse, le fait qu’il était trop tard ou non. Avec les informations qui tombent, le fait de démasquer les climato-sceptiques comme les escrocs qu’ils sont tous, y compris (rires) oui y compris certains noms dont on me dit : lui, il n’est pas aussi grave que les autres. Si, si. Même quelqu’un dont le seul souci est de faire passer la promotion de sa discipline plutôt que les questions de survie de l’espèce, même une personne comme ça, même ça c’est condamnable. Ce sont des considérations qui devraient être mises entre parenthèses, vu l’urgence.
Mais donc, ce qui apparaît de plus en plus, c’est qu’il est bien tard. Déjà dans le bouquin de Servigne et Stevens, ils avaient laissé entendre qu’on avait pris un très mauvais tournant à la fin du XVIIIe siècle, au tout début de la révolution industrielle. Alors, si c’était à nous de changer quelque chose qu’on aurait dû en fait changer à la fin du XVIIIe siècle, bien entendu, on ne peut pas le faire. Les informations qui viennent nous font penser que sauver la planète pour la survie d’un grand nombre ou même d’un nombre quelconque d’êtres humains à sa surface, c’est peut-être raté.
Je réfléchis pendant que je vous dis ça parce que je vois ces gens qui s’agitent autour de moi et qui publient des livres en disant : « Ne vous inquiétez pas, il y aura peut-être des milliards qui vont disparaître mais il restera peut-être ici et là quelques petits groupes », etc. Et les arguments qui sont donnés sont d’une stupidité confondante, parce que les arguments qui sont donnés pour le fait qu’il y aurait bien des petites poches qui survivraient ici et là, c’est le fait qu’on n’arrive pas à mettre ensemble un raisonnement qui prouverait que ces petites poches n’existeraient pas. Alors, si c’est à ce genre d’intellectuels (rires) qu’il faut confier l’avenir, on est mal barrés, on est vraiment mal barrés ! Je crois que, inconsciemment, ce qui leur vient à l’esprit, c’est que « Je me retrouverai bien dans les quelque cent mille ou les quelque dix mille qui survivront ». Et là, je ne pense pas à ce Monsieur qui a fait le livre sur comment il faudrait s’en sortir : je pense à d’autres dont j’ai parlé – du bouquin qui ne me revient pas, qui s’appelle The Knowledge. Voilà : Lewis Dartnell. Ce n’est pas à lui que je pense parce qu’il dit lui que pour que ça puisse repartir, il faudrait qu’il y ait un petit groupe de dix mille personnes. Mais ceci dit, il ne dit pas : « Moi, j’ai la garantie qu’il y aura dix mille personnes, qu’il n’y en aura pas cent mille ou qu’il n’y en aura pas zéro ». Non, ce sont d’autres dont je suis en train de lire les livres et dont je ne veux pas dire le nom parce que je ne suis pas sûr que ces livres soient très intelligents.
Enfin voilà, c’est mal parti. C’est mal parti : qu’est-ce qu’on peut faire à ce moment-là ? Qu’est-ce qu’on peut faire si on ne peut pas sauver la planète comme lieu d’habitation pour nous parce qu’on l’a vraiment foutue en l’air, que ce soit à la fin du XVIIIe siècle ou l’année dernière, ou si c’est parce qu’on ne pourra pas s’empêcher de le faire dans les dix ans qui viennent, ça n’a finalement pas d’importance. On est alors dans un scénario de type Interstellar. La seule possibilité à ce moment-là, c’est de trouver le moyen d’aller loger ailleurs. Alors, dans notre système solaire – on le sait – sur Titan c’est sympathique parce qu’il y a de la pluie, mais c’est de la pluie de méthane liquide, donc ce n’est pas vraiment notre truc. Sur les autres planètes qu’on voit autour de nous, elles sont trop chaudes ou trop froides ou il leur manque d’autres choses importantes comme de l’oxygène dans l’atmosphère ; il faudrait qu’on aille vraiment ailleurs. Est-ce que c’est possible ? Non, dans l’état actuel de nos connaissances, non, ce n’est pas possible. Il n’y a qu’une seule possibilité à ce moment-là – on frise la science-fiction pour autant que la science-fiction existe encore puisque, en fait, on la voit tous les jours derrière nous, à côté de nous, sur le côté. La seule possibilité c’est à ce moment-là de mobiliser… – je l’ai dit hier, j’ai été étonné qu’il n’y ait pas eu plus de stupéfaction ou de regards critiques à mon égard quand je l’ai dit – le seul scénario véritablement vraisemblable à ce moment-là, c’est que puisque nous inventons maintenant à toute allure des machines qui sont plus intelligentes que nous