Billet invité.
Emmanuel Macron essaye de se faufiler dans les négociations allemandes portant sur la formation d’une coalition « jamaïcaine », dont la première étape préliminaire a été franchie. Envoyé en ambassade à Berlin, le ministre français des finances Bruno Le Maire a été sans attendre exposer ses propositions.
Les quatre formations allemandes qui y participent – CDU, CSU, FDP et Verts -sont appelées à agir ensemble, à condition de se mettre d’accord sur un programme de gouvernement. Or elles demeurent très divisées sur la politique européenne à mener. Un texte d’une page et demie recense les divergences, et les passages entre crochets (qui font l’objet d’un désaccord) sont nombreux. On peut ainsi y lire « « Nous rejetons [un budget séparé de la zone euro ainsi que] l’introduction d’instruments qui conduiraient à des transferts automatiques ou à une mutualisation de la dette ». « [Nous voulons poursuivre le développement du MES en tant qu’institution indépendante afin de stabiliser l’union économique et monétaire] » y trouve-t-on par ailleurs. À propos de l’Union bancaire, il est fait référence à deux formulations différentes.
Le gouvernement français propose la tenue de réunions hebdomadaires de deux groupes de travail, l’un français et l’autre allemand, afin de préparer la discussion et pose sur le tapis un plan en quatre phases que Bruno Le Maire détaille dans une interview au Handelsblatt. La finalisation de l’Union bancaire est la première, suivie par le renforcement du Mécanisme européen de stabilité (MES), la création de ressources budgétaires communes, et au final la création du poste de ministre des finances européen. C’est en réalité un package ordonné qui est proposé à la discussion, un cadre propice aux compromis.
On notera déjà que le « budget européen » est désormais rétrogradé au rang de « ressources budgétaires » et que la description qui est faite du renforcement du MES, si elle ne se réfère pas explicitement au concept de « FMI européen » ne s’y oppose pas non plus, allant dans le sens des projets de la CDU et de la CSU. Emmanuel Macron fait le calcul qu’une fois accordé au MES le rôle de garde-chiourme du pacte budgétaire, ses interlocuteurs seront plus ouverts…
La proposition de création de ressources budgétaires communes est davantage en question, encore que leur objet soit bien plus restreint que dans la vision initiale du président français. Elles devraient avoir comme unique but de renforcer la capacité financière à absorber de nouveaux chocs et d’investir dans les « technologies disruptives ». Mais la finalisation du troisième pilier de l’Union bancaire représente une autre paire de manches, car son mécanisme implique a priori de franchir une ligne rouge, la mutualisation des risques bancaires.
Dans la conception allemande de gestion de ceux-ci, il appartient à chaque gouvernement d’en faire son affaire – ou de les dissimuler comme c’est le cas en Allemagne – et d’en supporter les conséquences en cas de malheur. La proposition française fait d’un accord sur la finalisation de l’Union bancaire un préalable à l’adoption des propositions d’élargissement de la mission du MES auquel la CDU/CSU tient par-dessus tout. Une telle tactique peut tout aussi bien faciliter un compromis à propos de l’option allemande que faire capoter l’ensemble.
D’autant que le plan français propose également une forte coordination sur le contrôle des investissements des pays non-européens, qui vise plus particulièrement les intérêts chinois. Ses relents protectionnistes ne sont pas spécialement en odeur de sainteté au sein de la puissance exportatrice allemande…
Il va falloir trouver le moyen de sauver les apparences afin qu’Emmanuel Macron puisse se prévaloir d’une avancée, même si celle-ci est au final très en retrait des perspectives qu’il avait tracées. Et on sera très loin de l’Union budgétaire. Depuis Bruxelles, Pierre Moscovici apporte sa contribution en estimant précaire le niveau de croissance économique européenne actuel. Celle-ci a selon lui comme points d’appui un environnement budgétaire et monétaire international qui n’est pas destiné à durer à l’horizon rapproché de 2020. Conclusion implicite : une entente franco-allemande est nécessaire et doit être trouvée sans tarder…
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