Billet invité.
En passe d’acquérir le statut de tarte à la crème dans les médias, la révolution digitale n’en est pourtant qu’à ses débuts. Le monde financier fait toutefois exception en s’y impliquant avec un dynamisme tout particulier, les projets et premières réalisations utilisant la technologie blockchain ne se comptant plus. Beaucoup de têtes sont également penchées sur les voies qu’ouvrent les crypto-monnaies.
Dans l’immédiat, ce ne sont pas les applications les plus consommatrices en intelligence artificielle qui vont être engagées. La blockchain est par contre mise à toutes les sauces. Elle va sécuriser et accélérer les transactions, diminuer leurs coûts et améliorer la rentabilité des capitaux propres des établissements bancaires (RoE, pour Return on Equity), car elles en ont bien besoin vu sa détérioration.
Cette perspective cultive un paradoxe, car la blockchain supprime l’intermédiation, l’essence même de l’activité bancaire à l’exception de ses activités pour compte propre, et représente pour elles un gros danger concurrentiel à ce titre. Les banques sont donc fortement incitées à s’investir dans ses applications afin d’occuper le terrain et contrer ce risque vital. Elles ont l’avantage de la connaissance des marchés et les moyens de faire leurs emplettes dans le vivier des start-up.
Elles sont également motivées par la chute de la rentabilité de leurs fonds propres, qui induit l’augmentation de leur coût en capital. Les marges des banques européennes sont atteintes par la faiblesse des taux d’intérêt, les incitant à sabrer dans leurs coûts afin de les améliorer. Et elles voient dans la blockchain une occasion rêvée de couper dans leurs effectifs, la voie qui a leur préférence.
L’ensemble du système financier est cependant concerné. Les échanges de titres financiers figurent ainsi au premier plan des applications de la blockchain. L’exemple donné par la SETL, une fintech présentée comme allant ubériser les marchés financiers, en est l’illustration. Elle annonce savoir traiter des dizaines de milliers de transactions à la seconde et serait comme telle susceptible de bouleverser de nombreuses activités, comme les transactions sur titres, l’échange de collatéral, les opérations de change ou bien encore les règlements…
Leurs acteurs actuels se trouveront vite placés sur la défensive, au premier chef les bourses d’action et les chambres de compensation, la blockchain étant par nature un tiers de confiance. Sur le marché de gré à gré dédié à la couverture interbancaire des swaps de taux d’intérêt, une place de premier choix sera également à prendre, si la traçabilité qu’elle garantit ne se révèle pas rédhibitoire.
La SETL a également mis au point avec Cobalt un service de compensation bilatérale (netting) destiné aux grandes entreprises et leur permettant de réduire les montants effectivement échangés, d’optimiser leurs opérations de change et de diminuer le nombre de leurs transactions, toutes opérations consommatrices de temps et ayant un coût.
Les crypto-monnaies ont déjà fait couler beaucoup d’encre avec le Bitcoin, reléguant au second plan d’autres monnaies numériques. De manière récurrente, il est annoncé son effondrement, ce qui n’empêche pas les banques centrales, gardiennes de l’ordre sinon de la vertu, d’en étudier les applications pour leur propre compte. La question est posée : les banques centrales pourraient-elle être débordées par ces monnaies s’affranchissant des États, comme les banques commerciales le sont par la blockchain, au moins sur le papier ?
« Il ne serait pas sage de négliger les monnaies virtuelles » a en tout cas déclaré Christine Lagarde au nom du FMI. Ceux qui sont impressionnés par la manière dont les compagnies transnationales optimisent le montant de leurs impôts en imposant leur loi aux États sont en effet fondés à se demander s’il serait judicieux de leur laisser le contrôle de la monnaie…
L’une des applications étudiées par les banques centrales consisterait à leur permettre d’injecter de la crypto monnaie directement dans les entreprises, sans passer par l’intermédiaire des banques commerciales qui s’acquittent fort mal de cette mission et portent la responsabilité de la détérioration des mécanismes monétaires. Les entreprises bénéficiaires pourraient l’échanger entre elles, et cela pourrait représenter un premier pas vers la généralisation des porte-monnaies électroniques et la disparition de la monnaie papier.
Le champ est vaste, le potentiel est à peine identifié, mais le remodelage et les rythmes de la reconfiguration du système financier sont inconnus. À l’arrivée, il pourrait y gagner en stabilité, se dit-on, à condition toutefois que les technologies numériques disponibles soient bridées. Trois grands usages de la blockchain sont identifiés – les transferts d’actifs, l’exécution automatique des conditions et termes des contrats (smart contracts) et la traçabilité des opérations – mais cette dernière est un enjeu dans un monde financier où l’opacité est une seconde nature.
Est-il utile de chercher plus loin ? Le système financier peut-il se passer de sa part de mystère et de ses délits d’initiés ? Est-il concevable que son opacité puisse être transgressée ? Si ce n’est pas le cas, il fera lui-même obstacle à sa stabilisation.
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