et super-intelligentes par rapport à nous – et n’écoutez pas : il y a, je dirais, il y a quelques spécialistes professionnels de l’Intelligence Artificielle qui vous répètent exactement aujourd’hui ce qu’ils vous disaient déjà il y a quarante ans : que ça n’aura pas lieu et qu’il n’y aura jamais d’intelligence artificielle et qu’on ne sait pas, la conscience ceci, la conscience cela et je ne sais quoi encore. Non, c’est en train d’avoir lieu. Moi, j’ai connu l’Intelligence Artificielle à une époque où il était vraisemblable de dire comme je le disais, qu’il y avait des goulots d’étranglement, des goulets d’étranglement, qu’on n’était pas sûrs qu’on allait pouvoir trouver la réponse. Eh bien, ça a sauté et maintenant moi je ne vois plus de très très grands obstacles. Plus de très très grands obstacles : ce qui a changé de l’époque où j’en faisais activement, à la fin des années ’80 maintenant, est plutôt rassurant pour nous, parce que ce qui a changé, c’est que, à cette époque-là, on nous disait : « On n’aura même pas besoin de copier la manière dont le cerveau humain fonctionne parce qu’on connait les méthodes. On sait déjà d’un point de vue algorithmique comment on va pouvoir mimer la pensée et on peut aller de ce côté-là ». Et ça, ça là on a été déçus, on a été déçus de ce côté-là parce qu’il semblerait bien qu’il y ait quelque chose d’assez optimum, optimal, dans la manière dont le cerveau humain fonctionne par la collaboration d’un très très grand nombre d’éléments qui peuvent distribuer, c’est dire redistribuer entre eux l’analyse des données, les comprimer d’une certaine façon – et pas les compresser s’il-vous-plait – les comprimer (rires) d’une certaine façon pour en tirer la substance, aller stocker tout ça en mémoire et retrouver tout ça et pouvoir faire des analyses de choses qui apparaissent ensuite, que ce soit sur le mode de la corrélation ou sur un modèle hypothético-déductif fondé sur le syllogisme, finalement n’a pas tellement d’importance : notre cerveau est une très très bonne machine. Seulement c’est lent, c’est lent et surtout peut-être, en plus de la lenteur, nous avons cette capacité à ne pas comprendre des choses qui se passent autour de nous, de la faute de nos parents ou des incidents comme ça, des trucs qui sont ininterprétables et nous nous mettons des obstacles à l’intérieur de ce cerveau, dans la manière dont il est programmé, dont la mémoire est stockée et dont nous pouvons retrouver l’information par la suite. On appelle ça la névrose ou pire encore la psychose. Ce sont des déformations dans la manière dont ça fonctionne et dans la névrose il y a des tas d’informations qu’on ne peut pas récupérer ; tout ça est inscrit mais on n’arrive pas à le retrouver ou alors on le retrouve sous une forme tout à fait déformée qui nous fait prendre des vessies pour des lanternes et dans la psychose, il y a carrément et ça je l’ai expliqué déjà dans mon bouquin qui s’appelait Principes des systèmes intelligents [1989 / 2012], j’ai repris l’explication de Lacan sur la forclusion mais en termes de théorie des graphes, c’est simplement, c’est une déconnexion à l’intérieur du graphe : il y a un pont ou il y a des ponts qui manquent, ce que Lacan appelait le signifiant-maître et qui fait qu’on est obligé de suivre des raisonnements dans une partie du graphe, dans une partie de la mémoire stockée sans avoir accès à l’autre et du coup, il y a ce qui avait été noté depuis très longtemps dans la schizophrénie, il y a un dédoublement de la personnalité, c’est-à-dire qu’il y a deux zones ou plus qui travaillent en autonomie, qui produisent des résultats différents et souvent ça tombe sur du raisonnement qui nous apparaît paranoïaque. Pourquoi est-ce qu’il nous apparaît paranoïaque ? Parce que faute de pouvoir accéder à la bonne information dans la bonne partie du graphe, on essaie de trouver une explication localement. Je vous dirai dans quelles pages des Principes des systèmes intelligents, publié en ’89, c’est expliqué [1989 / 2012 : pages 114-118]. Et on est obligé d’essayer de trouver l’explication à un endroit où l’explication ne se trouve pas et c’est paranoïaque au sens où on attribue de manière compulsive, et manifestement fausse pour les autres, la cause d’un événement, à un événement qui n’en est pas un, faute de pouvoir trouver le bon qui, lui, est stocké ailleurs.
