Brexit et Catalogne : quelle est la taille idéale de l’« entre soi » ?
Le Brexit, déjà considéré comme une catastrophe par ses promoteurs mêmes, pris à contre-pied par le « Oui » à 51,9% au referendum du 23 juin 2016, n’a pas cessé de générer des effets de plus en plus désastreux.
Certains de ces effets étaient automatiques, comme le départ de l’Agence bancaire européenne (ABE) qui siégera désormais à Paris, ou de l’Agence européenne du médicament, dont le siège va se déplacer vers Amsterdam. D’autres effets étaient prévisibles comme un ralentissement de l’activité économique au Royaume-Uni, la baisse de la livre sterling ou le départ de la City de Londres d’un certain nombre d’établissements financiers. D’autres conséquences étaient moins prévisibles, parmi celles-ci, l’affaiblissement progressif du gouvernement de Mme Teresa May, premièrement pour avoir appelé à des élections anticipées ayant débouché sur une perte de majorité pour le Parti conservateur, deuxièmement en raison d’une fronde au sein de ce parti, fronde menée par Boris Johnson, personnage clé du fait de son poste de ministre des affaires étrangères, troisièmement en raison de la perte en quelques jours de deux ministres, l’un pour frasques antérieures, l’autre, pour ce que la presse a qualifié pudiquement de « diplomatie freelance », lors d’un récent séjour en Israël.
Les nuages sont à ce point nombreux sur le Brexit, qu’ils font grimper les chances d’une version dite « ultra-dure », qui ne déboucherait pas sur un traité commercial, et serait accompagnée d’un refus de tout versement compensatoire à l’Union européenne.
Mais le nuage le plus menaçant aujourd’hui était évident avant même que ne soit lancé le referendum : le statut de la frontière entre la province britannique d’Irlande du Nord et la République d’Irlande. L’absence de frontière dure entre les deux fut consacrée par l’Accord du Vendredi saint de 1998, accord passé à l’époque entre deux composantes de l’Union européenne. Le retrait hors de celle-ci du Royaume-Uni remettrait l’accord en question et obligerait à redéfinir une frontière « dure » à un endroit ou un autre : soit entre les deux Irlandes, soit entre l’île entière et la Grande-Bretagne. Et sur ce point, le désaccord est absolu, la République d’Irlande mettant son veto à la première option, et le Royaume-Uni, à la seconde. Quant au rejet du Brexit à 62% par les Écossais, il ajoute encore à la complexité régionale de la question pour le gouvernement britannique, même si les élections récentes ont entériné une perte d’influence significative des indépendantistes qui ont alors perdu 21 des 56 sièges qu’ils détenaient.
Et ceci suggère un parallèle inattendu entre le processus calamiteux du Brexit et la question catalane, et débouche sur une question en réalité essentielle : quelle est la taille idéale de l’« entre soi » dans l’Europe contemporaine ? Celle de l’union au plus haut niveau, comme l’Union européenne, ou de la région, telle la Catalogne ?
Si la réponse devait être « des unités plus petites », les institutions sont-elles en place qui permettraient la reconfiguration souhaitée ? Et là, la réponse est « Non », comme le démontrent à suffisance les événements récents dans les négociations relatives au Brexit et la tentative avortée de sécession de la Catalogne en Espagne. Dans les deux cas, les initiatives s’enlisent en raison d’abord de l’absence de cadre permettant une recomposition harmonieuse en unités plus petites, mais plus grave encore, en raison ensuite de l’absence d’une jurisprudence, de l’inexistence de précédents qui permettraient de définir une ligne de conduite dans le processus de reconfiguration à un niveau plus local.
Or la réponse rationnelle en termes de logique économique et financière est au contraire de constituer des unités plus grandes, pour permettre d’une part une plus grande diversification économique dans chaque unité, facteur de stabilité et de réduction du risque, et d’autre part de voir réduits au maximum les effets pervers du « dumping » social, fiscal ou autre, entre unités concurrentes au sein de ce que devraient être au contraire de véritables unions.
L’insatisfaction aujourd’hui des Européens les conduit à vouloir réduire l’échelle de l’entre soi en descendant d’échelon en échelon de plus en plus bas, le voisin qui énerve étant de plus en plus semblable à soi-même. C’est à cette insatisfaction en tant que telle que les gouvernants européens devraient répondre par priorité.
@Khanard et Pascal Pour moi, Marianne reste un média de gauche ou de centre gauche, heureusement, il n’est pas encore…