Billet invité.
Le Sénat américain a adopté hier de justesse la réforme fiscale de Donald Trump qui vise à relancer l’économie en diminuant les impôts, en bonne orthodoxie républicaine. Cette réforme est la première et l’unique à mettre à son actif, à un an des élections à mi-parcours, grâce à laquelle il peut espérer dévier dans l’immédiat l’intérêt des médias pour le Russiagate, suite à la décision de Michael Flynn de plaider coupable, qui annonce d’autres rebondissements.
Comment la première puissance économique mondiale va-t-elle s’y prendre pour alimenter la croissance de l’économie ? Par celle de l’endettement dont le montant pourtant culmine déjà à 20.000 milliards de dollars et qui va désormais augmenter, au minimum, de 1.000 milliards supplémentaires en dix ans. Car il n’est plus vraiment question d’un autofinancement des baisses d’impôt, les experts d’une commission non partisane évaluant à quelque 1.500 milliards de dollars sur 10 ans l’accroissement de la dette publique qui va résulter de la réforme, dont seulement un tiers seront couverts par de nouvelles recettes financières. Cette mise en cause de projections financières autofinançant la réforme, conjuguées avec le refus d’une augmentation automatique des impôts au cas où les objectifs de recette n’étaient pas atteints n’a pas empêché l’adoption de la loi par 51 voix à 49, un seul républicain votant contre. Ce qui a conduit le sénateur Bernie Sanders à s’exclamer que « le Trésor fédéral est pillé ce soir ! »
Puisqu’il faut prioritairement baisser les impôts, il ne reste plus alors qu’à augmenter le déficit, ce qui représente pourtant un sacrilège pour les républicains. Ils se consoleront en observant que la baisse des impôts est particulièrement prononcée pour les entreprises et les plus fortunés. Mais les calculs du Tax Policy Center établissent que les principaux bénéfices de la loi iront aux 1% les plus riches tandis que la classe moyenne aisée paiera plus, et les moins nantis bénéficieront de modestes réductions. Et l’on voit surgir, en défense de la réforme, la théorie du choc de l’offre qui est toujours sollicitée dans ces cas-là avant d’être démentie par les faits. Les entreprises pourront à l’avenir déduire leurs investissements du montant de leur imposition, en complément de la baisse de son taux. Les transnationales seront incitées à rapatrier leurs profits à un taux préférentiel de 10%, dont le montant est estimé à 2.900 milliards de dollars, ce qui représente un cadeau de 290 milliards de dollars au nouveau taux de 20% auquel elles vont être assujetties.
Traditionnellement opposés à toute augmentation de la dette publique, les élus républicains se sont donc résolus à manger leur chapeau sur l’autel de la croissance, signe s’il en est qu’ils pensaient ne pas avoir d’autre choix. Rapporté à une interrogation plus générale portant sur la capacité du capitalisme à se réformer, preuve est faite qu’il se révèle incapable de le faire et de stopper sa fuite en avant. Et qu’il est devenu une machine à produire de la dette – et de la rente tant que cela fonctionnera – ainsi qu’une inégalité qui atteint les revenus des consommateurs à la fonction pourtant indispensable. Il crée ainsi lui-même les conditions de sa déstabilisation, car cela ne tiendra pas éternellement la route.
L’enchaînement remarquable des expérimentations informatiques en cette fin d’année ne peut susciter qu’une grande perplexité lorsque l’on apprend les tentatives…