Alors c’est ça, c’est ça qu’on peut éviter aux machines même si on leur fait des réseaux neuronaux artificiels qui marchent. On va leur éviter quand même la névrose et la psychose, on va leur permettre non seulement d’aller beaucoup plus vite que nous mais aussi de ne pas être encombrées, ne pas être gênées, par des pathologies. Par des pathologies : il faut bien appeler les choses par leur nom, que sont la névrose et la psychose. Alors, à l’échelle individuelle, on peut – pour le signifiant-maître, ça, c’est difficile, comment reconnecter vraiment deux morceaux de graphe qui sont déconnectés ? C’est pour ça que la psychanalyse n’a pas encore fait grand-chose à mon sens par rapport à la psychose mais il y a peut-être un truc. Mais pour la névrose, la névrose, eh bien ici, il suffit ici de remettre en marche les circuits, la partie du circuit qui sur laquelle, comme le disait Freud, on a mis un tabou involontairement. Il faut lever le tabou et la partie va pouvoir reconnecter avec le reste. Enfin, elle est connectée, mais les valeurs d’affect vont pouvoir circuler là et on va pouvoir retrouver ça.
Donc ce n’est pas tout à fait par hasard que j’ai dit que j’allais me consacrer en parallèle à la psychanalyse et l’intelligence artificielle. C’est à partir de la même représentation théorique qu’il y a des choses à faire de ce côté-là. Alors voilà, j’avais encore quelque chose à dire – qu’est-ce que c’est ? Ah oui, sur la question de savoir si on est encore dans les temps pour les solutions, il faut peut-être mettre le paquet sur le fait de demander aux machines de nous aider à résoudre les problèmes qui nous permettraient, dont l’absence… (rires) les difficultés dont l’absence nous permettrait d’aller coloniser ailleurs. Alors, je sais, là je tombe dans des choses qui sont parfois condamnées comme dangereuses. Elles sont dangereuses mais nous sommes peut-être arrivés au moment où il ne faut pas mettre entre parenthèses – je le dis d’abord avant de passer à autre chose – il ne faut pas mettre entre parenthèses l’éthique, l’éthique c’est-à-dire le fait de ne pas faire certaines choses et d’en faire d’autres. Parce que ça c’est important ! Si on n’a pas ça, on ne peut plus faire fonctionner les sociétés humaines mais il faut peut-être mettre entre parenthèses ou remettre sur la table pour en discuter, une notion peut-être trop restreinte de ce que c’est la nature humaine. Il faut peut-être rouvrir dans la direction que suggéraient des gens comme Jean-Jacques Rousseau ou Condorcet, remettre sur la table la notion de « perfectibilité », de voir comment on peut s’améliorer et d’en discuter calmement et justement dans le cadre de l’éthique mais de réfléchir à ce qu’on peut modifier, à ce qu’il faudrait modifier. Pas modifier je dirais dans le sens – ça c’est une chose à ne pas faire ! si l’environnement se dégrade sur la terre au point qu’il faudrait nous modifier dans un très très mauvais sens pour qu’on puisse encore continuer à respirer, manger etc. dans ce cadre-là, ça, ce n’est peut-être pas la chose à faire. Mais si la solution c’est qu’on se trouve une autre planète en espérant que nous aurons compris au passage – ce qui n’est pas évident – comment ne pas la foutre, elle, en l’air quand on arrivera dessus, il faut peut-être demander aux machines de réfléchir avec nous à cela. Même si on ne comprend plus exactement comment elles le font. La seule chose qu’on nous demande à nous, c’est de pouvoir choisir, dans ce qu’elles nous disent, les bonnes et les mauvaises réponses. Si la machine a tendance à mettre entre parenthèses dans sa manière dont elle procède parce qu’elle n’a pas d’affect par exemple, à mettre entre parenthèses l’éthique, alors là il faut lui rappeler que non, nous on fonctionne dans le cadre de l’éthique, sinon ce n’est même pas la peine de recommencer. On sait, dans ce cas-là, s’il n’y a même pas d’éthique, on ne pourra même pas relancer une planète ailleurs avec nous essayant de faire mieux.
