LES TRACKERS, DES INSTRUMENTS DE MALHEUR ? par François Leclerc

Billet invité.

L’année se termine et l’on n’en finirait pas si l’on voulait dresser la liste des causes d’un rebondissement possible de la crise rencontrées ici ou là. N’ayant rien vu venir la fois d’avant, les commentateurs ne voudraient pas s’y faire reprendre. Mais le mystère reste entier.

Parmi les candidats par qui le malheur pourrait arriver, les trackers (fonds indiciels) (1) figurent en bonne place. Les tombereaux de liquidités déversés ces dernières années par les banques centrales n’ont pas été perdus pour tout le monde, et ils semblent en avoir largement profité.

En dix ans, ce marché naissant a plus que quintuplé de volume. Certes, il pèse encore relativement peu avec ses 4.429 milliards de dollars, au regard de celui des actions (65.000 milliards de dollars), des obligations (90.000 milliards) et de ceux des futures – contrats à terme – et des swaps (48.000 milliards). Mais il devrait atteindre le montant respectable de 7.600 milliards de dollars en 2020, en si peu de temps. Une telle progression vaut aux trackers d’être qualifiés à leur tour de disrupteurs. Que vont-ils donc perturber ?

Afin de tenter d’y répondre, l’Iosco, le régulateur mondial des commissions de valeurs, va lancer l’année prochaine une deuxième enquête à leur propos, craignant qu’ils puissent à terme provoquer une déstabilisation financière. La première étude avait déjà confirmé qu’ils étaient un facteur d’accélération des mouvements de marché, à commencer par les moins liquides.

Se voulant rassurants, des analystes expliquent que ce nouveau marché n’a pas encore « testé sa liquidité  » et assurent que tout rentrera dans l’ordre quand il aura grandi. Mais est-ce seulement sa taille qui est en cause ? Le décrochage brutal des marchés d’août 2015 est en mémoire, le plongeon des trackers se révélant le plus spectaculaire. Sur ce mode, certains voient venir une nouvelle crise majeure des liquidités, à l’identique de celle de 2008, le marché des trackers jouant le rôle qu’avait joué la titrisation.

Les gestionnaires de fonds, qui voient leur clientèle les quitter pour investir sur le marché des trackers, prédisent pour les en dissuader qu’il ne résistera pas lorsqu’une correction, inévitable et pour bientôt selon eux, interviendra. Mais, en réalité, personne ne peut prédire avec certitude son comportement. Une telle incertitude fait tout de même réfléchir.

Le système financier a déjà connu deux grandes mutations avec la montée en puissance et l’installation du trading à haute fréquence, et maintenant avec celle de ces nouveaux instruments financiers. Des algorithmes sont de plus en plus à la source des ordres d’achat et de vente boursiers, qui se font concurrence entre eux, et sur le marché des trackers, les investisseurs adoptent la gestion passive, par opposition à l’active plus onéreuse, qui est partiellement automatisée. On connait déjà la prochaine étape, l’introduction de la blockchain dans tous ses rouages possibles.

Une nouvelle salle du casino est ouverte, avec les trackers qui permettent des paris sur l’évolution de leur sous-jacent. On n’arrête pas le progrès !

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(*) Cotés en bourse, les trackers répliquent le comportement de leurs sous-jacents, indices, cours de matières premières, actions, obligations, swaps, futurs, options… Bref, de toute la panoplie des instruments financiers.

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