Billet invité. Ouvert aux commentaires.
C’est avec ravissement que nous avons appris que M. Lamar Smith, président de la commission « Science, Espace et Technologie » de la chambre des représentants du Congrès américain, et grand climato-négationniste devant l’éternel, venait d’organiser une audition sur le geoengineering.*
Venant de la part d’un homme politique dont les campagnes électorales furent généreusement couvertes par l’argent des compagnies pétrolières, l’initiative cousue de fil blanc ne saurait surprendre, son seul but étant de pouvoir continuer à polluer tranquillement. Dans la même logique que la NRA qui se propose de combattre la violence armée en vendant encore plus d’armes, il s’agit ici de combattre un réchauffement-climatique-qui-n’existe-pas, en promettant les moyens de manipuler le climat à grande échelle en guise d’assurance pour les futurs générations…
Et si la logique de la chose vous échappe quelque peu, rassurez-vous, c’est que vous êtes sain d’esprit !
Cependant, il n’y a rien à reprocher à des majors pétrolières dont le cœur de métier, comme pour toutes les transnationales d’ailleurs, est de maximiser les dividendes des actionnaires. Il convient en effet de se montrer logique : l’explosion des inégalités provoquées par l’évitement de l’impôt et la destruction des écosystèmes n’étant que la conséquence des cadres juridiques votés par les différents gouvernements (lois et traités), on ne saurait décemment reprocher aux transnationales de respecter la loi. CQFD !
La sauvegarde de la vie sur cette planète étant incompatible avec l’objectif de la maximisation des profits, il ne faut donc pas s’étonner que cette fuite en avant – toujours plus de destructions pour toujours plus de profits -, débouche sur des projets de géo-ingénierie.
Bref, il ne s’agit pas de reprocher aux fous d’être fous, mais simplement de relier les points et de constater que ces projets délirants ont un point commun avec des sujets qui à première vue pourraient paraitre sans rapport aucun : l’élection de Trump, le séparatisme, la montée des nationalismes, la société de surveillance généralisée, le Brexit ou l’implosion lente de l’UE.
Tous ces soubresauts politiques et les dangers de spirales vicieuses qui les accompagnent ne sont pas bien évidement unidimensionnels, mais à grande échelle ils peuvent être lus comme les conséquences, les métastases, du TINA. Cette idéologie où les représentants politiques votent les lois et signent les traités sous la dictée d’intérêts privés plus puissants que des états.
Et la toute récente capitulation en rase campagne de Nicolas Hulot devant le lobby électronucléaire, nous donne d’ailleurs une merveilleuse illustration de ce tout changer pour ne rien changer qui nous condamne à voir la situation se dégrader inexorablement. Pour se faire une idée de la puissance de l’argent, appelons les choses par leur nom, songez qu’il aura fallu à peine cinq mois pour entendre dans la bouche d’un militant écologique sincère, devenu ministre, les mots mêmes de l’industrie électronucléaire qui martèle que moins de réacteurs c’est plus de centrales à charbon et donc, plus de gaz à effet de serre.
Récapitulons : Dans un premier temps, de fortes paroles électoralistes accompagnées si possible d’un barnum médiatique type COP et de nominations à forte visibilité médiatique, suivies dans un second temps d’un détricotage plus ou moins souterrain, plus ou moins assumé des mesures annoncées, et enfin, par l’annonce d’un report des mesures sciemment sabotées en ne se donnant pas les moyens de pouvoir respecter les dispositions législatives annoncées.
C’est dans ce cadre qu’il faut lire l’audition organisée par le sieur Smith sur la géo-ingénierie. Même si les apparences semblent différentes, le climato-négationniste texan étant nettement moins policé que le nucléocrate hexagonal, la stratégie reste la même : à force de progresser fermement dans l’immobilisme, les choses en viennent à se dégrader de telle manière que les pires réponses, là-bas la géo-ingénierie, ici les réacteurs à eau pressurisée, finissent tôt ou tard par rester seules en lice…
Alors bien sûr le temps de la géo-ingénierie n’est pas encore arrivé, les esprits ne sont pas encore mûrs. Il s’agit pour le moment d’en diffuser l’idée sous forme de légère musique de fond, de commencer à imprégner les esprits tout en bloquant les initiatives destinées à nous faire sortir des logiques de prédation et d’extractivisme. Et quand le temps sera venu, lorsque des centaines de millions suffoqueront (ou crèveront de faim et de soif, ce qui est encore plus radical) et que nos villes côtières seront sous les eaux, la géo-ingénierie, mais également toute la palette des modifications possibles du vivant permise par l’ingénierie génétique, seront appelées à la rescousse.
Sauf que les métastases citées plus haut se multiplient de manière aléatoire, en rendant le proche avenir de plus en plus imprévisible.
Timiota concluait son dernier papier par une phrase, une injonction à être les hâteurs intelligents de la fin du capitalisme et des spasmes qui l’accompagnent. Nous n’y parviendrons qu’en changeant profondément nos systèmes de représentations politiques qui sont maintenant clairement au service exclusif de puissants intérêts privés. Ceux-là mêmes qui nous mènent au chaos et à l’effondrement/affrontement généralisé.
Tout l’art étant d’exécution, et notre habileté à choisir la meilleure solution proverbiale dans toute la Galaxie, il est donc fortement conseillé de parier contre Sapiens chez les bookies londoniens ! Et que les fortes têtes se demandant bien comment elles pourraient récupérer leur mise après la fin du monde, aillent poser la question à Lamar Smith ou à la NRA !
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* Merci à Jean-Paul Vignal d’avoir repéré cette information
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