Alors voilà : je passe d’une… – certains seront contents – puisque je passe d’une représentation où la voie de garage pouvait paraître totale à une vision plus optimiste où on pourrait peut-être essayer de recommencer ailleurs. Mais dans ce cas-là je dirais, il ne faut peut-être pas mettre trop entre parenthèses la possibilité que nous offrent nos machines en étant beaucoup plus intelligentes que nous, de trouver la solution. Et si vous doutez, si vous doutez que ces machines soient déjà beaucoup plus intelligentes que nous, ou si vous entendez, comme je l’ai entendu encore hier malheureusement, que la machine qui gagne au jeu de Go et ne peut pas faire la vaisselle en même temps, n’écoutez pas, ça ne mérite pas les secondes que vous consacrerez à cela. Vous avez un smartphone, j’en ai un ; dans un smartphone on a mis, parce qu’on trouvait que c’était une bonne idée, on a mis des tas de choses qui n’allaient pas ensemble comme une caméra, un traitement de texte, une boussole, une lampe torche, etc., on a mis tout ça ensemble parce que ça nous arrange bien d’avoir un grand canif dans notre poche. Le jour où on aura besoin que les machines qui gagnent au Go, fassent aussi la vaisselle, ne vous inquiétez pas, ça prendra dix minutes à faire : ce n’est pas un obstacle. Ce n’est pas ça, ce n’est pas ça qui est un obstacle à l’intelligence artificielle. Non, ce qui est important, c’est que la machine AlphaZero gagne à des jeux où elle n’a jamais joué, qu’elle bat à plate couture la machine qui avait déjà battu à plate couture des êtres humains pour gagner au jeu de Go. Non, nous avons créé une machine qui a la capacité d’être beaucoup plus intelligente que nous et ne serait-ce que parce qu’elle n’a ni névrose, ni psychose qui lui foutent ses réseaux – ses réseaux connectés – en l’air et l’empêchent de penser correctement. Mais surtout, sans doute, la vitesse lui donne un avantage tout à fait considérable. On me disait l’autre jour à propos de quelque chose : « Oui, il nous a fallu deux millions d’années pour, par expérience, par essais et erreurs, pour découvrir ceci ». Eh bien, ces deux millions d’années, j’avais fait un calcul, c’était quoi, c’était moins d’une semaine pour un ordinateur à la vitesse où il va, de faire ce que nous avons fait en deux millions d’années. Donc là aussi ce n’est pas un obstacle.
Bon, eh bien tout ça, mes vidéos (rires) jusqu’à la fin février, elles iront toutes sans doute dans le même sens, de me confirmer – en tout cas à moi-même – que c’était une bonne idée d’arrêter la formule. On verra bien ce qui se passe. Moi je verrai bien ce qui se passe dans ma tête à la fin février, si je suis toujours là. Je verrai bien si j’ai encore envie de penser tout haut devant nous. Peut-être pas tous les vendredis pour répondre à un impératif catégorique qui est que ma présence serait indispensable sur l’internet. De toute façon, avec la disparition de la neutralité du net, Dieu sait [ralentit le discours] à quelle vitesse je parlerai devant vous. Ce n’est peut-être pas une bonne chose.
Une petite note là, parce que quand même voilà, au cas où j’oublierais de le dire : je vous ai présenté sur le blog pendant dix ans le style Country & Western comme étant la chose qui correspond tout à fait à mon goût et qui serait le sommet de la musique. Je dois vous avouer que c’était une petite plaisanterie, c’était une manière de vous provoquer comme sur pas mal d’autres choses. J’écoutais tout à l’heure Archie Shepp, j’écoutais du free jazz et ça c’est, bon, je ne vous en ai pas mis beaucoup sur le blog, parce que voilà, je n’avais pas envie de le faire. Peut-être parce que j’ai voulu garder ça un peu pour moi. Il y a dans le jazz des choses absolument formidables et j’espère en écouter encore beaucoup. Allez, à bientôt !
@Pascal (suite) Mon intérêt pour la renormalisation est venu de la lecture d’un début d’article d’Alain Connes*, où le « moi »…