Retranscription de Le temps qu’il fait le 16 novembre 2017. Merci à Marianne Oppitz !
Bonjour, nous sommes le jeudi 16 novembre 2017. Jeudi et non vendredi, toujours dans une chambre d’hôtel – non plus à Bruxelles mais à Lille – mais j’ai hâte de rentrer à la maison après une aussi longue tournée. Tournée extrêmement profitable ! Vous allez voir, il y a plein d’interviews qui vont paraître, plein de vidéos, plain de déclarations, plein de discussions. C’est foisonnant, plein de projets, plein de nouvelles idées, encore cet après-midi. Le monde est en train de changer. Quelque chose s’accélère, à mon sens dans la bonne direction, ce qui est une bonne chose.
Vous avez vu – et c’est de ça que je vais vous parler ce soir – cet appel de ces 15,000 chercheurs, de ces 15,000 scientifiques. Le monde réagit bien, le monde réagit beaucoup à ces déclarations en disant qu’il faut changer les choses maintenant. Il y a un excellent papier de Cédric Chevalier sur le blog qui dit ce qu’il faut dire : c’est-à-dire que toutes les énergies devraient être mobilisées, maintenant pour le changement de cap, pour empêcher l’extinction. Ce qui est un peu décevant, bien entendu, c’est que ça avait déjà été dit, exactement dans les mêmes termes, il y a 25 ans. Le monde n’était peut-être pas prêt. Moi, j’ai le sentiment que même l’année dernière, quand j’ai publié « Le dernier qui s’en va éteint la lumière », que le monde n’était pas prêt : je voyais ces gens qui avaient l’amabilité de m’interviewer – à la télévision, à la radio – je voyais leurs yeux ronds en disant : « D’où vous vient cette idée d’une espèce humaine en véritable danger ? » J’avais précisé, dans mon livre, que je n’allais pas expliquer pourquoi le monde humain… pourquoi le genre humain était menacé d’extinction. La preuve me semblait avoir été faite par les scientifiques. Mais mes interlocuteurs considéraient que non, eux, n’avaient pas vu passer cela. Alors, voilà ! C’est effectivement… le cri d’alarme, il y a 25 ans, en était un parmi d’autres. Ils se sont accumulés. Maintenant, peut-être que ce chiffre de 15,000 va attirer l’attention et qu’on va, peut-être, faire quelque chose.
En tout cas, cela me conforte dans l’idée de terminer un autre livre – dans la suite du « Le dernier qui s’en va éteint la lumière » – que j’ai appelé « Qui étions-nous ? ». Donc aussi avec un titre, je dirais, « alarmiste », attirer l’attention sur le fait que ce sont peut-être des robots qui liront un jour ce livre et qui penseront avec nostalgie ou, peut-être, comment dire ? avec dégoût, à leurs ancêtres, à ceux qui les ont engendrés. C’est important ! Je crois qu’il est important de continuer. Mais, bien entendu, dans « Qui étions-nous ? », au lieu de mettre l’accent sur le fait de lancer l’alerte, j’essaye de constituer avec tous les éléments que j’ai pu trouver dans LES cultures humaines, les éléments qui constituent une boîte à outils.
C’est bien aussi, bien que le choix n’ait pas été le mien, que mon livre précédent, le recueil de chroniques dans « L’Homme», pardon – je dis toujours dans « L’Homme », la revue d’anthropologie à laquelle j’ai beaucoup contribué – dans « Le Monde » et dans la revue « Trends -Tendances », que ces chroniques aient été appelées du nom d’un entretien que j’avais accordé à la revue « Sciences critiques » : « Se débarrasser du capitalisme est une question de SURVIE ». L’accent mis, là aussi, sur la nécessite de changer de cap pour survivre. Et dans les entretiens que j’ai accordés à Franck Cormerais et à Jacques Athanase Gilbert, d’avoir appelé ça – c’est l’idée de Sandrine Palussière – « À quoi bon penser à l’heure du grand collapse ? », d’attirer l’attention sur les dangers qui nous menacent.
Espérons ! Espérons que les yeux ronds disparaîtront. Espérons que cette image de moi, en prophète Philippulus, tapant sur un gong mais étant – manifestement un peu fêlé, un peu givré – qu’elle disparaisse et qu’on se rende compte que ce n’est pas une question, je dirais, d’être un Cassandre ou un pessimiste ou un catastrophiste. C’est le monde, véritablement, qui est dans cet état là et, c’est une question de lucidité de le voir tel qu’il est , au lieu de se laisser bercer par des chimères, par des histoires que nous nous racontons sur nous-mêmes – par le « story telling » – que tout va bien, finalement. Ou, en tout cas, que notre système capitaliste, connaît la solution à ces problèmes là. Il ne les connaît pas, il fait partie du problème plutôt que de la solution : il est temps de changer de cap.
Diffusons, autant que nous le pouvons, cet appel des 15.000 chercheurs. Réfléchissons aux différents qu’ils mettent à la suite. Participons au débat qu’a initié, ici, Cédric Chevalier. Mais vous avez été plusieurs, parmi les rédacteurs du blog de Paul Jorion, vous avez été plusieurs, simultanément, à vouloir, faire quelque chose là-dessus. Il fallait trouver une formule et Cédric a trouvé la formule, c’est-à-dire de présenter cela et d’insister sur le fait que maintenant, ça passe ou ça casse et qu’il faut que nous consacrions non seulement toute notre attention mais, tous nos efforts à faire que ça réussisse. Nous sommes un petit miracle à l’intérieur de l’univers. Il y en a peut-être d’autres ailleurs, mais ils sont très, très loin et nous n’en aurons, sans doute, pas vent de notre vivant. Nous faisons des choses qui sont remarquables. Nous sommes une espèce méprisable sous bien des aspects mais, sous cet aspect là, nous avons créé quelque chose de tout neuf et, il y a là, la possibilité de faire encore mieux que ça. Peut-être même un tournant décisif.
Ce tournant décisif peut être, tout simplement, que nous soyons remplacés par la technologie que nous avons faite, mais ça peut-être aussi que nous vivions en bonne intelligence avec ces machines et qu’enfin ! elles nous aident vraiment tous. Parce que cela a déjà été dit par beaucoup de gens, ça a été dit par Sismondi : les progrès de l’humanité, c’est pour tout le monde. C’est pour tout le monde : c’est pour améliorer le sort de l’être humain. Le sort de l’être humain, c’est bien autre chose que les marchés que l’on essaye de mettre à l’avant comme étant le nec plus ultra. Les marchés, comme vous le savez, c’est une loterie : c’est très bon pour certains mais c’est un désastre, c’est un calvaire, c’est un martyre, pour les autres.
Alors, voilà, il y a du boulot et tous les petits signes du fait qu’on mobilise les énergies, tout ça c’est bon, tout ça va dans la bonne direction.
Allez ! À la semaine prochaine. Au revoir.
Ce qui est formidable dans votre petit conte de Noël, c’est la merveille de l’amabilité qui vous a permis de…