Billet invité.
Le coup d’envoi officiel de la discussion sur la reconfiguration de l’Union européenne et de la zone euro est lancé ce week-end par la Commission qui a rendu public ses propositions sous forme d’une communication. Un concours est lancé pour savoir ce qu’il en restera…
Elle propose de créer dès 2019 un Fonds monétaire européen sur la base du MES, une fois transformé en organisme communautaire, afin qu’il soit prêteur de dernier recours pour les banques. Non chiffrée, une ligne budgétaire serait destinée à stabiliser la zone euro en cas de choc économique, à accompagner la pré-adhésion de ses futurs membres et à soutenir les réformes structurelles. Un poste de ministre de l’économie et des finances européen ayant rang de vice-président de la commission européen serait enfin créé, qui présiderait également l’Eurogroupe.
Les points de désaccord avec les propositions allemandes d’avant les élections sont nombreux, mais les rôles respectifs de la Commission et du Conseil européen vont également être au cœur des débats. Le poids pris par l’Eurogroupe, ce lieu d’arbitrage entre les gouvernements où la Commission n’est qu’invitée, pèse désormais, les chefs d’État ayant repris beaucoup de terrain perdu sur celle-ci et n’entendant pas le céder à nouveau. Dans un contexte où chacun défend sa cause plus que jamais, il devient difficile de déléguer, quand bien même des précautions sont prises pour que les équilibres soient tant bien que mal respectés au gré des nominations aux postes-clés. Rien ne vaut le jeu des compromis au petit matin !
La machinerie européenne reste un sujet privilégié d’interrogation, et sa réforme a tendance à prendre le dessus sur une question pourtant essentielle : comment l’Europe va-t-elle se situer dans le nouveau monde qui est en train de se dessiner, de la Chine aux États-Unis, comment va-elle cesser d’être un problème pour devenir une solution ? Alors que les vents contraires soufflent forts, et que les tentations nationalistes, autonomistes ou indépendantistes s’expriment en son sein, faute d’une réponse globale.
Cette même carence trouve son illustration en Espagne, avec un débat sur la réforme constitutionnelle espagnole qui peine à s’engager et est promis à perdurer. L’avènement d’une Espagne républicaine et fédérative n’est pas dans les tuyaux.
L’Europe a été construite imparfaitement et reste inachevée, est-il largement reconnu, mais ce n’est pas demain la veille que ses volets fiscaux et sociaux verront le jour ! La liste noire des juridictions non coopératives – vulgairement appelées paradis fiscaux – publiée hier mardi par l’Union européenne est à cet égard une mauvaise plaisanterie qui reflète l’incapacité des gouvernements à avancer sur le dossier de l’homogénéisation fiscale. Et l’articulation entre ses différentes échelles du pouvoir – régions, nations, union – est un sujet inépuisable dans lequel il est facile de se perdre s’il ne s’inscrit pas dans un cadre programmatique.
D’ores et déjà, formuler une réponse au criant déficit démocratique de l’Europe est un objectif perdu de vue, au profit de la constitution très restrictive de listes transfrontières aux prochaines élections européennes, si elles voient le jour. Et on est à des années-lumière de la remise en cause de la mythique indépendance de la banque centrale, cette grande mystification, qui elle aurait valeur de changement. Les verrous ne sont pas prêts de sauter.
L’Europe n’est pas rétablie, comme la piètre situation de son système bancaire en témoigne, et ses dirigeants en sont à tenter de s’accorder sur les mesures à prendre pour faire face à une rechute. D’où les débats sur l’élargissement de la mission du MES. Quant à l’avenir, la création d’un budget européen suffisamment doté pour relancer l’investissement et la croissance – ce faux critère du bien-être – est partie pour prendre la succession du plan Juncker. Après un an et demi de financement, un doute s’insinue à l’égard de celui-ci : les projets retenus n’auraient-ils pas trouvé de toute façon leur financement, et le plan lui-même représente-t-il autre chose qu’un effet d’aubaine pour ses bénéficiaires, et un effet d’éviction pour ceux qui étaient visés parce que plus risqués ?
La Frankfurter Allgemeine Zeitung nous informait ce matin de la tenue d’une réunion à laquelle participaient Donald Tusk, Jeroen Dijsselbloem, Klaus Regling et Mario Draghi, destinée à mettre les pendules à l’heure. Il en serait ressorti que si les États membres restent très divisés sur de nombreuses questions, cinq domaines pouvaient être retenus pour chercher un consensus. La finalisation de l’Union bancaire, la création d’un fonds monétaire et d’un budget européens, celle d’un poste de ministre des finances de l’Union, ainsi que le renforcement de la supervision fiscale (exercée par l’EBA pour les banques, l’EIOPA pour les assurances et l’ESMA pour les marchés financiers). Mais ce ne sont que les titres de chapitres qu’il va falloir maintenant écrire…
Les deux plus importants ne figurent même pas sur cette short list. L’Union européenne ne se débarrassera pas de son endettement – qu’il soit public ou privé – avec la politique budgétaire qu’elle s’est donnée, et les réformes libérales combinées aux effets de la moins-disance fiscale qui n’est pas résorbée vont accentuer les inégalités sociales.
Le danger ne vient pas seulement de D.Trump, mais plus particulièrement de son ‘oligarque’ E.Musk, et l’on comprend mieux maintenant…